Journaflics contre anarchoautonomes

Jeudi, une cinquantaine de personnes ont pillé le Super U de Vigneux-de-Bretagne. Ils appartiendraient la mouvance «anarcho-autonome». Décryptage.
Leurs ennemis sont partout. L’État d’abord. Mais aussi le Capital, avec un grand C. La religion. La presse. «Tous pourris», en somme. Et surtout, pas de hiérarchie. Le mot est proscrit. Ces lointains héritiers de Bakounine, révolutionnaire russe et théoricien de l’anarchisme du XIXe siècle, appartiennent à la mouvance «anarcho-autonome».
Les gendarmes soupçonnent clairement certains de ces partisans d’avoir participé jeudi au pillage du Super U de Vigneux-de-Bretagne. La cinquantaine d’assaillants, encagoulés, a pris la fuite en tirant des fusées de détresse en direction des forces de l’ordre.

Même si personne ne se réclame ouvertement de ce courant, ils seraient une petite centaine à en faire partie dans l’agglo nantaise. La moitié d’entre eux se préoccupe plutôt de questions sociales et gravite dans les manifestations. L’autre moitié, dont une minorité violente proche de l’ultra gauche radicale, a fait du combat contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes son principal cheval de bataille. «Au départ, ce sont des gens de l’Acipa qui se sont rapprochés d’eux. Ça les arrangeait d’avoir à leurs côtés des forces vives, déterminées. Ça leur évitait de s’exposer directement sur certaines actions. Mais ils ont vite été dépassés», affirme une source proche du dossier. Aujourd’hui, l’Acipa traîne cette pseudo-union comme un boulet. José Bové himself aurait pu être refroidi par les risques de débordements en marge de la semaine de résistance à Notre-Dame-des-Landes. L’invité-star s’est désisté à la dernière minute.
Les profils de ces activistes varient. «Côté âge, ça va du mineur au retraité.» La plupart sont désocialisés : étudiants attardés, Rmistes, allocataires de pension X ou Y… À l’intérieur même de cette mouvance, des sous-groupes émergent. Le milieu a ses codes. Lacets rouges sur des Rangers ? Ce sont les Redskins. Il a aussi ses slogans : «Soyons touTEs des électrons libres et de notre union naîtra la bombe atomique sociale». Côté message politique, la confusion règne. «Ils veulent tout se réapproprier, sans aucun système de hiérarchie. Mais l’autogestion n’a jamais été un mode de fonctionnement politique.» Ils se réunissent parfois dans un local associatif, baptisé le B17, siège d’associations et partis politiques à Nantes, en bas de la rue Paul-Bellamy.
La moitié vit dans des squats. Quatre de ces lieux sont identifiés à Nantes. Un autre l’est à Saint-Herblain, dans un corps de ferme laissé à l’abandon depuis le décès de son propriétaire. Et un dernier dans une maison à… Vigneux-de-Bretagne. Philippe Trotté, le maire de la commune, renseigné sur le profil de ses occupants, refuse de leur signer un bail de location. La bâtisse en mauvais état, propriété du conseil général de Loire-Atlantique, doit être rasée en vue de la construction des infrastructures aéroportuaires. Ce qui fait dire à une source policière, que «le choix du supermarché pillé ne doit rien au hasard».
Leur presse (Jérôme Jolivet, Presse-Océan), 8 août 2009.
Aéroport : les différends des militants écolos
À «la Semaine de la résistance» organisée contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, deux visions du militantisme s’affrontent.
«Ce matin, comme un goût de gueule de bois», se désole François Presneau, un militant des Alternatifs, membre de la Coordination anti-aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui, depuis dimanche, organise «la Semaine de la résistance». Jeudi, un groupe masqué a attaqué le Super U de Vigneux-de-Bretagne, se réclamant du mouvement anti-aéroport (lire ci-dessous).

L’homme est agacé, très agacé. Trop dur, trop injuste, cette sale image qui rejaillit sur cet événement, sur cette lutte que lui et ses compères ont toujours menée sans violence. Plus loin, dans le Camp action climat, on ne commente pas la prise d’assaut du Super U : ni condamnation, ni revendication.
«On est plus volatils»
Être uni autour de la cause de l’aéroport ne suffit manifestement pas. Ces derniers jours, il y a de l’électricité dans l’air entre les deux mouvements : coups de gueule, voire insultes, malgré une volonté d’apaisement de certains.
Deux types de militantisme s’affrontent. L’un qui s’engage sur la durée à travers des associations ou partis bien identifiés. L’autre, rétif à toute organisation, adepte des actions coups de poings. «C’est clair, on est plus volatils», affirme Laurent, un jeune du CAC. Et cet autre : «On s’implique quand ça nous plaît. Et ça offre plus de liberté de penser. Nous, on ne perd pas d’énergie à obliger les gens à rester dans un cadre.»
«Le CAC se veut anti-politique et anti-hiérarchique, explique Romain [prénom d’emprunt], alors que les militants de “la Semaine de résistance” mènent leur combat en partenariat avec des partis ancrés dans la logique hiérarchique.»
«Action sur le long terme»
«Ils défendent un engagement efficace rapidement. À cet âge, on ne se rend pas compte que la société est un mollusque difficile à bouger», répond François Presneau. «Je crois en une action sur le long terme, argumentée, précise», affirme Gilles Denigot, conseiller général des Verts qui ajoute : «Ils tombent dans le piège du slogan “Politiques, tous pourris”.» Et pourtant, selon Yannik Jadot, député européen Europe Écologies, «il y a besoin de relais politiques car il y a des décisions qui se prennent à un niveau qui dépasse l’individu».
Le CAC, né en 2006 en Angleterre, compte bien continuer ses actions. Un autre camp est programmé en décembre à Copenhague, lors du sommet de l’ONU sur le climat. D’ici là, des débats vont certainement secouer ce mouvement : «Il y a des choses où on est à côté de la plaque, affirme Romain. Le CAC se revendique égalitaire et propose de donner la parole à tous ceux qui le veulent, mais les journalistes ne sont pas libres de circuler et les opposants mal reçus. Si nous étions cohérents, nous ferions tout pour faire découvrir le plus possible l’autogestion qu’on pratique.»
Aujourd’hui un rassemblement est organisé à partir de 11h.
Départ du site de La Rolandière à Notre-Dame-des-Landes.
Départ du site de La Rolandière à Notre-Dame-des-Landes.
Super U attaqué : pas d’interpellations hier
Les gendarmes étaient toujours sur la brèche, hier, après l’opération musclée qui a visé le Super U de Vigneux-de-Bretagne, jeudi midi. Les policiers aussi se tenaient prêts à réagir si besoin. Rappelons qu’un groupe encagoulé a fait irruption dans le magasin, dont il est reparti avec des marchandises, après avoir molesté deux personnes. Pour couvrir leur fuite, les intrus ont tiré des fusées en direction des gendarmes. «Ce sont des fusées qu’on trouve dans le commerce, elles sont notamment utilisées sur les bateaux, explique un enquêteur. On a cru un moment qu’il pouvait s’agir d’engins artisanaux, il n’en est rien.» Néanmoins, précise-t-il, le tir tel qu’il a été pratiqué, à quelques mètres, était réellement dangereux. «On est très inquiet de cette montée de violence.»
Faut-il chercher les suspects au sein du Camp Action Climat (lire plus haut) ? Rien ne permettait de l’affirmer, hier : personne n’a été interpellé, et les incessants contrôles d’identités et de véhicules (qui se poursuivent autour du site, sur réquisition du parquet), n’ont rien donné. Néanmoins, le groupe encagoulé, expliquent les gendarmes, s’est bien replié en direction du camp. Et dans les rangs des forces de l’ordre, le lien fait peu de doute. Les techniciens d’investigations criminelles décortiquaient hier les six à huit fusées retrouvées, et les traces laissées dans et autour du Super U. Tout comme les bandes de vidéo-surveillance. — A.C.
Leur presse (Marion Riffault et Jean-François Martin, Ouest-France), 8 août.
Projet Notre-Dame des Landes : des opposants ont envahi le hall de Château-Bougon, l’aéroport de Nantes
Entre 50 et 100 opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes (Loire-Atlantique), viennent d’envahir le hall de l’aéroport de Château-Bougon, près de Nantes. Il s’agirait de membres du groupe Camp action climat qui participe à la semaine de la résistance organisée par la Coordination anti-aéroport. Les manifestants, costumés, ont pénétré vers 11 heures dans l’aéroport, au son de leurs instruments de musique, bloquant les guichets d’embarquement et faisant des rondes dans tout le hall. Les forces de l’ordre sont présentes et exercent une surveillance attentive mais n’interviennent pas pour le moment.
Leur presse (Ouest-France), 8 août - 11h53.