En Grèce, la tentation de la lutte armée : du lard ou du cochon ?

Publié le par la Rédaction


C’est simple : ça n’arrête pas. Depuis l’assassinat d’Alexandros Grigoropoulos, cet adolescent tué par une balle policière le 6 décembre 2008, les groupuscules grecs d’extrême-gauche n’ont pas relâché une seconde la pression. Pas de la même façon, pourtant : deux d’entre eux, Lutte Révolutionnaire et la Secte des Révolutionnaires, multiplient les attentats. Le retour de la stratégie de la tension ?

En Grèce, ça bouge. Sévère. Depuis quelques années, déjà. Et spécialement depuis la mort d’Alexandros Grigoropoulos [Voir autour du sujet ce papier du Monde Diplomatique, «Aux banques ils donnent de l’argent, aux jeunes ils offrent… des balles» : «Il faut dire que le meurtre d’Alexis n’a rien d’une “bavure” : son nom s’ajoute à la longue liste d’assassinats et d’actes de torture restés impunis, commis contre des manifestants ou des immigrants, remarque notamment l’auteur, Valia Kaimaki. En 1985, en effet, un autre jeune de 15 ans, Michalis Kaltezas, fut tué par un policier, que blanchit ensuite un système judiciaire plus troué qu’une passoire. Les forces de l’ordre athéniennes n’agissent pas différemment de leurs homologues d’autres pays d’Europe. Mais, en Grèce, les blessures de la dictature demeurent ouvertes. L’inconscient collectif n’a pas oublié cette nuit de sept années ; cette société ne pardonne pas aussi facilement que d’autres.»], ce jeune de 15 ans descendu par un policier le 6 décembre 2008. Disons même que cela n’arrête plus, carrément. Un exemple ? Vendredi, une bombe artisanale a explosé devant un bureau des services fiscaux, des cartouches de gaz ont fait boum en face d’un bureau athénien de l’immigration et la voiture de service du président du conseil d’État a été détruite par une explosion. Tout cela en une seule journée, excusez du peu…

Sur les dents, les activistes grecs ? Au regard de ces derniers temps : oui. On peut même dire qu’ils font preuve, depuis quelques mois, d’une activité qui n’a pas eu d’égale depuis les années 1970. Ce qui tombe bien, puisque c’est justement ce parallèle qui m’intéresse. Comme lors des années de plomb italiennes, il me semble que deux types d’activisme d’extrême-gauche se font jour, l’un se revendiquant clairement de la lutte armée et nageant en eaux troubles, l’autre pratiquant une forme de combat qui — pour l’instant du moins — le tient écarté de la tentation du sang. Certains me reprocheront une distinction nulle et non avenue, seulement marquée de mon désir de dénicher des chevaliers blancs purs et parfaits combattant sans se salir les mains ; pas grave, j’assume. D’autres me feront remarquer que les choses sont à la fois plus perméables et compliquées que ça ; pas grave, j’assume itou. Les derniers pointeront les éventuelles méconnaissances et erreurs de ce billet ; ça tombe bien, ça le fera évoluer.

Lutte armée ?

Il est deux organisations historiques qui ont longtemps (beaucoup plus longtemps qu’ailleurs en Europe) trusté le haut du pavé de la lutte armée grecque. Leur naissance et leur combat sont indissociables de la Dictature des colonels, régime ultra-autoritaire issu du coup d’État mené le 21 avril 1967 par une junte militaire, soutenue par l’Otan et la CIA qui souhaitaient plus que tout éviter une arrivée au pouvoir de la gauche. Il s’agit du plan Promethée, conçu par l’Otan et qui a permis aux Colonels de régner jusqu’en juillet 1974, tandis que les États-Unis installaient leurs troupes en Grèce et y consolidaient leurs intérêts.

L’organisation du 17-Novembre  : Nommé ainsi en référence au 17 novembre 1973, jour où une rébellion estudiantine fut matée dans le sang par la Junte des colonels [
En novembre 1973, les étudiants de l’Institut polytechnique d’Athènes s’étaient barricadés dans le bâtiment, protestant contre la dictature militaire. Le mouvement fut rapidement réprimé par la force et dans le sang, le 17 novembre, faisant 44 morts selon un bilan officiel.], et fondé en 1975, le groupe (dit aussi 17-N) s’est attribué au fil des années la responsabilité de 23 morts et plus de 50 blessés. D’inspiration marxiste et anti-américaine, très longtemps insaisissable, l’organisation a notamment revendiqué en 1975 la mort de Richard Welch, chef d’antenne de la CIA à Athènes, en 1988 celle de l’industriel Alexander Athanasiadis-Bodosakis, en 1990 celle de Pavlos Bakoyannis, membre du parti La Nouvelle Démocratie, en 1994 celle de Michael Vranopoulos, ancien gouverneur de la Banque de Grèce, ou encore — son dernier coup d’éclat — en 2000 celle de Stephen Saunders, attaché militaire britannique. Le choix des cibles — industriels, financiers, hommes d’armée et anciens tortionnaires de la dictature — explique le soutien populaire dont a pu se prévaloir pendant de longues années cette organisation ; sa conversion à des thèmes nationalistes dans les années 1990, son recours à une phraséaologie ridicule et le choix de «cibles» beaucoup moins justifiables (entre autres, un journaliste de droite s’étant opposé à la dictature ou de très banals élus) explique itou le divorce croissant avec la population grecque.

L’organisation du 17-Novembre finit par être démantelée en 2002 : un attentat raté déclenche alors une vague d’arrestation de supposés membres du groupe, quinze d’entre eux (l’implication de tous étant très loin d’être avérée, voir cet autre article du Monde Diplomatique) étant jugés en 2003 et condamnés, dans un climat délétère et très peu respectueux des règles de droit, à des milliers d’années de prison. Fin d’un cas à part dans le monde de la lutte armée, pour la plus grande joie des services secrets américains et britanniques qui attendaient la chute de 17-N avec impatience.

Lutte Révolutionnaire du Peuple  : Le groupe aurait été fondé en 1971 par Christos Kassimis, pour lutter contre la Dictature des colonels autant que pour combattre les intérêts américains. Il a arrêté ses activités en 1995 et est beaucoup moins connu que son alter-ego du 17-Novembre. S’il est responsable selon la police de 250 attentats et 11 assassinats, il faut noter qu’il n’en a revendiqué que deux et s’attaquait surtout à des cibles matérielles. Un procès mené en 2003 a néanmoins condamné quatre de ses membres présumés (dont un seul, Christos Tsigaridas, a reconnu sa participation à l’organisation) à de longues peines d’emprisonnement.

Depuis le début des années 2000 et la fin des organisations du 17-Novembre et de Lutte Révolutionnaire du Peuple, un groupe grec a repris le flambeau de la lutte armée d’extrême-gauche, Lutte Révolutionnaire. Née en 2003, il s’est jusqu’à alors cantonné à des attentats matériels (contre des commissariats de police, des cars de police ou un complexe judiciaire), à deux exceptions près : un attentat raté en 2006 contre le ministre de l’Intérieur et l’attaque à la kalachnikov de trois policiers en janvier 2009. Si l’organisation a revendiqué treize attentats depuis sa création (dont une attaque à la roquette contre l’ambassade américaine d’Athènes le 12 janvier 2007, ce qui lui vaut d’être inscrit sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne tandis que les États-Unis ont fait savoir qu’ils offriraient une prime d’un million de dollars à qui les mettrait sur la piste des responsables), Lutte Révolutionnaire semble surtout avoir accéléré le rythme de ses actions à compter de l’assassinat de l’adolescent Alexandros Grigoropoulos et de l’apparition d’un autre groupe revendiquant la lutte armée, La Secte des Révolutionnaires. Ce dernier, lancé en février 2009 et quasi inconnu au bataillon, serait née d’une scission avec Lutte Révolutionnaire.

Depuis janvier 2009, Lutte Révolutionnaire et La Secte des Révolutionnaires ne mâchent pas leur besogne et mettent les bouchées doubles. À preuve, cette liste des principales actions revendiquées :
— Le 5 janvier 2009, deux hommes tirent à la kalachnikov et avec un pistolet mitrailleur MP5 contre trois policiers gardant le ministère de la Culture à Exarchia, le quartier contestataire d’Athènes. Revendiquée par le groupe Lutte Révolutionnaire en un manifeste de sept pages qui paraîtra dix jours plus tard dans le journal satirique To Pontiki sous le titre «Promesse de sang nouveau», l’attaque blesse gravement l’un des policiers, âgé de 21 ans.
— Le 3 février, trois hommes mitraillent le poste de police de Korydallos, dans la banlieue ouest d’Athènes, avant de lancer une grenade qui n’explose pas. Le groupe Secte des révolutionnaires réclame la responsabilité de l’action en un texte déclarant, après une longue référence à la Fraction Armée Rouge, que «la vie de chaque flic ne coûte pas plus qu’une balle». Il appelle à réserver le même sort à «des cadres haut placés, des grand journalistes, des fonctionnaires de l’État […] et des capitalistes».
— Le 17 février, la façade de la chaîne privée de télévision Alter est mitraillée par quatre individus portant cagoule ou casque de moto. Les mêmes lancent aussi contre le bâtiment un engin explosif de fabrication artisanale (soit une cannette de bière remplie de poudre et une mèche), qui n’explose pas, avant de prendre la fuite sur deux motos. Le groupe Secte des révolutionnaires s’attribue la paternité de l’opération par écrit, affirmant qu’il a frappé la chaîne TV pour «envoyer un message à tous les journalistes : le temps où vous étiez hors d’atteinte des tirs est terminé». «Messieurs les journalistes, nous sommes arrivés cette fois à votre porte, la prochaine fois vous nous trouverez chez vous», conclut le texte [À mon sens, rien ne justifie les attaques physiques contre les médias. Mais… le comportement des dits médias lors du procès des membres du 17-Novembre en mars 2003, tous tombant dans une incroyable hystérie pro-étatique et s’enflammant avec ardeur pour un événement qualifié de «mère de tous les procès», explique peut-être en partie cette volonté des membres de la Secte des Révolutionnaires de s’en prendre aux journalistes. De même que les médias — encore une fois — n’ont guère fait honneur à leur mission lors des émeutes de décembre 2008 : «Dans la propagande étatique relayée par les médias, surtout la télévision, deux éléments frappent, écrit notamment Valia Kaimaki, toujours dans Le Monde Diplomatique. Le premier concerne le rôle des immigrés dans les événements. Il a été dit que le pillage des magasins brûlés était le fait d’immigrants affamés. La télévision a même souligné que, en Asie, c’était “une pratique courante : manifester, casser, voler”. Or les éléments violents se recrutaient avant tout parmi les autochtones, révoltés contre un système politique corrompu. Et, si des Roms ont pris part aux déprédations, c’était surtout pour venger les leurs, victimes oubliées de la répression policière…»].
— Le 18 février, Lutte Révolutionnaire revendique une tentative d’attentat contre une banque (Citibank) d’Athènes. Bourrée de 60 kilos de nitrate d’ammonium, la voiture placée devant l’immeuble de quatre étages n’explose pas en raison d’un montage électrique défectueux.
— Le 9 mars, Lutte Révolutionnaire, encore, revendique un attentat à la bombe contre une autre agence Citibank à Filothei (Athènes) : l’explosion ne provoque que des dégâts matériels.
— Le 12 mai, une bombe explose, à l’aube et dans la banlieue d’Athènes, devant une succursale de la banque grecque Eurobank : l’attentat, qui n’a fait que des dégâts matériels, est attribué à Lutte Révolutionnaire.
— Le 17 juin, le policier antiterroriste, Nektarios Savas, devient la première victime d’un attentat revendiqué par un groupe grec depuis l’assassinat, en 2000, de l’attaché militaire de Grande-Bretagne. L’agent est descendu par plusieurs balles de 9 mm tirées à bout portant alors qu’il planquait dans sa voiture et devant le domicile d’un homme protégé après avoir témoigné contre un membre du groupe Lutte révolutionnaire du peuple, aujourd’hui dissous. Les trois auteurs de l’attentat repartent comme ils étaient arrivés : en moto. Le groupe Secte des révolutionnaires s’attribue la responsabilité de l’exécution.

Et activisme…

Cette liste de date ci-dessus correspond aux attentats les plus marquants, œuvres des deux groupes revendiquant clairement l’action violente — voire davantage. En parallèle, d’innombrables opérations contestataires sont menées, chaque jour et depuis le début de l’année, sur le riche terreau grec des luttes sociales [
Rappelons que, depuis des années, les grèves — catégorielles et sectorielles — se multiplient aussi en Grèce, aussi bien contre les gouvernements de la droite (Nouvelle Démocratie, ND) que contre ceux de la gauche (Mouvement socialiste panhellénique, Pasok)]. Une multitude de groupuscules informels multiplient des actions ciblées contre les banques [Banques auxquelles le gouvernement grec a offert — crise financière oblige… — un joli cadeau de 28 milliards d’euros], les symboles du luxe marchand et ceux de l’autorité de l’État. Véritable inventaire à la Prévert, voici quelques-unes de ces organisations : Groupe anarchiste des Enfants de la Nuit, Conspiration des cellules de feu (qui a revendiqué le 9 avril des attentats incendiaires contre quatre importantes églises orthodoxes d’Athènes, du Pirée et de Salonique), Cellules hors-la-loi Carpe Noctem, Noyau pour l’Action Guérilla, Ombres enragés, Bande de la Conscience - Extrémistes de Perama, Groupes d’Incendiaires Nocturnes, Commando Teslas de Nikolaou, Fractions des Nihilistes (qui a notamment revendiqué un attentat contre un commissariat en construction, le 19 mai) ou Unités pour la Dégradation.

Ces groupuscules, dont aucun n’a fait couler le sang, se montrent pleins de vitalité, de dynamisme et d’imagination. Et ils montent les opérations les plus diverses, depuis des braquages jusqu’au blocage de distributeurs de billets au moyen de mousse adhésive, en passant par des attentats «au camping-gaz» contre des banques, des incendies de rames de métro (le 2 mars, une quinzaine d’hommes cagoulés ont incendié neuf wagons de la ligne Pirée-Kifissia, dédiant notamment l’opération à Julien Coupat), l’attaque d’entreprises emblématiques du capitalisme du désastre (ainsi de l’entreprise de bâtiment Kion, attaquée à coups de pierres et de bâtons le 13 février en raison de son rôle dans la gestion et la construction des prisons grecques) ou d’assauts contre des concessionnaires automobiles.

En clair : ça n’arrête pas. Ce que confirme une rapide consultation du calendrier des opérations menées de mi janvier à mi-mars, agenda établi après-coup par le site Non Fides : pour un peu, la liste donnerait le tournis…

Ainsi de la journée du 12 février, qui voit s’enchaîner quasiment non-stop les actions :
La «Conspiration des Cellules de Feu Athènes-Thessalonique» revendique douze attaques incendiaires successives (de nuit et de jour). À 2 heures du matin, la série commence avec une attaque contre les bureaux de Pangalos (politicien du PASOK) et contre le jeep du journaliste Panagiotou qui travaille pour le quotidien Nation. Cinq minutes plus tard, deux distributeurs de billets de la Banque Nationale sont incendiés à Petrolano (…). Simultanément, un engin incendiaire avec des camping-gaz explose à l’entrée de la Banque de la Poste, relate le site Non Fides.
Le matin, la maison de Babiniotis, un recteur conservateur, est attaquée avec un engin composé de camping-gaz. Un deuxième engin explose devant la maison de Doxiadis, un intellectuel aristocratique. Une minute plus tard, un troisième engin est laissé devant un autre filiale de la Banque de la Poste et découvert avant d’exploser par des agents de sécurité.
Peu après 6 heures du matin, un inconnu grimpe jusqu’au deuxième étage de la maison du procureur Papangelopoulos (le chef de l’anti-terrorisme). Le gardien de nuit était parti à 6 heures tandis que l’agent de sécurité ne vient qu’à 7 heures. L’inconnu a placé un engin incendiaire qui a provoqué un incendie limité.
À 12h15, un engin incendiaire laissé devant la porte de l’appartement de Basil Foucault (juge de la Haute Cour de Justice, impliqué dans le procès contre le 17 Novembre) au septième étage explose et provoque des dégâts légers.
À 12h17, un engin incendiaire explose devant la porte des bureaux du procureur Stavros Georgiou au quatrième étage (impliqué dans le procès contre le 17 Novembre). Dans l’après-midi, un engin incendiaire explose dans les bureaux du criminologue Panousis.
À 16h07, un engin incendiaire explose devant les bureaux du quotidien Rizospastis.
À 16h10, un engin incendiaire explose devant la porte de l’appartement familial de Pangalos (membre du PASOK).
À 16 h 30, un engin incendiaire explose devant les bureaux politiques de Pangalos, situés au troisième étage.
À Thessalonique, un engin incendiaire explose pendant la nuit devant une Banque de la Poste. Un deuxième engin est placé devant les bâtiments de la Défense Nationale. Au cours de l’après-midi, trois attaques incendiaires sont réalisés contre les bureaux du quotidien Nouvelles, contre les bureaux de Macédoine Demain et contre les bureaux des partis de la coalition gouvernementale.
Oui : impressionnant.

L’un pour disqualifier les autres ?

Le plus étonnant dans cette activité débordante est finalement le peu d’écho qu’elle rencontre chez nous. Les médias l’évoquent peu, sinon pour mentionner les attentats les plus massifs conduits par Lutte Révolutionnaire et la Secte des Révolutionnaires, organisations n’ayant sans doute pas grand chose à envier au jusqu’au boutisme développés, en d’autres temps, par la Fraction Armée Rouge ou par les Brigades Rouges. Une focalisation qui permet de faire l’impasse sur l’agitation sociale entretenue, depuis plusieurs mois, par des activistes qui semblent bien décidés à ne rien lâcher et montrent — avec un panache et une audace impressionnants — le chemin à suivre. Eux me plaisent, qui font brûler des distributeurs de banque, s’équipent de bâtons pour attaquer les commissariats ou font péter des engins explosifs bricolés à base de camping-gaz, autant feux d’artifice que machines à gros boum ; les autres, qui jouent aux gros méchants, beaucoup moins…

En filigrane, la même question qui revient à chaque fois que des groupes armés prétendent légitimer seuls la lutte armée : à qui profite le crime ? Si le climat insurrectionnel entretenu par les multiples groupuscules anarchistes semble logique et justifié (d’autant qu’il est soutenu par une grande frange de la jeunesse et une partie de la population), il en va tout autrement des actions ciblées décidées par deux organisations aux revendications aussi peu connues que lisibles. Parce qu’elles sont prétextes à des vagues d’arrestation massives — l’attaque des trois policiers menée le 5 janvier a entraîné un bouclage en règle du quartier contestataire Eksarhia et l’interpellation d’une centaine de personnes. Et parce qu’elles permettent toutes les manipulations d’État (remember la façon dont le réseau Gladio a joué de la stratégie de la tension dans l’Italie des années 1990 [
Rappelons que nombre d’historiens et journalistes, ainsi que le ministre de l’Intérieur de l’époque, Francesco Cossiga, voient la main de la CIA dans l’assassinat d’Aldo Moro en mai 1978 et estiment que les hommes du réseau Gladio ont manipulé les membres des Brigades Rouges pour s’assurer que la Démocratie Chrétienne et le Parti communiste Italien ne concluraient jamais d’alliance de gouvernement]). Il me semble bien que les prophètes de la peur et du sang jouent toujours contre leur prétendu camp. Volontairement ou non.

Article XI, 6 juillet 2009.


La Grèce frappée par la routine terroriste

Un attentat à la bombe vient à nouveau de secouer le centre dAthènes. Un signe de plus de la routine terroriste qui frappe le pays depuis le sursaut contestataire de sa jeunesse en décembre 2008, après la mort dun adolescent tué par un policier.

L
attaque a sérieusement endommagé, vendredi 3 juillet, un bâtiment abritant des bureaux du fisc et un restaurant McDonalds. Cest la dixième action dampleur imputable en un semestre à des groupes affichant pour la plupart une idéologie dextrême gauche. En 2008, une demi-douzaine dactions du même type a visé notamment police, administrations et banques.

Ce vendredi, un inconnu avait prévenu des médias de l
imminence de lexplosion, permettant un bouclage préventif du quartier visé dAmbelokipi, densément peuplé. Ces précautions alimentent une certaine indifférence, voire une tolérance des Grecs envers le phénomène.

Dans l
attente dune revendication, la police estime que le coup a été porté par Lutte révolutionnaire (EA) qui, selon les experts, entend combler le vide laissé par le groupe dextrême gauche «historique» du 17-Novembre (17-N), actif de 1975 à 2000, initialement en lutte contre la dictature des Colonels.

Anarcho-autonomes

Inscrit sur les listes noires des États-Unis et de l
Union européenne, EA a signé treize actions depuis son apparition en 2003, dont un spectaculaire attentat à la roquette en 2007 contre lambassade américaine et le mitraillage de policiers en janvier à Athènes — un blessé grave. Le groupe, qui a aussi pris pour cible des bureaux de la banque américaine Citibank, a invoqué «la lutte de masse» pour «faire de la crise économique le tombeau du capitalisme».

Un autre groupe, la Secte des révolutionnaires, ne s
embarrasse pas de considérations idéologiques et se limite à vouloir frapper tout détenteur dautorité, forces de lordre ou journalistes. Apparue le 3 février avec le mitraillage dun commissariat, la Secte a criblé de balles, le 17 juin, un policier antiterroriste de garde devant le domicile dun témoin.

Enquêteurs et analystes se perdent en conjectures sur les liens qui uniraient, ou non, ces deux groupes, ainsi que d
autres formations aux apparitions sporadiques. Ils sinquiètent de leur agressivité, et des risques démulation, sur fond de ralentissement économique et de désaveu envers une classe politique incapable de lutter contre le clientélisme et la corruption.

Des activistes anarcho-autonomes, notamment, sortent requinqués des mobilisations de décembre. Les attentats incendiaires à la cartouche de gaz ou au cocktail Molotov imputés à cette mouvance depuis des années sont désormais quasi quotidiens : plus audacieux, ciblés et organisés, bien que sans victimes jusqu
à présent.

Quelques minutes après l
explosion dAmbelokipi, un incendie criminel a ainsi endommagé, dans le quartier chic de Kolonaki, un Institut de recherche sur limmigration dépendant du ministère de l’Intérieur. La veille, cest la voiture du nouveau président du Conseil d’État qui avait brûlé en centre-ville, après quantité de mises à feu de postes de police, de banques, de permanences politiques, de domiciles de hauts magistrats, et même déglises.

Leur presse (Le Monde), 6 juillet.

Publié dans Grèce générale

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