À l’orée du printemps 2009, auprès du quartier Neuhof, banlieue de la ville de Strasbourg, les bois foisonnaient aux confins des cités.
Ils foisonnaient de feuilles encore pliées, de bourgeons lourds, l’herbe était douce. Le vieux Renard était familier des lieux ; le jeune Sanglier avait quitté sa tenue de marcassin au printemps précédent ; autant dire que c’était son premier, sans sa mère.
Ce printemps-là l’enivrait, il vivait à fond chaque instant. Par ses actes, le Renard lui montrait la patience et la méfiance.
Ils avaient ensemble déjà détecté les pas dansants et indécis, feutrés par les mousses, dont les odeurs suivaient les taches de champignons ; Des pas sérieux, enjambant les troncs morts après la tempête ; Des pas ludiques et sautillants, ou amoureux. Mais ce matin là, ces pas durs, cette raideur qui faisait trembler leur monde, ils ne l’avaient jamais entendue.
Auprès d’eux, dans les cités d’à côté, ça foisonnait aussi. Des Bac et des gradés, de l’armée, de la police blanche et bleue, des armes, caméras, protège-tibias derniers cris. Le bruit des bottes.
À midi, le Renard et le Sanglier ont dû se terrer au plus profond : les durs envahissaient les bois, écrasant et saccagant sur leur passage.
Aux premiers tirs, le Renard et le Sanglier ont couru, comme les enfants des hommes, poursuivis par des gaz et des matraques.
Avant d’être jetéEs à terre et menotéEs, les enfants des hommes ont vu le Sanglier et le Renard sauter ensemble à l’issue de la poursuite, sauter sur le macadam, comme ils auraient sauté dans la rivière.
D’autres enfants ont couru ramasser leurs corps, les ont allongés côte-à-côte, ensemble, au bord de la ville.
À l’orée des bois.