No Border Calais : "Esquive comme le papillon - Pique comme la guêpe"
De la répression à la jubilation
Le camp No Border de Calais aura donné l’occasion à la Voix du Nord de choisir le sien avec zèle. On appréciera une fois de plus les commentaires adéquats de cet honorable journal, en date du 26 juin, à propos de l’inscription documentée dans le présent article :
«Les No Border écrivent beaucoup. Un site internet, des tracts, des affiches, des pancartes. Ils ne se privent apparemment pas non plus d’étaler leur prose sur les murs, comme en témoigne l’inscription couchée sur un mur du transformateur électrique situé à côté du camp. Surtout, dans un contexte de tensions avec les CRS, l’inscription prend des allures d’avertissement. Et ça fait quoi une guêpe contre une matraque ?»Quand la police réprime, la Voix du Nord aboie.
Le droit d’auteur comme instrument de censure
Le Jura Libertaire a pour sa part eu droit à ceci, au sujet de la série d’articles intitulée «No Border Calais : La répression qui vient» — qui ont été beaucoup lus, avant d’être supprimés par Overblog :
Mise en demeureAnne-Caroline BUISSON <juridique@lavoixdunord.fr>Monsieur le Directeur de la Publication,
Lille, le 24 juin 2009
Nous avons constaté que sont reproduits et diffusés des articles parus dans LA VOIX DU NORD sur le site juralibertaire.over-blog.com que vous éditez notamment à l’adresse suivante : http://juralibertaire.over-blog.com/article-32844337.html
Cependant, à aucun moment vous n’avez sollicité ni obtenu notre accord pour la reprise de ces articles.
Je vous rappelle que ces diffusions non autorisées sont constitutives du délit de contrefaçon, sanctionné par l’article L.335-3 du Code de la propriété intellectuelle.
Dans ces conditions, nous vous mettons en demeure de retirer de ce site l’ensemble des articles de la Voix du Nord dans un délai de quarante-huit (48) heures à compter de la réception de la présente.
À défaut, nous nous réservons la faculté d’engager toute procédure judiciaire, notamment en référé, afin de faire valoir nos droits.
Dans l’attente de vous lire, je vous prie d’agréer, Monsieur le Directeur de la Publication, l’expression de mes sincères salutations.
No border ? Au bûcher !
Médias, police, justice, mairie, préfecture : tous ensemble pour alimenter la psychose d’une invasion terroriste. Les autorités n’auraient-elles pas quelque chose à craindre de la solidarité que l’organisation d’un tel évènement fait naître inévitablement ?
Vous êtes maire d’une ville qui va recevoir pendant une semaine un événement majeur sur une question qui touche directement votre commune. Que faites-vous ? Bouchart (UMP) a la réponse : annuler les activités culturelles, appeler les flics en renfort, reporter le conseil municipal, faire ville morte, donner des interviews alarmistes tout en faisant pression sur l’ensemble des associations calaisiennes ; et surtout ne pas rencontrer le No Border qui envoie des «mails anonymes», c’est-à-dire dire signés du nom du collectif. «Je ne sais pas de qui on parle. […] c’est signé “No Border”. On ne sait pas qui est qui, on ne sait pas identifier.» Pas question non plus de traverser la rue qui sépare la mairie de la Maison Pour Tous où se réunissait le comité organisateur. «À l’intérieur de ce mouvement qui peut apparaître “Peace and love”, il y a des anarchistes […] Vu l’état d’esprit de ces personnes, on peut tout attendre.» Tout ? Ambiance…
Police partout / Justice nulle part
Côté préfecture, c’est clair : une bonne cargaison de CRS (entre 1000 et 2000 parqués au camp Jules Ferry), des meutes de flics en civils genre cow-boy de la BAC [Brigade anti-criminalité] et fouille-merde des RG [Renseignements généraux] qui occuperont pour l’occasion les hôtels calaisiens réquisitionnés tout spécialement. Pierre de Bousquet de Florient [Préfet du Pas-de-Calais, ancien chef de la DST, co-prince d’Andorre entre 1997 et 1999 (c’est pas une blague) et mis en cause dans l’affaire Clearstream] n’a pas confiance : «Nous voyons bien que ceux avec lesquels nous discutons ou bien ne tiennent pas leurs engagements, ou bien ne veulent pas les tenir». Il est fait ici référence au refus d’un terrain par le collectif organisateur, les gens du voyage l’ayant déjà réservé, chose que le préfet avait «omis» de préciser. Pourtant ce dernier est «de bonne volonté», et ses déclarations le prouvent : il est «absolument sans illusions sur les intentions de ceux qui organisent». En effet.
«Tous les papiers qu’on reçoit sont signés No Border. Mais No Border, pour moi, c’est nobody.» Humour… «Ce ne sont jamais les mêmes personnes qui négocient avec nous. Il s’agit souvent de pions avancés. Les vrais décideurs, on ne les voit jamais.» Et paranoïa… Une structure sans hiérarchie, c’est trop !
Et celle là : «La manifestation est déclarée sous de faux noms, de fausses identités. […] Quelles craintes ont-ils à déclarer leur manifestation ?» Peut-être une méfiance vis-à-vis des flics et des magistrats habitués à mettre en taule au moindre prétexte ? Lors d’une réunion de négociation, le sous-préfet a prévenu : surtout «ne pas répondre aux provocations policières», tout est dit !
À noter : les populations migrantes détenues au Centre de Rétention Administrative de Coquelles ont été transférées pour l’occasion. En effet, assiéger les CRA pour réclamer la libération des populations en exil, voilà le genre de «dérives ultra violentes» dont sont capables les personnes participantes au No Border.
Des pressions à gogo
Du côté de la société civile, c’est l’embrouille. Certaines associations humanitaires se méfient de la «politisation» de la question migratoire [Emmaüs, Secours catholique et Médecins du Monde se sont officiellement «désolidarisés» du No Border (Nord Éclair, 18/06/09)]. D’autres craignent la réaction du maire en cas de participation au projet : adieu subventions ! Côté théâtre, sans les pressions que le directeur du Channel a subi, aurait-il annulé la rencontre organisée par le No Border dans ses locaux ? «On m’a demandé de prendre cette décision. Mais cette décision c’est moi qui l’ai prise. Librement.» Précisant par ailleurs que «l’avenir du Channel est en jeu». Et l’avenir n’est pas mis en péril par le No Border : «Honnêtement, je ne pense pas qu’une avocate et un médecin auraient tout cassé au Channel». Considérant les 800.000 € annuels versés au théâtre par la mairie de Calais, Bouchart était plus à même de peser sur le «libre arbitre» du directeur de la scène nationale…
Positionnements «subtils»
On connait la promptitude avec laquelle les Verts et la LDH dénoncent les politiques répressives dans des communiqués qui n’engagent à rien. Pourtant, le représentant de la LDH sur Calais et l’élue Vert enfoncent tranquillement le No Border dans le torchon Nord Littoral [Édition du 13/06/09]. Contactés par nos soins, ils n’ont pas donné signe de vie… morts de honte ?
Si les associations de soutien aux sans-pap’ de Calais n’ont pas signé l’appel à manifester du No Border [L’association Terre d’Errance fait exception], certaines ont fini par le soutenir publiquement [Notamment le collectif d’associations C’Sur, ainsi que l’association Salam, dont les communiqués dénoncent entre autre la psychose entretenue par les autorités] tandis que nombre de militant-es associatifs se sont joints à titre individuel à l’organisation de l’évènement.
Les médias partent en croisade
Côté médias, on donne pleines pages aux autorités se délectant des «dérives ultra-violentes», sans contradicteur et sans vérifier la réalité des faits ; on déblatère sur les thèmes de prédilection des flics et des mouchards : sécurité, ordre, violence et menace. La description du réseau No Border frise le comique : «groupuscule associatif international à sensibilité anarchiste», «GreenPeace de l’immigration», «mercenaires de l’anti-impérialisme», «babas cool pacifistes ou casseurs ?», «réseau d’ultra gauche clandestin», «groupe d’extrême gauche anarchiste»… Quand on questionne le journaliste de Nord Littoral, il annonce : «C’était par provocation, pour que les gens du No Border se manifestent». Un vrai pro…
La Voix du Nord remporte la palme avec son titre : «Le camp No Border, une zone de non-droit». Le journaliste se lâche : «Ces militants […] s’enferment, se replient, s’isolent et déterminent une zone de non-droit». Il en rajoute : «Visiblement, tout est mis en œuvre pour vivre en autarcie». Pourquoi tant de haine ? Parce que la presse est invitée à rester en dehors du camp, tout comme les flics. Les raisons ? Primo : une carte de presse ne donne pas tous les droits. De deux : le camp fonctionne en groupes de travail et en réunion collégiale, il est de ce fait important de se protéger des mouchards. Tertio : quand les journalistes feront leur boulot, on en reparlera. À titre
de remarque : lui et ses collègues restent bien gentiment sur le pas de la porte quand les réunions de ministres et des conseils d’administration se font dans le secret. Cela concerne pourtant la vie de millions de gens. Alors ? Quand l’autorité parle, les chiens de garde se couchent.
Psychotiques forcenés
Cet enchaînement de dispositifs sécuritaires, médiatiques et souterrains crée un certain malaise. Le quadrillage policier, les interventions récurrentes du maire et de la préfecture sur «l’ultra-violence», les dizaines d’articles que les médias locaux consacrent non sur l’évènement, mais sur ses supposés dangers…
Précisons ici que les camps No Border sont l’occasion de créer un rapport de force avec les autorités, notamment par l’action directe (occupations de locaux, blocages) et de créer une rencontre avec les populations locales et migrantes. Contrairement au positionnement «humanitaire» œuvrant dans la négociation permanente, il s’agit ici de montrer une opposition nette, non contre une population, mais contre une politique répressive, xénophobe et «ultra violente».
Citations tirées de la Voix du Nord, Nord Littoral et Nord Éclair, journaux propriété de l’empire Rossel (qui compte aussi L’Indépendant, Lille Plus, Nouvelle Côte d’Opale, etc.) + d’info : La Brique no 12.
Nomade no 1, 23 juin 2009
Quotidien du camp No Border de Calais.