Séquestration mode d'emploi

Publié le par la Rédaction


Présentée comme une prise d’otage tout à fait honteuse de pauvres petits cadres qui, au fond, sont de simples exécutants, la séquestration des patrons avec occupation des locaux est surtout le dernier moyen pour des salariés floués et continuellement sacrifiés de donner une dimension plus médiatique à leurs luttes et d’alerter sur les plans pas du tout sociaux qu’on leur impose. Alors en attendant les prochaines barricades, voilà un petit vade-mecum de la séquestration et de ses éventuelles conséquences.

Violence patronale contre violence salariale

La recette est vieille comme le monde : d’un côté nous avons un taulier bien gras qui exerce une violence, à savoir celle de fournir ou pas du travail, plaçant ainsi le salarié sous sa subordination, et en face nous avons les salariés qui doivent s’organiser collectivement afin de résister à cette violence et de lui répondre. Et c’est là le fond de la question : comment lui répondre ? Les outils syndicaux et les structures de représentation du personnel paraissent totalement dépassées face à des multinationales aux profits scandaleux et qui n’hésitent pas à fermer des sites signant ainsi l’arrêt de mort de régions entières, et l’usine de Gandrange d’Arcelor-Mittal en est un bel exemple. Alors comment répondre à Mittal ou Molex qui méprisent royalement les avis des CE ? Est-ce que les expertises financières et les solutions proposées dans ce cadre vont suffire ? La fermeture de l’usine de Gandrange et l’obstination de ne pas maintenir l’usine Continental ouverte alors qu’un repreneur est intéressé parlent d’elles-mêmes : le taulier s’en fiche ! Il estime que le salarié fait partie des meubles, il est dans son usine alors il est à lui et il décide seul de son sort. Et bien puisqu’il est «chez lui», il aura le droit d’y rester !

La séquestration vue par le droit

Partie du droit du travail, la séquestration va vite le quitter pour rejoindre celui du droit pénal. La séquestration est en effet punie par le code pénal de 20 ans de bagne et de 75.000 euros d’amende. Et si le taulier est relâché avant 7 jours, on n’écope «que» de 5 ans de taule mais toujours en passant par la case «75.000 euros d’amende» (art 224-1 et 224-2 du code pénal). La séquestration est avant tout un moyen de faire avancer les choses dans le bon sens : que les salariés gardent leur boulot ou à défaut qu’ils partent avec des indemnités dignes de ce nom (c’est pour ça qu’ils se bagarrent chez Continental en ce moment), c’est pour ça qu’il faut en profiter pour négocier des choses avec le taulier et par écrit ! Alors, bien sûr, ce même taulier pourra dire qu’il a signé à l’insu de son plein gré et que son consentement a été vicié, mais on peut toujours trouver la parade en faisant venir un huissier pour qu’il constate que les négociations se font dans le calme (d’où l’importance de ne rien casser tant que les négociations perdurent) et qu’à la signature personne n’a mis le couteau sous la gorge du patron. On peut toujours objecter qu’il y a une violence morale exercée, mais dès lors qu’un huissier qui est un officier d’État civil atteste que Tartempion paraît en bonne forme dans l’ensemble, c’est une brèche ouverte pour demander l’exécution forcée du contrat (car là on touche les règles du droit civil). Dans la pratique il y a peu d’entreprises qui iront jusque devant les juges, car elles savent qu’elles ont l’opinion contre elles puisque chacun s’identifie à un salarié de chez Sony, 3M ou Molex.

Enfin, pour éviter que l’arsenal judiciaire ne s’acharne contre un seul, il est primordial de toujours mener l’action/les actions collectivement, c’est le seul moyen de faire échec au délit de séquestration car la loi pénale obéit à la personnalisation de la peine ; on punit celui qui a effectivement fait et tout fait. Le juge ne recherchera pas celui qui a apporté la corde, celui qui a fermé la porte à clé, etc. De toute façon, l’histoire nous a montré maintes fois que les luttes on les gagne dans la rue et collectivement. Qu’attend-on pour recommencer ?

Jamila - Santé Social RP
Le Combat syndicaliste, juin 2009
Journal des syndicats CNT.

Publié dans Colère ouvrière

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