Un autre syndicalisme est possible !
Le texte qui suit est issu des discussions menées lors du débat «Un autre syndicalisme est possible» qui a eu lieu le 2 mai dernier à la Plume noire en présence de militant-e-s de la CGT-Vinatier et de la CNT-Éducation.
Un syndicalisme de lutte ?
Ces dernières années ont vu une profonde évolution du syndicalisme. Au départ celui-ci avait double usage, le syndicat était à la fois un outil de réaction immédiate afin de défendre et d’améliorer les conditions de travail des salariés mais était aussi un outil de rupture avec le capitalisme, porteur d’un projet de société alternatif. Depuis une vingtaine d’années, les centrales syndicales ne sont plus porteuses de cette volonté de changement social mais sont dans une démarche de rendre le capitalisme plus humain, donc d’accepter le système en place. Les syndicats sont donc associés en tant que partenaires sociaux à la mise en place des réformes, ce sont des co-gestionnaires, leur objectif étant de négocier avec le patronat et l’État la mise en place des réformes. Accentuant ces effets, les enjeux autour des questions de représentativité, afin notamment de s’assurer un financement par l’État, et la bureaucratisation des syndicats les éloignent encore plus des problématiques des travailleurs et augmentent leur tendance à défendre leurs propres intérêts (rester des partenaires «responsables» avec qui les dirigeants peuvent discuter, et garder ainsi leur financement et leurs permanents) et non plus ceux des salariés en lutte.
Mais il existe encore des syndicalistes révolutionnaires, porteurs d’une alternative sociale : on les trouve dans des syndicats minoritaires, refusant la bureaucratisation et la cogestion, tels que la Confédération nationale du Travail (CNT). Ou encore à l’intérieur de grandes confédérations, comme dans certaines sections de la CGT qui ancrent leur action dans celle de la lutte des classes et qui refusent la politique du moindre mal prônée par leur secrétaire général, M. Thibault.
Quelle place, aujourd’hui, pour un syndicalisme de lutte ?
La place tenue par les centrales syndicales co-gestionnaires et réformistes laisse peu d’espace au syndicalisme révolutionnaire, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des grandes confédérations.
Lorsqu’une section combative et de lutte est interne à une grande confédération elle doit lutter contre le poids des appareils et se heurte à la ligne générale de la confédération. Cela se traduit parfois par un abandon des militants lors de répressions policières, ou encore à l’exclusion de certains syndiqués. Ce décalage entre le choix réformiste de la centrale, le poids de l’appareil et ce qui est vécu dans certaines sections conduit à une impasse, dont les membres de ces sections n’arrivent pas à sortir. Quant aux syndicats refusant le modèle dominant, ils sont souvent contestés, privés de droits syndicaux voire déclarés illégaux et n’ont soit pas le droit de s’exprimer légalement dans les entreprises, soit ils ont de grandes difficultés à s’implanter dans ces structures.
Quelles pratiques pour sortir de l’impasse ?
Ainsi, le système actuel permet difficilement de faire vivre un syndicalisme de rupture, cependant un certain nombre de pratiques peuvent permettre de sortir de ce cul-de-sac :
D’abord mener des actions de terrain dans son secteur : aller au contact des autres travailleurs-euses afin d’élaborer des positions collectives, provoquer des assemblées générales. Bref vivre l’auto-organisation et l’autogestion au quotidien, en dehors des moments de lutte. C’est en expérimentant ces modes d’organisation que les travailleurs-euses seront prêts-es aux moments cruciaux.
Mais c’est aussi créer des espaces interprofessionnels et transversaux de réflexion et d’action afin de ne pas tomber dans le corporatisme et d’intégrer les personnes «hors système» salarial tels que les chômeurs et les précaires. Ce cadre d’union, basée sur une organisation territoriale, permet également d’avoir une vision transversale des problématiques et luttes sociales. L’exemple de la Guadeloupe avec la participation au mouvement à la fois des syndicats, des associations et organisations de quartier montre l’efficacité de cette union dans les luttes.
Bien sûr, en arrivant dans une «boîte» il peut être pertinent de s’appuyer sur l’outil syndical en place. Cela permet de faire connaissance avec les acteurs militants sur place, c’est aussi un espace où l’on peut discuter collectivement. Dans ce cas, l’essentiel est d’avoir conscience des limites que posera la bureaucratie en place, et d’utiliser cet espace pour expérimenter progressivement l’autogestion et l’auto-organisation en s’impliquant sur le terrain au plus proche des travailleurs-euses. Le syndicat ne changera certainement pas de l’intérieur mais en effectuant ce travail de terrain peut-être sera-t-il possible de créer des traditions de lutte différentes et de monter un syndicat révolutionnaire, favorisant des dynamiques interprofessionnelles ?
L’Égalité économique et sociale, mai 2009
Feuille des groupes lyonnais de la CGA.