Manuel de sécurité pour activistes
Afin de bien comprendre les risques de sécurité liés à la création d’un groupe d’affinité (ou une communauté), il sera essentiel durant cette étape de création, de travailler pour développer une culture de sécurité entre les membres. Dans le document qui suit, nous avons donc regroupés plusieurs informations que nous croyons importantes et essentielles relativement à la création d’ateliers liés à la culture de sécurité, dans le but premier d’éduquer les activistes qui travaillent avec nous.
L’intimidation gouvernementale et la répression augmenteront nécessairement, au fur et à mesure que les mouvements d’actions directes deviendront de plus en plus efficaces. Donc, afin de minimiser l’effet destructeur de cette intimidation/répression, il deviendra primordial pour ces groupes de créer cette culture de sécurité dans les différents mouvements. Les violations de cette culture de sécurité sont nombreuses ; elles incluent, notamment, tous comportements inappropriés engendrant plus de harcèlement de la part du gouvernement affectant ainsi, la liberté d’action de nos camarades, tout en détruisant la notion de loyauté à l’intérieur même d’un mouvement.
Luddistes, libéralistes, abolitionnistes, syndicalistes, révolutionnaires. En passant par les grandes insurrections qui s’opposent aux grandes structures politiques, aux mouvements sociaux et environnementaux isolés, nous constatons que les individus ont constamment travaillé pour façonner un monde meilleur. Pour les gouvernements, cette réponse se traduit, généralement, par l’emprisonnement d’activistes en utilisant tout autant l’appareil judiciaire que l’appareil répressif.
Ce pamphlet se veut donc une lecture primordiale pour tout individu «associé» aux groupes qui soutiennent et/ou utilisent le sabotage, le vol, le feu et toutes autres tactiques militantes. Également pour les individus qui pratiquent la désobéissance civile comme stratégie ; d’autant plus qu’on sait que leur militantisme ou leur «adhésion» à différents groupes est multiple, augmentant ainsi les rumeurs et potins à sensations, voyageant allégrement, de manière destructive, entre les différents groupes.
Que vous n’aillez jamais commis d’actions directes ou que vous n’aillez jamais été arrêtéEs pour désobéissance civile, malgré le fait que vous n’avez rien à cacher, ces directives augmenteront votre protection personnelle, tout en améliorant l’efficacité générale de votre mouvement. La surveillance s’est installée et ce, depuis longtemps, dans toutes les sphères possibles des mouvements politiques. Les gouvernements du monde occidental industrialisé visent non seulement les groupes promouvant le sabotage, de ceux qui ne le font pas ; c’est-à-dire des groupes qu’on dit «militants», à leur mouvance contraire, résolument «pacifistes».
Les machines de sécurité des gouvernements servent des intérêts économiques et politiques, des centaines voir des milliers de prisonnierEs politiques de l’Amérique du Nord peuvent en témoigner personnellement. Ainsi, en adoptant une culture de sécurité nous pourrons mettre en échec les différentes opérations de contre-intelligence qui, autrement, perturberaient sérieusement le mouvement de masse et la résistance dite «clandestine».
Qu’est-ce que la culture de sécurité ?
C’est une culture où les individus connaissent leurs droits civiques, mais surtout une culture où ils/elles les font valoir. Ceux et celles qui «adhèrent» à une culture de sécurité connaissent également, les comportements qui transgressent la sécurité, tout en étant alerte et rapide dans l’éducation des individus qui, d’ignorance, d’oubli ou de faiblesse individuelle, participent aux comportements fragiles et dangereux. Cette conscience de sécurité se transforme et devient une culture en soi, seulement lorsque le mouvement considère les transgressions à la sécurité comme quelque chose de moralement et socialement inacceptable.
Ce qu’il ne faut pas dire !
Pour commencer, il faut reconnaître qu’il y a des choses qui sont inappropriées dans une discussion. Ces choses sont :
— Votre participation ou celle d’une autre personne avec une organisation clandestine.
— La volonté d’une autre personne d’être membre d’une organisation semblable.
— Demander aux autres s’ils/elles sont membres d’organisations clandestines.
— Votre participation ou celle d’autres individus à des actions illégales.
— Vos préparatifs ou ceux d’un autre à de futures actions.
Constatez-vous la tendance ?
Ce que toutes ces choses disent c’est ceci : il est néfaste de parler de l’implication spécifique (passé, présent, futur) d’un individu dans des actions illégales. Ces sujets sont des mauvais choix de conversation, peu importe s’ils ne sont que rumeurs, spéculations, des informations personnelles. Notons toutefois, que personne n’essaie de prétendre qu’il est impossible de discuter d’actions directes en règle générale. Il est totalement légal, sécuritaire voir même souhaitable que les individus s’affirment en faveur des tactiques «barres de fer» et toute autre forme de résistance. Le danger repose dans l’association d’individus à des actions spécifiques ou à des groupes spécifiques.
Trois exceptions
Il n’existe, à nos yeux, que trois occasions où il est valable de discuter de cette sorte d'information.
1. La première situation concerne la préparation d’une action avec d’autres «membres» de votre groupe d’affinité.
Toutefois vous ne discuterez jamais de ces choses par courriel, téléphone, la poste ou dans la maison ou l’automobile d’un activiste ; ces endroits et ces moyens étant constamment surveillés. Les seules personnes admises à ces discussions ne seront, en fait, que les individus qui participent activement à l’action. Les individus qui ne participent pas à l’action, n’ont nullement besoin d’être tenus au courant et doivent rester dans l’ignorance.
2. La deuxième exception concerne l’arrestation d’un activiste et la poursuite de celui-ci par les autorités judiciaires.
Si cette personne est déclarée coupable, l’activiste a alors le droit de parler librement des actions qui ont transgressé sa liberté et l’ont amené à l’incarcération. Toutefois, cette personne ne doit jamais donner de l’information susceptible d’aider les autorités à déterminer la participation et la culpabilité d’autres activistes lors de ces activités jugées illégales.
3. La troisième et dernière exception concerne les envois anonymes et les interviews avec les médias.
L’élaboration d’un cadre jugé prudent, sans compromettre la sécurité est, toutefois, problématique. Des conseils concernant les techniques de communications sécuritaires peuvent êtres trouvées sur d’autres éditions.
Ces exceptions sont les seules situations possibles où l’on peut discuter «librement» de l’implication d’individus prêts à commettre des actions directes et illégales.
Mesures de sécurité
Les activistEs habituéEs aux actions directes qui possèdent de l’expérience, ne permettent pas à n’importe qui de connaître leur implication particulière avec des groupes d’actions directes. Cette minorité d’individus inclue, notamment, les membres de cellules qui participent avec eux aux actions, et, répétons-le, PERSONNE D’AUTRE. Les raisons qui expliquent ces précautions reliées à la sécurité sont, disons, évidentes. Lorsque les individus ne savent rien, personne ne peut en parler !
Cela veut également dire que seulement et uniquement les individus impliqués dans le «secret» sont susceptibles de faire de la prison si, ce secret se voit révélé. Toutefois, lorsque les activistEs ne partagent pas les mêmes conséquences sérieuses d’une action et lorsqu’ils/elles connaissent les individus qui participent, ces activistEs ont beaucoup plus de chances de révéler aux autorités harcelantes et intimidantes car, ils/elles ne feront pas face à l’incarcération.
Il en va de même pour ces individus que vous croirez fidèles, ils/elles peuvent êtres pris par la ruse, jusqu’à transmettre aux autorités de l’information incriminante et très dommageable. Il est donc plus sécuritaire pour tous les membres d’une cellule de garder sous silence leur implication.
Comportements transgressant la sécurité
Afin d’impressionner les autres, certains activistes peuvent agir de manière à compromettre la sécurité. Une minorité d’individus le fait même fréquemment. Habituellement, ils/elles s’en vantent et en parlent trop souvent. Ils/Elles le feront également lorsqu’ils/elles consommeront de l’alcool.
Souvent, ces activistes vont compromettre la sécurité car, ils/elles ont la tentation soudaine de dire ou même de faire allusion à quelque chose qui n’aurait pas dû être mentionné ou même sous-entendu. La racine de ces problèmes, dans la majorité des cas, s’explique par le désir d’être accepté.
Ces individus qui deviennent eux-mêmes plus souvent qu’autre chose les plus grands risques sur le plan de la sécurité, sont ceux/celles-la même qui manquent le plus de confiance en eux-mêmes, tout en souhaitant l’approbation de leurs collèguEs. Il est certainement naturel d’espérer recevoir reconnaissance et amitié quant aux efforts qu’on déploie, toutefois, il est primordial et absolument impératif de garder pour soi ses désirs égoïstes afin de ne pas mettre en péril la sécurité des autres activistes ou même la vôtre !!!
Les individus qui placent leur désir d’amitié au-dessus de l’importance de la cause, peuvent créer de sérieux dommages à notre sécurité.
Voici quelques exemples de comportements transgressant la sécurité :
Mentir : Pour impressionner les autres, les menteurs/seuses prétendent souvent qu’ils ont fait des actions illégales. De tels mensonges compromettent la sécurité de l’individu et celle du groupe. De plus, les policiers considèrent ces mensonges comme des faits véridiques, tout en affaiblissant le mouvement de solidarité et de confiance au sein du groupe.
Les potins : Quelques uns des individus jugés «faibles» considèrent souvent qu’ils peuvent gagner le «privilège» de connaître de l’information spéciale. Ces machines à rumeurs vont dire aux autres qu’ils savent qui a fait l’action, avec qui, ou, s’ils/elles ne connaissent pas les noms de ceux impliqués, ils/elles s’amuseront à deviner qui, selon leur propre jugement, participera ou ils/elles s’amuseront tout simplement à émettre de fausses rumeurs quant à l’implication d’individus à une action particulière.
Cette sorte de discussion est très dommageable.
Les individus n’ont qu’à comprendre que, plus souvent, ce ne sont que des rumeurs anodines qui ne font que déclencher des enquêtes policières.
Se vanter : Quelques-unes des personnes qui participent aux actions directes et illégales, pourraient être tentées de s’en vanter à leurs amiEs. L’individu qui ferait chose semblable, mettrait non seulement sa propre sécurité en danger mais aussi celle des autres participantEs (ceux-ci pourraient être soupçonnéEs par association), et même la sécurité des individus qui l’ont entendu se vanter (eux, peuvent se voir considérés comme accessoire, preuve pour la couronne contre les accusés). Un/e activistE qui se vante ainsi, n’est en réalité qu’un mauvais exemple à suivre pour les autres activistEs.
Se vanter indirectement : Les vantards qu’on dit «indirects» sont ces personnes qui font tout un plat pour affirmer qu’ils/elles demeureront «anonymes», qu’ils éviteront les manifestations et qu’ils demeureront dans le milieu dit «underground».
Il est possible que ceux-ci ne mentionnent à personne le fait qu’ils/elles commettront des actions directes et illégales, ils/elles s’affairont toutefois, a laisser savoir au plus grand nombre d’individus pouvant les entendre, qu’ils complotent quelque chose. N’étant pas mieux que les «vantards directs», ils tenteront d’être plus sophistiqués, à leur manière, en prétendant maintenir la sécurité. Toutefois, si ces individus voudraient être sérieux en ce qui a trait à la sécurité, ils/elles n’avaient qu’à trouver une excuse quelconque pour expliquer leur inaction ou leur absence à une manifestation (ce genre de mensonge est acceptable et même recommandable).
Éduquer pour libérer
De ce que nous connaissons de la sécurité, il est facile pour nous de reconnaître ces activistes qui compromettent la sécurité du mouvement. Donc, que faisons-nous des individus qui s’exposent à de tels comportements ? Est-ce que nous les «excommunions du mouvement» ? En réalité, non, au moins pas pour la première fois. La malheureuse vérité c’est qu’il existe dans le mouvement plusieurs personnes ignorant les règles de sécurité et d’autres qui ont possiblement été élevées dans des «milieux» propices aux potins et à la vantardise de toutes sortes. Cela ne veut pas dire que ces personnes sont mauvaises, il s’agit seulement de les éduquer.
Il en va de même pour les activistes «vétérans» qui peuvent, à leur tour, commettre des erreurs de sécurité, surtout si une lacune générale existe dans la conscience collective du groupe. Et c’est là que, vous qui lisez, pouvez aider. Nous ne pouvons JAMAIS laisser-aller les brèches de sécurité sans agir pour les corriger.
Dans la possibilité où l’une de vos connaissances se vante d’avoir participé à une action ou dans le cas où il/elle émet des potins possiblement dommageables pour la sécurité, il est de votre responsabilité d’expliquer à cette personne les raisons qui font que ce type de discours est inapproprié et pourquoi il enfreint les règles de sécurité. Évidemment cela devrait être fait de façon à ne pas blesser la fierté de cette personne. Vous devrez être humble et sincèrement intéresséE pour l’aider à devenir un individu plus efficace dans sa démarche activiste. Ne conservez surtout pas une attitude du genre «… Je suis plus sage que toi…»
Cette sorte d’attitude, inévitablement, élèvera des défenses et empêchera cette personne d’absorber et d’appliquer tous les conseils que vous lui aurez offerts. Souvenez-vous le but d’éduquer les individus est de changer leurs comportements et non d’élever votre propre alter-ego, en lui montrant que vous êtes plus conscient qu’eux/elles en ce qui a trait à la sécurité. Les sessions d’éducation devraient, au mieux, être organisées en privé, afin que les «réprimandes» ne soient pas étalées au grand jour, augmentant ainsi l’effet d’humiliation de l’individu.
La réprimande «éducative» devrait également être réglée rapidement, encore, afin d’augmenter la portée et l’efficacité de celle-ci. Si nous tous, prenons la responsabilité d’éduquer ceux qui s’échappent, nous pouvons tous améliorer sensiblement nos mouvements de sécurité. Une fois que les individus reconnaissent que mentir, potiner, se vanter de façon directe ou indirecte sont les traits caractéristiques les plus dommageables, ces choses cesseront rapidement. Lorsque nous développons une culture où toutes les brèches de sécurité sont réprimandées rapidement, tous les activistes sincères pourront réaliser leur agenda.
Résoudre les problèmes chroniques de sécurité
Alors, que faites-vous avec les activistes qui violent de manière répétitive les précautions de sécurité et ce, malgré les multitudes de sessions éducatives que vous organisez ? C’est malheureux mais la meilleure chose à faire avec ces individus est de les laisser et de les sortir des réunions, des camps de base et de l’organisation. Alors que les budgets des forces policières augmentent et que les tribunaux imposent de plus en plus de sentences rigoureuses, le «défi» est trop grand pour nous de travailler avec des offenseurs répétitifs de sécurité.