À Cater, c'est les grévistes qui décident !
par la direction et par l’État»
Le protocole de fin de conflit à Caterpillar, discuté dimanche 19 avril au ministère de l’Économie par les délégués syndicaux et la direction du groupe, a été rejeté par le Comité d’entreprise mardi après-midi. Nicolas Benoît, délégué CGT, a fait partie de la délégation qui a signé le compromis à Bercy. Il estime que «le protocole n’était ni clair ni abouti».
Dimanche soir, vous aviez signé avec la direction le protocole de fin de conflit. Aujourd’hui, il est rejeté par le Comité d’entreprise. Pourquoi avez-vous changé d’avis ?
L’ensemble du Comité d’entreprise n’était pas présent lors des négociations de dimanche. Au départ, nous avions été conviés à une réunion officieuse avec le «service Europe» de l’entreprise. Nous nous sommes retrouvés coincés avec la direction, plusieurs avocats et un représentant de l’État, qui ont fait pression pour que nous signions un protocole de fin de conflit. Nous avons seulement pu apporter quelques modifications au texte, notamment en ce qui concerne la formation qualifiante.
Nous avons fini par accepter un compromis car il nous fallait revenir avec une signature du directeur. Autrement, la discussion n’aurait servi à rien. Les salariés savent que nous avons fait notre possible. Mais il est vrai que le protocole n’était ni clair ni abouti. C’est pourquoi il a été refusé par les salariés grévistes. Nous avons été floués par la direction mais aussi par l’État qui a nous a fait des promesses qu’il n’a pas tenues.
Quelles sont vos revendications pour reprendre les négociations ?
Nous souhaitons la tenue d’une réunion tripartite en présence de six représentants du Comité de grève, de la direction de Caterpillar et de l’État, ainsi que des élus locaux car il y a des enjeux en termes d’emplois. Mais nous n’avons pas besoin de faire cette rencontre à Paris : les représentants peuvent aussi descendre à Grenoble.
Nous demandons un maximum de quatre cent cinquante suppressions de postes, au lieu des six cents annoncées par la direction, ainsi qu’une annulation pure et simple du projet d’annualisation du temps de travail. Aujourd’hui, Caterpillar met en grande difficulté ses fournisseurs et ses sous-traitants. Nous les soutenons aussi.
Quelles actions prévoyez-vous de mener ?
Seulement sept cents salariés sur deux mille cinq cents ont repris le travail. Nous avons lancé un appel à la grève reconductible. Nous allons essayer de reprendre contact avec la direction. Finalement, nous sommes revenus deux mois en arrière. Maintenant, il faut que Caterpillar fasse un effort et change de logique. Mais la direction reste sourde à nos revendications, essentiellement animée par le désir de rémunérer ses actionnaires, et non pas ses salariés. Nous attendons la rencontre avec le préfet [de l’Isère] Albert Dupuy pour débloquer la situation.
Propos recueillis par Audrey Garric
Leur presse (Le Monde), 21 avril 2009 - 20h24.
Caterpillar : Confusion totale dans le conflit
La plus grande confusion régnait mardi soir dans le conflit social à Caterpillar-France. Le Comité d’entreprise (CE) et les syndicats rejetaient le protocole d’accord établi dimanche au ministère de l’Économie à Paris avec la direction du groupe américain spécialisé dans les engins de travaux publics, ainsi que l’idée d’une consultation de l’ensemble du personnel, a-t-on constaté sur place.
Le préfet de l’Isère, Albert Dupuy, a proposé d’organiser en préfecture un référendum pour les 2700 salariés sur le protocole de fin de conflit.
«Le référendum doit être organisé, pour que l’ensemble des salariés puisse s’exprimer», a déclaré Albert Dupuy lors d’une conférence de presse, avant de recevoir une dizaine de délégués et élus syndicaux de Caterpillar. «Ceux qui y sont opposés prennent une responsabilité importante», a ajouté le représentant de l’État pour qui «on ne peut pas priver l’ensemble des salariés de s’exprimer de façon objective».
«Un référendum ne s’organise pas aussi facilement que ça», a estimé à l’issue de l’entrevue avec le préfet Patrick Cohen, élu (CGT) au CE.
Affirmant s’exprimer au nom de l’Intersyndicale de Caterpillar, Patrick Cohen a qualifié de piège tendu aux syndicats la réunion organisée dimanche à Paris, à l’issue de laquelle un accord de fin de conflit avait été annoncé comme conclu pour être soumis aux salariés.
«Ce protocole n’a aucune valeur juridique dans la mesure où il a été signé par des élus et non des délégués syndicaux seuls habilités, selon le Code du travail, à négocier et signer des accords d’entreprise», a expliqué Me Pierre Janot, l’avocat du CE. Pour lui, «ce protocole d’accord a été le fruit d’une pression inadmissible sur les épaules de personnes qui n’étaient pas mandatées ni habilités pour négocier».
Le protocole de fin de conflit a été discuté dimanche soir au ministère de l’Économie à Paris, par des élus et la direction de Caterpillar autour de Philippe Gustin, conseiller de la ministre de l’Économie Christine Lagarde en charge des restructurations et des mutations économiques. Le texte a été accueilli de façon très mitigée par le personnel des deux usines françaises du constructeur américain, à Grenoble et Échirolles, réuni en assemblée générale dans les locaux du Comité d’entreprise.
Il prévoit notamment de ramener le nombre de suppressions de postes de 733, initialement prévus, à 600. La direction s’engage également à essayer de diminuer encore le nombre de licenciements, notamment grâce à des formations offertes aux salariés volontaires.
Dans le document, Caterpillar s’engage à assurer la pérennité de ses sites dans l’Isère au moins jusqu’en 2015 et à y réaliser des investissements. Le texte prévoit enfin des discussions sur l’aménagement du temps de travail avant le 31 octobre 2009.
Enfin, les procédures disciplinaires engagées contre huit salariés pour «occupation illicite des locaux» et «atteinte à la liberté du travail» seraient abandonnées et les discussions sur l’application du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi), qui devaient s’achever en début de semaine, prolongées jusqu’au 30 avril.
Parallèlement au conflit social qui agite la branche française du groupe américain, la maison mère, basée à Peoria, dans l’Illinois, a annoncé mardi des pertes de 112 millions de dollars (86 millions d’euros) au premier trimestre 2009. Les résultats du groupe leader mondial dans les engins de travaux publics, ont été plombés par les 558 millions de dollars (431 millions d’euros) dépensés dans le cadre de plans de licenciements, et par une baisse de ses commandes d’engin.
Au total Caterpillar a annoncé depuis l’automne le licenciement de 22.000 salariés à travers le monde. Le groupe employait 113.000 personnes fin 2008.
Leur presse (AP), 21 avril 2009 - 18h48.