Le droit de tout homme enfermé... c'est de s'évader
Tenter de s’évader pour un prisonnier, c’est comme se mettre en grève illimitée pour un travailleur. C’est refuser de se laisser écraser, d’être transformé en marchandise corvéable et jetable, détruite dès qu’elle n’est plus rentable ou qu’elle refuse d’accepter les lois économiques d’un État au service des riches et des possédants.
Il devrait être impossible pour un cerveau sain d’imaginer qu’un être humain puisse en enfermer un autre. Alors, que dire de l’acceptation si répandue de voir des prisonniers emmurés à vie ou presque ? Ce délire de la longueur des peines a atteint son paroxysme. Et pour cause : vingt ans en moyenne, c’est devenu une mesure du temps, d’un temps économique, calculé, rentabilisé, c’est le temps d’un crédit bancaire, c’est le temps de l’«éducation» d’un enfant… C’est dans ce climat de misère que l’opinion publique ne parvient même plus à concrétiser ce que peuvent représenter vingt ans d’enfermement : juste parce que l’être humain a fait sienne les idées d’individualisme en croyant qu’il pourrait s’asseoir à la table des puissants. Pourtant aujourd’hui n’importe quel «pauvre» devrait comprendre que les prisonniers que l’on enferme ne sont pas dangereux pour lui, mais qu’ils servent de boucs émissaires, de repoussoir pour tenter de calmer toute envie de résistance. Quel danger peuvent bien représenter Christophe Khider, Antonio Ferrara, Pascal Payet pour ne citer que les plus connus, à côté de voleurs patentés comme, entre autres, Marchiani largement grâcié par son ami Sarkozy, ou un vendeur d’armes responsable de la mort de milliers de personnes comme Jean-Christophe Mitterrand. Chaque fois qu’on ne voit pas que c’est un semblable, un frère qu’on tente d’éliminer, on accepte de continuer à se laisser exploiter.
Une évasion, ou une tentative d’évasion n’est pas un fait divers, c’est un geste de survie d’un être humain que l’on tente de faire mourir à petit feu dans des prisons bunkers où l’isolement sans limite est la règle : cela fait plus de six ans que Antonio Ferrara subit un isolement total, sans jamais voir la lumière du jour, menotté et entravé au moindre de ses déplacements, privé de tout contact avec quiconque si ce n’est des surveillants surarmés, appliquant ce régime nommé «Icare».
Une évasion ou une tentative d’évasion n’est pas une scène d’un mauvais film devant lequel frémissent des millions de téléspectateurs, c’est le refus d’accepter l’hypocrisie d’une justice qui condamne à des peines sans limites, à des peines de mort à peine déguisées. Il y a peu de temps, 10 prisonniers longues peines de la centrale de Clairvaux avaient même demandé que soit rétablie pour eux la guillotine, préférant l’euthanasie à l’agonie infinie. Un directeur de prison a affirmé lors d’un procès que pour lui il valait mieux dix «suicidés» qu’un évadé ! Pas difficile à vérifier quand on voit le nombre de morts derrière les barreaux pour le seul mois de janvier 2009.
Une évasion ou une tentative d’évasion ce n’est pas un jeu, c’est un acte où les prisonniers mettent leur propre vie dans la balance car les agents de l’administration pénitentiaire et les policiers ont pour ordre de tuer, dès qu’ils le peuvent, les candidats à la belle. Pour preuve, aucun blessé chez les surveillants durant l’évasion de Fresnes de 2003. Aucun blessé, aucune violence physique pendant l’évasion et la courte cavale de Christophe Khider et Omar Top El Hadj. Dans les deux évasions, les seuls blessés sont les évadés ou leurs amis.
Une évasion ou une tentative d’évasion ce n’est pas des «monstres dangereux et sanguinaires» lâchés dans la nature, c’est des êtres humains qui veulent retrouver un peu de liberté même s’ils savent que de toutes façons, dans la plupart des cas, il y a un mur devant eux.
Une évasion, ou une tentative d’évasion ce n’est pas un coup pour rire, ce n’est pas une provocation : ce sont, une fois les prisonniers repris, des années d’isolement, de transferts au quatre coins de l’Hexagone, un traitement spécial ; ce sont autant de peines infligées aux familles et aux proches même lorsqu’ils ne sont pas déclarés «complices». Et pour ceux qui ont cherché à arracher par amour un emmuré de son tombeau, c’est le début d’un calvaire carcéral et judiciaire : comment ne pas comprendre qu’une mère, un frère, une compagne ne supporte pas l’idée de laisser crever un proche. Christophe Khider était, avant l’évasion de la prison de Moulins, libérable en 2045… Et si les médias, le pouvoir, présentent ces hommes et femmes à qui il reste encore un peu d’humanité comme des parias, c’est pour essayer de faire accepter à tout un chacun que la prison, le contrôle à tous les niveaux, le tout sécuritaire serait le remède aux dysfonctionnements de cette société fondé sur le profit pour quelques uns au détriment du plus grand nombre ; c’est pour justifier la construction de nouvelles geôles, histoire de continuer à battre un record d’emprisonnés. Ils construisent, dans l’urgence, des nouvelles prisons comme hier ils bâtissaient les barres des cités de banlieue : ils préparent de nouvelles maisons de correction pour les enfants, des prisons spécialisées pour les détenus grabataires, d’autres pour les malades mentaux (près d’un tiers de la population pénale est atteint de troubles psychiques graves), des prisons souterraines pour les détenus dangereux…
Fermeture des quartiers d’isolement.
Fin des longues peines.
Solidarité avec les évadés,
leurs familles et leurs proches.
Par courriel, 24 février 2009.
On ne condamne plus à mort on condamne à vie ce qui nous permet à nous, citoyens, de dormir la conscience bien proprette, sans plus chercher à savoir ce que la prison produit aujourd’hui. Recrudescence des pathologies mentales, des suicides, d’évasions spectaculaires et d’horreurs en tout genre... Aidez-nous à provoquer un vrai débat.
Pour nous organiser : Réunion à l’appel de l’ARPPI
Cicp, 21 ter, rue Voltaire dans le 11e (Paris)
Métro : rue des Boulets
Mercredi 4 mars à partir de 17h30
Sera organisée une conférence de presse avec plusieurs personnalités et artistes autour de la problématique carcérale et des longues peines, de l’incidence délétère de celles ci sur les proches et familles de personnes incarcérées.
Nous vous convions à venir nombreux pour également soutenir Sylvie et Nadia qui ont aidé, semble-t-il, mon fils Christophe à s’évader de la prison de Moulins.