Rue J'OFFRE
En soutien aux inculpés de l’antiterrorisme,
de Tarnac et d’ailleurs
Après quelques rencontres, très peu, nous étions une trentaine, puis davantage, à bloquer la rue en son milieu, armés de ganivelles et de barrières enfin utiles à autre chose qu’à canaliser les corps et leurs déplacements. Dans la partie libérée temporairement des flux indifférents, un montage d’extraits de films a été projeté avec les moyens du bord sur un écran de 3 × 7 mètres dont la voilure s’encadrait dans l’artère. Des images d’archives ravivant des moments de luttes portés par des chants révolutionnaires, des extraits d’un film d’Ulrike Meinhof revenant sur la condition carcérale de jeunes femmes maintenues dans des centres de rétention pour mineures en Allemagne, et un passage d’un autre film moins connu, plus récent et d’une acuité brûlante, Et la guerre est à peine commencée… Et si le son ne fut pas au rendez-vous, l’appel de la rue aura pourtant marqué passants et riverains. Déconcertés, les premiers flics de passage s’enquirent des «responsables» … en vain. Vers 21 heures, joyeusement, nous nous sommes éclipsés … aussi vite disparus que nous avions surgi.
Ce que nous avons fait n’était rien, nous n’avons ni saccagé, ni détruit ce qui nous ronge chaque jour davantage. Il s’est pourtant passé quelque chose : comme une suspension de l’aliénation. Un infime décalage et tout est métamorphosé. Pour que la rue S’OFFRE. En peu de temps, suffisamment pour ouvrir des possibles, permettre à un souffle de s’engouffrer par cette minuscule brèche de temps et d’espace qu’il nous plairait d’élargir.
Dans la pleine conscience que l’ennemi nous attend au tournant de la rue, nous recommencerons donc, mais autrement, déplaçant les lieux, les moments d’apparition. Ne fixant rien.
Avec le coup de force de Tarnac, ils ont cru nous terroriser, nous paralyser pour dix ans, prétendait un haut responsable de la police. Ils ont stimulé le goût du geste et de la parole qui prolonge et renouvelle la guerre en cours.
de Tarnac et d’ailleurs
Nous avons, le 23 janvier 2009 à Nantes, libéré de sa routine et de sa circulation, durant près d’une heure, une partie d’une artère commerçante de la ville, la rue Joffre. Coincée historiquement entre le quartier des couvents (que les sectaires de Jeanne la Pucelle appellent encore la Terre sainte) et la place que certains nomment toujours Louis XVI (et où s’érige une statue du monarque renversé qu’on souhaiterait volontiers acéphale), la rue Joffre a toujours fait figure d’enclave populaire au cœur d’un îlot de réaction.
Aujourd’hui menacée d’un autre péril — tout aussi redoutable, la campagne de gentrification menée tambour battant par la municipalité socialiste — la rue résiste pourtant à la poussée des bars et bistroquets aux devantures et au mobilier chocolat ou gris taupe, à celle des restaurants bobos et autres échoppes bios… Entre les kebabs, les commerces éphémères, les troquets et les épiceries de nuit … circulent encore des formes de vie irréductibles à la modélisation du quotidien et aux opérations de police quasi militaires menées en ces lieux, il y a peu.
Après quelques rencontres, très peu, nous étions une trentaine, puis davantage, à bloquer la rue en son milieu, armés de ganivelles et de barrières enfin utiles à autre chose qu’à canaliser les corps et leurs déplacements. Dans la partie libérée temporairement des flux indifférents, un montage d’extraits de films a été projeté avec les moyens du bord sur un écran de 3 × 7 mètres dont la voilure s’encadrait dans l’artère. Des images d’archives ravivant des moments de luttes portés par des chants révolutionnaires, des extraits d’un film d’Ulrike Meinhof revenant sur la condition carcérale de jeunes femmes maintenues dans des centres de rétention pour mineures en Allemagne, et un passage d’un autre film moins connu, plus récent et d’une acuité brûlante, Et la guerre est à peine commencée… Et si le son ne fut pas au rendez-vous, l’appel de la rue aura pourtant marqué passants et riverains. Déconcertés, les premiers flics de passage s’enquirent des «responsables» … en vain. Vers 21 heures, joyeusement, nous nous sommes éclipsés … aussi vite disparus que nous avions surgi.
Ce que nous avons fait n’était rien, nous n’avons ni saccagé, ni détruit ce qui nous ronge chaque jour davantage. Il s’est pourtant passé quelque chose : comme une suspension de l’aliénation. Un infime décalage et tout est métamorphosé. Pour que la rue S’OFFRE. En peu de temps, suffisamment pour ouvrir des possibles, permettre à un souffle de s’engouffrer par cette minuscule brèche de temps et d’espace qu’il nous plairait d’élargir.
Dans la pleine conscience que l’ennemi nous attend au tournant de la rue, nous recommencerons donc, mais autrement, déplaçant les lieux, les moments d’apparition. Ne fixant rien.
Avec le coup de force de Tarnac, ils ont cru nous terroriser, nous paralyser pour dix ans, prétendait un haut responsable de la police. Ils ont stimulé le goût du geste et de la parole qui prolonge et renouvelle la guerre en cours.
Commune éphémère de la rue Joffre (Nantes)
Soutien aux inculpés du 11 novembre, 4 février 2009.
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