Rue J'OFFRE

Publié le par la Rédaction

En soutien aux inculpés de l’antiterrorisme,
de Tarnac et d’ailleurs


Nous avons, le 23 janvier 2009 à Nantes, libéré de sa routine et de sa circulation, durant près d’une heure, une partie dune artère commerçante de la ville, la rue Joffre. Coincée historiquement entre le quartier des couvents (que les sectaires de Jeanne la Pucelle appellent encore la Terre sainte) et la place que certains nomment toujours Louis XVI (et où sérige une statue du monarque renversé quon souhaiterait volontiers acéphale), la rue Joffre a toujours fait figure denclave populaire au cœur dun îlot de réaction.
Aujourd’hui menacée d’un autre péril — tout aussi redoutable, la campagne de gentrification menée tambour battant par la municipalité socialiste — la rue résiste pourtant à la poussée des bars et bistroquets aux devantures et au mobilier chocolat ou gris taupe, à celle des restaurants bobos et autres échoppes bios… Entre les kebabs, les commerces éphémères, les troquets et les épiceries de nuit … circulent encore des formes de vie irréductibles à la modélisation du quotidien et aux opérations de police quasi militaires menées en ces lieux, il y a peu.

Après quelques rencontres, très peu, nous étions une trentaine, puis davantage, à bloquer la rue en son milieu, armés de ganivelles et de barrières enfin utiles à autre chose qu
à canaliser les corps et leurs déplacements. Dans la partie libérée temporairement des flux indifférents, un montage dextraits de films a été projeté avec les moyens du bord sur un écran de 3 × 7 mètres dont la voilure sencadrait dans lartère. Des images darchives ravivant des moments de luttes portés par des chants révolutionnaires, des extraits dun film dUlrike Meinhof revenant sur la condition carcérale de jeunes femmes maintenues dans des centres de rétention pour mineures en Allemagne, et un passage dun autre film moins connu, plus récent et dune acuité brûlante, Et la guerre est à peine commencée… Et si le son ne fut pas au rendez-vous, lappel de la rue aura pourtant marqué passants et riverains. Déconcertés, les premiers flics de passage senquirent des «responsables» … en vain. Vers 21 heures, joyeusement, nous nous sommes éclipsés … aussi vite disparus que nous avions surgi.

Ce que nous avons fait n
était rien, nous navons ni saccagé, ni détruit ce qui nous ronge chaque jour davantage. Il sest pourtant passé quelque chose : comme une suspension de laliénation. Un infime décalage et tout est métamorphosé. Pour que la rue SOFFRE. En peu de temps, suffisamment pour ouvrir des possibles, permettre à un souffle de sengouffrer par cette minuscule brèche de temps et despace quil nous plairait délargir.


Dans la pleine conscience que l
ennemi nous attend au tournant de la rue, nous recommencerons donc, mais autrement, déplaçant les lieux, les moments dapparition. Ne fixant rien.

Avec le coup de force de Tarnac, ils ont cru nous terroriser, nous paralyser pour dix ans, prétendait un haut responsable de la police. Ils ont stimulé le goût du geste et de la parole qui prolonge et renouvelle la guerre en cours.

Commune éphémère de la rue Joffre (Nantes)
Soutien aux inculpés du 11 novembre, 4 février 2009.
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