Un conte contre l'antiterrorisme

Publié le par la Rédaction


Lu à la soirée lédonienne du 23 janvier.

Le début de la fin du monde

Le début du monde a commencé par la fin. Les deux-pattes-à-gros-cerveau avaient détruit ce qui leur donné la vie. Toutes les rivières et les plaines étaient devenues infréquentables, l
air était devenu irrespirable et la liberté nexistait plus. Au début de la fin du monde personne ne faisait plus attention à rien. Chacun-e vivait seul-e dans son décor fabriqué-maison et personne ne reconnaissait ni sa sœur, ni son frère, ni sa mère. Personne ? Pas tout à fait… Au début de la fin du monde il y avait plusieurs tribus qui allaient permettre à lavenir dexister : Il y avait entre autres les dangereux-ses rêveur-ses et les doux-ces terroristes.


Les doux-ces terroristes accéleraient la fin en détruisant tout ce qui était pourri dans le vieux monde et le vieux monde était tellement pourri quon disait toujours : «QUEL VIEUX MONDE POURRI !» Les dangereux-ses rêveur-ses intensifiaient le début en stimulant tout ce qui était merveilleux dans le monde et le monde était si merveilleux quon disait toujours : «QUEL MONDE MERVEILLEUX !» Les dangereux-ses rêveur-ses comme les doux-ces terroristes étaient généralement persécuté-es par les forces-de-lordre-et-de-la-consommation qui plaçaient les terroristes en prison et les rêveur-ses à lhôpital psychiatrique.

La plupart des gens se levaient tous les matins pour aller détruire la planète ou saboter le futur. Détruire la planète ou saboter le futur étaient devenus des habitudes. Énormément de gens acceptaient de devenir des esclaves pour perpétuer ces habitudes. Sil-les nacceptaient pas il-les étaient alors dénigré-es par tous-tes les autres et devenaient aussitôt des exclu-es ou des sans-ressources. Les exclu-es et les sans-ressources ne se levaient pas tous les matins pour aller détruire la planète ou saboter le futur. Ils commençaient par défendre ce dont il-les avaient besoin pour vivre et par protéger ce quil-les aimaient. De ce fait il-les devenaient rapidement de dangereux-ses rêveur-ses ou de doux-ces terroristes et augmentaient ainsi leurs ressources despoir et dimagination. Car au début de la fin du monde il fallait beaucoup dimagination pour espérer un monde sans prison, ni hôpital psychiatrique, sans esclaves, ni exclu-es, sans forces-de-lordre-et-de-la-consommation. Bref, il fallait beaucoup despoir pour imaginer le monde.


À la fin de la fin du monde, il ny avait plus de doux-ces terroristes, ni de dangereux-ses rêveur-ses. Plus dexclu-es, ni de sans-ressource, ni fous, ni clowns, ni anarchistes, ni amoureux-ses, ni poètes-ses, ni pauvres, ni enfants. Il ny avait plus quune poignée de paranoïaques cyniques agonisant-es dans langoisse, cloîtré-es dans dimmenses supermarchés vides au beau milieu du désert et tout ceinturés de fils barbelés, de caméras de surveillance et des derniers CRS impuissants et désemparés qui scrutent lhorizon en tremblant… Et cest ainsi que périt le vieux monde.

— Et lautre ? — Lautre ? Quel autre ? — Lautre monde ! Celui qui commence par la fin ! Quest-ce quil devient ce monde ? — Ça, je ne peux pas vous le raconter. Je ne peux même pas limaginer pour vous. je peux seulement vous prévenir que si vous avez assez despoir pour quil puisse exister, et si dans votre monde il y a toujours des forêts, des rivières et des plaines ; Sil y a encore des océans et des dauphins ; Si lair y est respirable ; Si on y croise toujours des sorcières ou des indiens ; Si on y trouve encore des elfes et des lutins, des licornes et des dragons ; Si il y reste des dodos, des Tasmaniens et des êtres libres ; Cela fait de vous un-e dangereux-se rêveur-se voire un-e doux-ces terroristes et vous savez alors comme moi, que nous n’en sommes aujourd’hui qu’au début du début du monde.

Tomate, 19 décembre 2008.


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