Grèce - Espace autonome : je te dis, il n'y a pas de provocateurs, tout continue
Je te dis, il n’y a pas de provocateurs (pensais-je avoir le dernier dans les bras ?)
Qu’est-ce qui a donc mis tout d’un coup toute la Grèce sens dessus-dessous et attiré les fumées de la révolte non seulement dans les rues d’Athènes mais dans le pays tout entier ?
Le meurtre de sang froid d’Alexandros, c’est ce qui a fait détonner la grenade de la révolte juvénile (M. Damanakis l’a dit par ailleurs…) contre d’abord et avant tout la barbarie policière et l’État policier — «l’Etat c’est vous», K. Mitsotakis l’a proclamé à maintes reprises !!! Il aura fallu qu’un jeune de la classe moyenne de 15 ans soit assassiné pour que l’on découvre la brutalité policière de tous les meurtres aux frontières du pays et rue P. Rallis ; les tortures dans les commissariats ; les viols et le trafic de femmes ; les humiliations ; les ricochets au hasard ; les immigrés entassés dans les cachots ; les pogroms dans les campements de Gitans ; les attaques inhumaines des MAT [CRS grecs] sur les grévistes et les manifestants… Il aura fallu qu’Alexandros Grigoropoulos soit assassiné pour qu’une large partie de la société arrête de considérer que la brutalité policière et l’État policier qu’elle représente est simplement l’affaire de «l’autre», le différent, le détenu, l’immigré, l’anarchiste, le gréviste, «l’exception»… La tolérance à la brutalité policière a volé en éclats au moment où la balle de l’agent des forces spéciales de la police a touché le miroir social de notre réflexion à nous tous. Cette révolte avec le fracas des vitres brisées a fait ressurgir de nombreuses questions qui vont du chômage, la nullité du système d’éducation et les multiples exclusions sociales à la vanité du modèle consumériste, l’absence de structures sociales et collectives, l’individualisation et la carence de sens de sa vie en général ; c’est-à-dire autant d’aspects particuliers d’un système nommé Capitalisme.
Il est néanmoins un fil rouge qui relie toutes les couches de la jeunesse, si différentes les unes des autres et qui se sont retrouvées dans les rues et devant les commissariats la pierre, et même le cocktail Molotov («à quoi bon le cacher ?» [K. Mitsotakis]) à la main. De Zefyri à Filothei, d’Aigaleo à Moschato et de Chania à Xanthi [quartiers d’Athènes, villes de Grèce], c’est la brutalité policière, l’État policier dans tous ses aspects autoritaires et oppressifs qui a été la cible de la colère de milliers de jeunes gens. Nous ne voulons pas faire d’analyse «sociologique» de la révolte et ses acteurs. Peut-être que cela revient à tous ceux qui ont l’intention d’interpréter et récupérer la révolte avant qu’elle ne soit menaçante pour les maîtres du monde. Le regard que nous portons sur les événements est celui de notre engagement et participation et notre place est là où la pierre se lance. C’est-à-dire du côté de la révolte. Des dizaines de milliers de jeunes et pas seulement, se sont retrouvés et se retrouvent encore dans les rues d’Athènes et d’autres villes du pays. On manifeste énergiquement et prend part, à sa façon, aux affrontements avec les forces de l’ordre. On jette des coups de pierre et des cocktails Molotov ; on fait des barricades ; on s’en prend aux banques ; on assiège les commissariats ; on applaudit tous ceux-là ; on ne se disperse pas si l’on se fait attaquer par les MAT ; on sait endurer les nuages des gaz lacrymogènes ; on décrie et repousse des escadrons entiers de MAT au moyen de nos voix et nos mains ; on occupe les facs, les écoles, les mairies, les radios, la GSSE [«Confédération générale des travailleurs de Grèce»] … on se bouche les oreilles devants les larmes de crocodile des médias et les appels au bon fonctionnement du marché. Et comme c’est normal, dans l’ivresse de la révolte on a même cassé un petit commerce, on a mis le feu sans raison apparente. Et pour les plus désespérés — quelle honte… — on a même fait du pillage. Et ça, même si ça fait bien moins de dégâts que les inondations de maisons et de sous-sols à cause des pluies, et parce que ça a justement remis en cause les rapports de propriété, c’est très mauvais ça … pire que les incendies qui ont ravagé la moitié de la Grèce.
En d’autres termes, il s’est passé tout ce que l’on connaît dans toute révolte, de la Commune de Paris aux damnés des banlieues parisiennes et de la Guerre civile espagnole à l’insurrection de l’École Polytechnique de 1973 (outre Damanakis et K. Laliotis, il y avait alors aussi des barricades et incendies de bâtiments publics, sans oublier, bien entendu, les 300 provocateurs dixit le numéro 8 du journal du syndicat étudiant des Jeunesses communistes [1973]). D’aucuns se sont précipités à traiter la révolte d’«élève le matin et pute le soir» : le matin manifestent les élèves et notre jeunesse en colère de manière «pacifique», même si l’on s’en prend à bon nombre de commissariats à coup de pierres et l’on affronte les MAT. Le soir manifestent, mieux «mettent le feu», «détruisent», «pillent», les «encagoulés», les «connus-inconnus», les «agents de services secrets étrangers». Qu’importe s’il y a beaucoup de raisons bien compréhensibles à cela : nombreux sont les petits scrutins minables des braves pères de famille. Mais pour quelqu’un de bonne foi et plus particulièrement de gauche qui voudrait regarder la réalité en face en dehors des préjugés et stéréotypes partisans, il lui aurait suffi d’un peu d’endurance aux produits chimiques et cela aurait valu le coup d’aller faire un tour dans l’École polytechnique occupée les premiers jours de la révolte, où il aurait pu observer des centaines de jeunes, élèves [collégiens et lycéens] pour la plupart, affronter des heures durant les forces de l’ordre… On a vu la même image dans toutes les villes où la jeunesse s’est retrouvée dans les rues.
D’aucuns se sont précipités pour condamner «la violence d’où qu’elle vienne». C’est-à-dire condamner à la fois «les outrances et la dérive» de la police hors de ses «prérogatives», et le droit de résistance de la société. Qui condamne, en réalité, «la violence d’où qu’elle vienne» reconnait le monopole étatique de la violence tant que celui-ci ne heurte pas le sentiment commun. On dénie aux acteurs sociaux le droit de se révolter, de s’insurger, car qu’est-ce que l’insurrection et la révolution dans sa phase initiale que de contester le monopole étatique de la violence ? Par conséquent, lorsque des pans de la Gauche condamnent «la violence d’où qu’elle vienne», non seulement on renonce à l’évocation même de la révolution mais réfute de surcroît le droit aux opprimés et exploités à résister et renverser leurs oppresseurs et exploiteurs. D’aucuns se sont précipités à se joindre aux injonctions des médias et du monde politique officiel pour «isoler», «condamner», «marginaliser» et dépolitiser l’action du milieu anarchiste et libertaire. D’autres encore cherchent les «intérêts obscurs», «le plan orchestré» et le «centre coordinateur» à diriger les 300, au maximum 500 «encagoulés». Lourdement se trompe qui se précipite à faire des déclarations de loyauté. Nous reconnaissons le milieu anarchiste et libertaire comme une mouvance historique du mouvement anticapitaliste en général qui a de surcroît non seulement connu ces dernières années un grand afflux d’effectifs et une dissémination dans le pays tout entier mais qui a joué aussi un rôle important dans une série de luttes sociales qui ont marqué la période précédente, du mouvement de défense des espaces publics au mouvement étudiant et d’une série de luttes ouvrières au mouvement contre la répression et la terreur d’État. Le milieu anarchiste et libertaire n’est point un milieu «invisible» et «plein de mystère», mais au contraire un milieu politique visible à la société avec ses collectifs, publications, lieux de fréquentation et occupations, ses éditions. C’est un milieu politique qui non seulement va à l’affrontement et choisit l’action directe mais qui ne produit pas moins un discours politique et d’élaborations.
D’aucuns se sont précipités à parler de cagoules et d’encagoulés. Ce sont sans doute les mêmes à porter un t-shirt de l’encagoulé sous-commandant Marcos… Non, les amis et camarades, ce ne sont pas des provocateurs et infiltrés sous la cagoule. Ce sont des insurgés sous la cagoule, tout comme au Chiapas. Quant aux activités des RG lesquels — avec ou sans cagoule — ne visent que les arrestations, elles n’ont jamais manqué dans les mouvements comme dans tout milieu politique en résistance.
P.S. Par ce texte, nous ne voulons pas nous poser en commentateur de la révolte mais marquer notre position en son sein.
Qu’est-ce qui a donc mis tout d’un coup toute la Grèce sens dessus-dessous et attiré les fumées de la révolte non seulement dans les rues d’Athènes mais dans le pays tout entier ?
Le meurtre de sang froid d’Alexandros, c’est ce qui a fait détonner la grenade de la révolte juvénile (M. Damanakis l’a dit par ailleurs…) contre d’abord et avant tout la barbarie policière et l’État policier — «l’Etat c’est vous», K. Mitsotakis l’a proclamé à maintes reprises !!! Il aura fallu qu’un jeune de la classe moyenne de 15 ans soit assassiné pour que l’on découvre la brutalité policière de tous les meurtres aux frontières du pays et rue P. Rallis ; les tortures dans les commissariats ; les viols et le trafic de femmes ; les humiliations ; les ricochets au hasard ; les immigrés entassés dans les cachots ; les pogroms dans les campements de Gitans ; les attaques inhumaines des MAT [CRS grecs] sur les grévistes et les manifestants… Il aura fallu qu’Alexandros Grigoropoulos soit assassiné pour qu’une large partie de la société arrête de considérer que la brutalité policière et l’État policier qu’elle représente est simplement l’affaire de «l’autre», le différent, le détenu, l’immigré, l’anarchiste, le gréviste, «l’exception»… La tolérance à la brutalité policière a volé en éclats au moment où la balle de l’agent des forces spéciales de la police a touché le miroir social de notre réflexion à nous tous. Cette révolte avec le fracas des vitres brisées a fait ressurgir de nombreuses questions qui vont du chômage, la nullité du système d’éducation et les multiples exclusions sociales à la vanité du modèle consumériste, l’absence de structures sociales et collectives, l’individualisation et la carence de sens de sa vie en général ; c’est-à-dire autant d’aspects particuliers d’un système nommé Capitalisme.
Il est néanmoins un fil rouge qui relie toutes les couches de la jeunesse, si différentes les unes des autres et qui se sont retrouvées dans les rues et devant les commissariats la pierre, et même le cocktail Molotov («à quoi bon le cacher ?» [K. Mitsotakis]) à la main. De Zefyri à Filothei, d’Aigaleo à Moschato et de Chania à Xanthi [quartiers d’Athènes, villes de Grèce], c’est la brutalité policière, l’État policier dans tous ses aspects autoritaires et oppressifs qui a été la cible de la colère de milliers de jeunes gens. Nous ne voulons pas faire d’analyse «sociologique» de la révolte et ses acteurs. Peut-être que cela revient à tous ceux qui ont l’intention d’interpréter et récupérer la révolte avant qu’elle ne soit menaçante pour les maîtres du monde. Le regard que nous portons sur les événements est celui de notre engagement et participation et notre place est là où la pierre se lance. C’est-à-dire du côté de la révolte. Des dizaines de milliers de jeunes et pas seulement, se sont retrouvés et se retrouvent encore dans les rues d’Athènes et d’autres villes du pays. On manifeste énergiquement et prend part, à sa façon, aux affrontements avec les forces de l’ordre. On jette des coups de pierre et des cocktails Molotov ; on fait des barricades ; on s’en prend aux banques ; on assiège les commissariats ; on applaudit tous ceux-là ; on ne se disperse pas si l’on se fait attaquer par les MAT ; on sait endurer les nuages des gaz lacrymogènes ; on décrie et repousse des escadrons entiers de MAT au moyen de nos voix et nos mains ; on occupe les facs, les écoles, les mairies, les radios, la GSSE [«Confédération générale des travailleurs de Grèce»] … on se bouche les oreilles devants les larmes de crocodile des médias et les appels au bon fonctionnement du marché. Et comme c’est normal, dans l’ivresse de la révolte on a même cassé un petit commerce, on a mis le feu sans raison apparente. Et pour les plus désespérés — quelle honte… — on a même fait du pillage. Et ça, même si ça fait bien moins de dégâts que les inondations de maisons et de sous-sols à cause des pluies, et parce que ça a justement remis en cause les rapports de propriété, c’est très mauvais ça … pire que les incendies qui ont ravagé la moitié de la Grèce.
En d’autres termes, il s’est passé tout ce que l’on connaît dans toute révolte, de la Commune de Paris aux damnés des banlieues parisiennes et de la Guerre civile espagnole à l’insurrection de l’École Polytechnique de 1973 (outre Damanakis et K. Laliotis, il y avait alors aussi des barricades et incendies de bâtiments publics, sans oublier, bien entendu, les 300 provocateurs dixit le numéro 8 du journal du syndicat étudiant des Jeunesses communistes [1973]). D’aucuns se sont précipités à traiter la révolte d’«élève le matin et pute le soir» : le matin manifestent les élèves et notre jeunesse en colère de manière «pacifique», même si l’on s’en prend à bon nombre de commissariats à coup de pierres et l’on affronte les MAT. Le soir manifestent, mieux «mettent le feu», «détruisent», «pillent», les «encagoulés», les «connus-inconnus», les «agents de services secrets étrangers». Qu’importe s’il y a beaucoup de raisons bien compréhensibles à cela : nombreux sont les petits scrutins minables des braves pères de famille. Mais pour quelqu’un de bonne foi et plus particulièrement de gauche qui voudrait regarder la réalité en face en dehors des préjugés et stéréotypes partisans, il lui aurait suffi d’un peu d’endurance aux produits chimiques et cela aurait valu le coup d’aller faire un tour dans l’École polytechnique occupée les premiers jours de la révolte, où il aurait pu observer des centaines de jeunes, élèves [collégiens et lycéens] pour la plupart, affronter des heures durant les forces de l’ordre… On a vu la même image dans toutes les villes où la jeunesse s’est retrouvée dans les rues.
D’aucuns se sont précipités pour condamner «la violence d’où qu’elle vienne». C’est-à-dire condamner à la fois «les outrances et la dérive» de la police hors de ses «prérogatives», et le droit de résistance de la société. Qui condamne, en réalité, «la violence d’où qu’elle vienne» reconnait le monopole étatique de la violence tant que celui-ci ne heurte pas le sentiment commun. On dénie aux acteurs sociaux le droit de se révolter, de s’insurger, car qu’est-ce que l’insurrection et la révolution dans sa phase initiale que de contester le monopole étatique de la violence ? Par conséquent, lorsque des pans de la Gauche condamnent «la violence d’où qu’elle vienne», non seulement on renonce à l’évocation même de la révolution mais réfute de surcroît le droit aux opprimés et exploités à résister et renverser leurs oppresseurs et exploiteurs. D’aucuns se sont précipités à se joindre aux injonctions des médias et du monde politique officiel pour «isoler», «condamner», «marginaliser» et dépolitiser l’action du milieu anarchiste et libertaire. D’autres encore cherchent les «intérêts obscurs», «le plan orchestré» et le «centre coordinateur» à diriger les 300, au maximum 500 «encagoulés». Lourdement se trompe qui se précipite à faire des déclarations de loyauté. Nous reconnaissons le milieu anarchiste et libertaire comme une mouvance historique du mouvement anticapitaliste en général qui a de surcroît non seulement connu ces dernières années un grand afflux d’effectifs et une dissémination dans le pays tout entier mais qui a joué aussi un rôle important dans une série de luttes sociales qui ont marqué la période précédente, du mouvement de défense des espaces publics au mouvement étudiant et d’une série de luttes ouvrières au mouvement contre la répression et la terreur d’État. Le milieu anarchiste et libertaire n’est point un milieu «invisible» et «plein de mystère», mais au contraire un milieu politique visible à la société avec ses collectifs, publications, lieux de fréquentation et occupations, ses éditions. C’est un milieu politique qui non seulement va à l’affrontement et choisit l’action directe mais qui ne produit pas moins un discours politique et d’élaborations.
D’aucuns se sont précipités à parler de cagoules et d’encagoulés. Ce sont sans doute les mêmes à porter un t-shirt de l’encagoulé sous-commandant Marcos… Non, les amis et camarades, ce ne sont pas des provocateurs et infiltrés sous la cagoule. Ce sont des insurgés sous la cagoule, tout comme au Chiapas. Quant aux activités des RG lesquels — avec ou sans cagoule — ne visent que les arrestations, elles n’ont jamais manqué dans les mouvements comme dans tout milieu politique en résistance.
Tout continue.
P.S. Par ce texte, nous ne voulons pas nous poser en commentateur de la révolte mais marquer notre position en son sein.
Espace Autonome (Traduit du grec par Ben Matsas)
Hacktivist News Service, 19 janvier 2009.