Institut de Rationalisation du Saccage Nucléaire (IRSN)
Texte diffusé par une quinzaine de personnes lors de la Fête de la Science 2008, le dimanche 23 novembre devant les locaux des nucléocrates de l’IRSN.
Tu es face à l’IRSN. Tu es chez l’assistante sociale du nucléaire, celle qui cogère sa merde et met du vernis sur ses brèches. Pour cette journée, elle a rapiécé ses dossiers mités afin de te faire connaître les «secrets du nouveau réacteur EPR, la gestion des déchets, la surveillance de la radioactivité dans l’environnement, l’utilisation des rayonnements ionisants sur l’homme, l’organisation nationale en situation de catastrophe nucléaire»…
Tes oreilles s’ouvriront et tu n’entendras pas, tes yeux regarderont et tu ne verras pas.
Non, tu ne seras pas instruit des conséquences de la construction de nouveaux réacteurs EPR, de la mise en place d’autoroutes d’électricité, de ces lignes à haute tension et de toutes les nuisances qui vont avec. Non, tu n’auras pas connaissance de la routine du désastre qui voit se multiplier quotidiennement ce que ces autruches du nucléaire qualifient par euphémisme d’«incident». Tu ne verras pas que Tricastin n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres qui ne font pas l’objet d’un tapage médiatique.
Non, tu ne sauras pas que derrière la catastrophe qui s’envisage désormais «sérieusement», c’est un quadrillage et une gestion militaire qui t’attendent. La propagande de l’IRSN préfèrera te faire croire que ses camions équipés pour mesurer la contamination interne et la distribution de pastilles d’iode, font de ta «santé» la première préoccupation. Non, tu n’entendras pas que des déchets enfouis sous tes pieds ne sont qu’une manière temporaire d’enterrer un problème qui lui, dure des milliers d’années. On ne te parlera jamais de fuite en avant de technocrates ravis d’avoir «solutionné», avec des chimères de fond de paillasse, l’aberration d’un développement industriel et des besoins énergétiques qu’il implique.
Non, tu ne verras pas reposer le problème d’un monde dont il faut toujours un peu plus s’accommoder sous couvert de «moins pire». L’IRSN et ses experts l’acceptent et veulent te le faire accepter. Parce que dans leur esprit, l’hypothèse d’une catastrophe où, comme en Biélorussie, la vie deviendra une stratégie permanente pour éviter d’être trop contaminé représente un «moindre mal». Parce que dans leur esprit, l’hypothèse déjà bien actuelle d’un monde qui continue son accomplissement de déchetterie mondialisée se conçoit aussi comme un «moindre mal». Qu’importe si maintenant l’intoxication et l’empoisonnement viennent de choses aussi simples que boire, manger, respirer, se baigner, profiter des choses de la vie, il suffit de les interdire ou de trouver un juteux protocole industriel pour circonscrire le problème. Non, tu ne verras pas que l’IRSN bouffe dans la même gamelle que ceux qu’elle est censée contrôler. Tu n’entendras jamais l’IRSN conclure qu’il faut abandonner le nucléaire au vue de ses risques et de la dépossession qu’il induit sur nos vies.
Que d’enrobage, que de trompe l’œil, que d’ateliers, que d’animations tes yeux vont absorber. Que de présentations de guides de survie, que de savants calculs de dose admissible, que de pinaillage autour des probabilités du risque, que de discours prétendument responsables tes oreilles vont entendre. On te leurrera, leur mascarade recouvrira d’un voile opaque l’aberration du nucléaire et du monde qui va avec.
Je veux briser cette vitrine.
Te dire que la nouvelle stratégie de communication «transparente» de ces statisticiens de la mort durable et leur mise en scène d’une gestion efficace ne sont qu’un miroir aux alouettes. Te crier que l’IRSN participe à faire accepter le nucléaire en limitant la perception négative que tu pourrais en avoir. Te faire voir que l’IRSN gère comme des épiphénomènes les bavures d’une industrie qui est nécessairement mortifère. Te souffler à l’oreille que ces nucléocrates ont choisi pour toi une vie assistée de tout un tas de dispositifs militaires et scientifiques, de mises aux normes et de mises au pas, dans lequel la liberté, l’autonomie individuelle, la joie de vivre seront de plus en plus éteintes. Te montrer que derrière leur batterie d’experts, de laboratoires et de règlements se cachent l’ineptie et l’aberration d’un monstre qui n’est pas uniquement dangereux pour des milliers d’années, mais qui rend aussi indispensables ses experts, ses laboratoires et ses règlements.
Le suc de leur tromperie est ainsi parvenu à les rendre nécessaires. Rien n’est plus envisageable sans eux. Jamais le monde tel-qu’il-est-et-qu’il-ne-faut-surtout-pas-renverser n’avait trouvé de meilleur garant. À cause de cette marmite bouillante que représente le nucléaire, cette batterie d’experts, de laboratoires et de règlements tient le possible en otage. Un possible figé qui, à part connaître l’empoisonnement de cette planète, verra à peu près toujours les mêmes en haut et les autres en bas, les mêmes qui «savent» et les autres qui suivent.
Ce que ces nucléocrates craignent réellement, ce n’est pas le désastre en cours et à venir, ce ne sont pas non plus les appels de leurs sbires citoyennistes à une «meilleure» gestion, tous parlent encore la langue du mal nécessaire. Ce qu’ils ont à redouter, c’est la remise en cause de leur Diktat.
Il nous reste encore le choix de partager le refus du nucléaire et du monde qui va avec.
Des cobayes du laboratoire mondialisé
A-Infos, 17 décembre 2008
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