Les raisons et les œuvres d'une vie de PAF

Publié le par la Rédaction


Le Collectif de soutien aux personnes sans papiers (CSPSP) de Rennes a diffusé au mois d’avril dernier le tract suivant, accompagné de deux autres, non moins drôles et justes. Piqué au vif, le ministère de l’Intérieur n’a rien trouvé de mieux que de choisir quelques militantEs au hasard pour les inculper de «diffamation et injures publiques envers un corps constitué de l’État». Le procès a eu lieu le 12 décembre. Verdict au 12 janvier.
En attendant, nous avons choisi de vous faire profiter de ce texte…

J’ai toujours voulu être utile à l’insécurité de mon pays. Depuis que je travaille à la P.A.F. (la Police Aux Frontières), depuis que moi et mes collègues on traque les étrangers sans-papiers, qu’on les met dans des Centres de Rétention Administrative, parfois avec les nombreux enfants qu’ils font, et qu’on participe généreusement à leur expulsion, c’est beaucoup moins périlleux de vivre en France, le pouvoir d’achat va mieux, et la couche d’ozone est moins trouée.

J’ai toujours aimé l’action collective sans risque. Je suis pour se lever tôt, et souvent, dès six heures le matin, à 10 ou 12 de la P.A.F. on est d’attaque pour cueillir un sans-papiers à son domicile. C’est une intervention très aisée parce que la surprise, l’incompréhension et la trouille le paralysent. Et comme l’ambiance est bonne entre nous, on se marre ensuite de la tête que certains font. De toute façon, maintenant on a le droit comme des criminels de les déplacer avec des menottes : on est alors sûrs que le sans-papiers ne nous fera pas de mal.

J’ai le sens des relations humaines françaises. En général il est rare qu’on en rate un, parce qu’on est bien renseigné : par un voisin du sans-papiers, ou par la préfecture, ça dépend. Nous on aimerait bien que les gens nous les dénoncent plus, parce qu’on serait plus efficaces, et c’est bon de sentir le soutien de la vraie population. C’est la fierté d’être français qui devrait pousser à dénoncer les sans-papiers, sinon je ne vois pas à quoi ça sert d’être Français.

J’ai une bonne vision en gros. Quand on n’a pas de tuyau, on se débrouille autrement, et toujours très efficaces. Par exemple : on se met devant la Croix Rouge, devant un foyer pour étrangers, ou encore devant une association qui aide les sans-papiers et là on les attrape comme des mouches. Sinon, on se met à la gare ou dans le métro, et on s’occupe particulièrement des Noirs et des Arabes : comme le corps c’est scientifique, on les contrôle au faciès et parmi eux, comme certains se ressemblent tous, c’est souvent qu’il y a un sans-papiers.

J’obéis à l’esprit d’initiative de mes responsables. Parmi ceux qu’on contrôle, on trouve que certains font plus vieux que leurs papiers. Alors dans l’espoir de les enfermer et de les expulser comme les autres, pour faire un bon résultat et gagner mieux ma vie, on se dépêche de l’emmener chez un médecin qui est d’accord pour lui offrir de vivre un examen génital, pileux et osseux ; le résultat n’est pas vraiment fiable mais si un juge est d’accord pour dire que l’étranger est très majeur, on peut l’accueillir au Centre de Rétention Administrative, avant son voyage d’expulsion par décision de Monsieur le Préfet. Normalement quand on envisage des jeunes on doit demander l’autorisation de faire passer les tests au tuteur légal, qu’est le Conseil Général ; mais si on rend vite l’étranger majeur, avec l’aide du médecin et l’accord d’un juge, le tuteur, représentant l’État français, est impuissant à empêcher que notre Préfet, représentant l’État français, arrête l’expulsion. Pour réexpédier les étrangers sans-papiers, rien ne serait de mieux qu’une justice de plus en plus expéditive et approximative.

J’ai toujours pris la défense des forts. Notre procureur nous encourage et notre Préfet nous couvre.

Un policier au faciès

Si mon métier et mes motivations vous écœurent,
rejoignez le collectif de soutien aux personnes sans-papiers



La Sociale no 28, décembre 2008
Feuille mensuelle du GDALE, Groupe d’anarchistes de Lille & environs.
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