Dépénalisation de la diffamation : attention, danger !

Publié le par la Rédaction


«Dépénaliser» la diffamation reviendrait à ramener le droit de la presse à un simple conflit entre particuliers. Cela écarterait totalement la question des libertés publiques et le rôle d’une presse indépendante dans un État démocratique.
Voilà, pour le Syndicat national des journalistes (SNJ), premier syndicat de la profession, les conséquences dramatiques pour la liberté de l’information qu’entraînerait l’adoption en tout ou partie du rapport Guinchard auquel se réfère le président de la République.

Cet universitaire allègue que le Conseil de l’Europe «épinglerait régulièrement» la France au sujet d’un droit de la presse soumis à un texte de nature pénale (loi 1881). C’est parfaitement inexact. En revanche, cette jurisprudence épingle pour de bon la France à deux sujets : la protection du secret des sources et le recel de secret par le journaliste.

D’après le rapport Guinchard, le droit de la presse serait trop compliqué, il faudrait le simplifier. Ce type de motif est trop souvent avancé pour faire disparaître une loi et/ou un dispositif qui gêne, pour nous faire tomber dans le panneau.

Pourquoi faire passer le contentieux de la diffamation, par exemple, au juge civil ? La réponse est simple : parce que le juge civil condamnera là où le juge pénal aurait relaxé. C’est le mécanisme propre au droit qui est en cause. Le juge civil constate l’existence d’un préjudice et le répare (financièrement). Le juge pénal applique la loi pénale, qui est d’interprétation stricte et est extrêmement balisée pour respecter les libertés publiques. En droit pénal, tout ce qui n’est pas interdit pas la loi est autorisé. En droit civil, tout ce qui cause préjudice est condamnable, sans avoir besoin de texte ayant précisément envisagé le cas.

Si la procédure civile est difficile à mettre en œuvre (notamment en matière de preuve), cette difficulté n’est pas vraie pour tout le monde. La procédure civile est le meilleur qui s’offre à vous si vous êtes puissant (financièrement ou politiquement — capacité d’investigation).

Bref, le texte de la commission Guinchard est du «sur mesure» pour condamner à coup sûr la presse dès lors que les puissants du moment le voudront. C’est une régression qui nous ramène au Second Empire. Le recours à la loi pénale, dans l’esprit des pères de la République, était justement destiné à éviter ces dérapages et à trouver un équilibre entre les intérêts privés à défendre et la liberté de la presse, mère de toutes les libertés, à sauvegarder.

Pour avoir une idée plus claire des arguments des «plus ardents défenseurs de la dépénalisation» du droit de la presse ces dernières années, il suffit de se replonger dans les textes des magistrats entre… 1852 et 1880. Les arguments sont les mêmes. À l’époque, ces auteurs avaient cependant le courage d’annoncer la couleur. Ils étaient antirépublicains.

Syndicat national des journalistes, le 3 décembre 2008.

Publié dans La police travaille

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