La descente de gendarmes émeut à l'école des Métiers d'Auch
La prévention de la toxicomanie en question. Professeurs et élèves ne sont pas vraiment choqués par le contrôle mais plutôt par la façon dont celui-ci a été fait, lundi à Pavie.
Le récit d’un prof choqué. Patrick Poumirau se définit comme un «professeur qui ne manque jamais de faire contre la drogue une prévention qu’il juge intelligente». Ce petit-fils de gendarme se dit pourtant choqué par ce qui s’est passé lundi à Pavie.
«Personne ne dit bonjour, personne ne se présente. Sans préambule, le chien est lancé à travers la classe. [Il] mord le sac d’un jeune à qui l’on demande de sortir… Je veux intervenir, on m’impose le silence. Une trentaine d’élèves suspects sont envoyés dans une salle pour compléter la fouille. Certains sont obligés de se déchausser et d’enlever leurs chaussettes, l’un d’eux se retrouve en caleçon. Parmi les jeunes, il y a des mineurs. Dans une classe de BTS, le chien fait voler un sac, l’élève en ressort un ordinateur endommagé, on lui dit en riant qu’il peut toujours porter plainte. Ailleurs, on aligne les élèves devant le tableau. Aux dires des jeunes et du prof, le maître-chien lance : “Si vous bougez, il vous bouffe une artère et vous vous retrouvez à l’hosto”. Je me dis qu’en 50 ans, je n’ai jamais vu ça. Ce qui m’a frappé… c’est l’attitude des gendarmes : impolis, désagréables… sortant d’une classe de BTS froid-climatisation en disant : “Salut les filles !” alors que, bien sûr il n’y a que des garçons, les félicitant d’avoir bien “caché leur came et abusé leur chien”. C’est en France, dans une école, en 2008.»
Les élèves partagés
Les élèves de l’école des Métiers n’ont pas tous réagi de la même façon pendant le contrôle des gendarmes et après leur départ, lundi. Petit débat entre les 2e année du CAP électricité et leurs copains en CAP mécanique : «J’ai été dans un collège, à Masseube, où il y avait déjà pas mal de contrôles de police. Donc, je n’ai pas été choqué», avoue Vincent. «Ouais, mais quand même. Le mec, il nous dit “vous mettez les mains sur les tables, vous bougez pas et surtout vous regardez pas le chien dans les yeux pour pas vous faire mordre” avec un ton agressif, c’est pas normal», tempête Florian. La fouille poussée subie par certains en agace aussi plus d’un, à l’instar de Benoît qui ne comprend pas pourquoi un copain de sa classe s’est retrouvé «en calbut parce que le chien avait flairé un billet de 5 € suspect».
«On n’est pas contre l’intervention, tempère Loïc. D’ailleurs, on nous avait dit qu’il pourrait y en avoir en début d’année. Mais c’est la manière dont ça a été fait qui va pas.» Côme dénonce des «blagues ironiques» de certains gendarmes. Son voisin se demande naïvement pourquoi ils n’ont pas été prévenus : «on aurait été moins surpris». Mais en l’occurrence, le directeur avait préféré rester discret. Seules trois personnes à la direction et la secrétaire générale de la Chambre de métiers étaient au courant de l’opération. «Justement, on l’a fait dans les classes pour éviter que le téléphone marche.» Mais il se félicite des prises somme toute restreintes. Preuve que la prévention est efficace.
Le directeur du CFA assume
Bernard Vilotte, le directeur de l’école des Métiers, confirme que c’est bien lui qui a demandé cette opération de contrôle qu’il a d’ailleurs préparée avec les gendarmes quinze jours avant : «L’objectif était de poursuivre la prévention faite dans le cadre de la semaine d’accueil sur les risques liés à l’alcool et à la drogue, sachant que ça a un effet boule-de-neige. Ils savent qu’il faut faire attention. Après, c’est vrai qu’il y a une partie qu’on maîtrise pas. Les gendarmes appliquent leur procédure. On peut être d’accord ou pas sur la méthode. Mais sur le fond, on se doit de protéger les élèves.»
Le nez fin des chiens renifleurs
Quentin a dû sortir de classe accompagné d’un gendarme lundi. Un chien policier avait reniflé une odeur suspecte sur son sac. Et comme un certain nombre d’élèves, il est ressorti du court interrogatoire sans être inquiété. «Franchement, c’est impossible qu’ils aient senti quelque chose ; je ne fume pas et je bois pas», s’interroge encore le jeune homme. Une sincérité affichée qui n’est pas forcément suspecte au regard de la procureure. «Effectivement, ces chiens ont un odorat très sensible et l’odeur des stupéfiants est communicative. On en a déjà trouvé cachés dans la roue d’un bus scolaire. Et le chien avait aussi marqué le sac posé dessus.»
Les gendarmes traquent le shit dans les cartables
Seize hommes accompagnés de chiens anti-drogue ont fait irruption en plein cours à l’école des Métiers d’Auch.
L’émotion est vive, depuis lundi, à l’école des Métiers. Et pour cause, seize gendarmes, dont deux maîtres-chiens, ont fait irruption en classe en début de semaine, sur réquisition du parquet. Leur mission : rechercher tout produit stupéfiant qui n’a pas lieu d’être dans un établissement scolaire comme ailleurs. En l’occurrence, Bernard Vilotte, le directeur du CFA, avoue sans détour être à l’origine de cette initiative à portée pédagogique. Et gageons qu’elle le sera pour le jeune mineur trouvé en possession de 32 grammes de shit. Il sera convoqué prochainement devant le juge des enfants… deux autres mineurs et un jeune majeur, porteurs à eux trois de 7 grammes, faisant de leur côté l’objet de mesures plus souples.
Seulement voilà, enseignants et élèves décrivent un mode d’intervention cavalier des gendarmes qui seraient parfois entrés sans frapper en classe, surprenant les élèves en plein cours… ce que conteste Bernard Vilotte, au moins pour les représentants de la loi qu’il a accompagnés. Des propos ironiques auraient aussi choqué les élèves, notamment lorsque les gendarmes leur ont demandé de ne pas regarder les chiens dans les yeux sous peine d’être mordu à des endroits sensibles. Sur ce point, Bernard Vilotte sourit, un peu gêné, mais il revient vite à l’essentiel : son souci de prévenir pour mieux guérir. «En 99 ou 2000, je venais d’arriver. J’ai dû aller chercher trois apprentis, morts, dans un accident de voiture. On a voulu faire quelque chose et pas nous voiler la face. Depuis, chaque année, lors de la semaine d’accueil, on leur parle des ravages de l’alcool, de la drogue. Et on leur dit qu’il pourra y avoir des contrôles en cours d’année. On le faisait en zone police. Et on continue depuis qu’on est à Pavie ; ce n’est pas nouveau.» Une politique qui a tout le soutien de la procureure Chantal Firmigier-Michel.
La procureure relativise
«Cet établissement n’est pas plus touché que les autres qu’on contrôle aussi de temps en temps. Dans le cas présent, ça démontre la responsabilisation de ce chef d’établissement qui a conscience des dangers des produits stupéfiants. Il n’y a rien de pire chez les adolescents que le sentiment d’impunité. Cette opération leur démontre qu’on ne peut pas faire n’importe quoi dans un établissement scolaire qui serait une zone de non droit quand ils savent qu’ils peuvent être contrôlés dans la rue. Non, là comme ailleurs, la justice doit lutter contre ce qui reste un fléau pour nos jeunes.» Quant à la manière, la procureure relativise. «Les contrôles n’ont eu lieu qu’aux endroits où les chiens ont marqué.»
Presse jaune, 20 novembre 2008
(Béatrice Dillies, La Dépêche du Midi).