L'État est notre ennemi : la preuve, il nous surveille !
Afin de développer leur économie, leurs marchés et de s’imposer comme une puissance mondiale, tous les États industrialisés ont besoin au moins d’un ennemi extérieur qui justifie le recours à la guerre et à la course à l’armement. À l’intérieur de ses frontières, l’État a aussi besoin d’un ennemi qui justifie une politique sécuritaire qui se durcit. Cet ennemi, c’est le pauvre, l’étranger, le sans-papier, le banlieusard etc., celui qui pourrait troubler l’ordre public bien pensant et bien structuré, le potentiel violeur, voleur, pédophile, assassin, terroriste… Pourtant, tous les dispositifs d’État pour lutter contre la criminalité sont aussi coûteux qu’inefficaces quant aux objectifs annoncés. Alors pourquoi poursuivre dans cette voie ? Certainement parce que l’objectif premier de ces dispositifs n’est pas la lutte contre la délinquance mais bien le flicage permanent de l’ensemble de la population. Comme cet objectif n’est bien sûr pas avouable, il est nécessaire de créer l’ennemi intérieur (le terroriste est tout trouvé) et d’entretenir la paranoïa sur les risques encourus par tous les citoyens lorsqu’ils sont dans un espace public. Et cette politique s’est largement amplifiée lors de cette dernière décennie. Cela n’a pourtant pas empêché les attentats de septembre 2001 qui ont servis de prétexte, en France, à la proposition et l’adoption sous un gouvernement de gauche de la loi de sécurité quotidienne (LSQ), reprise et élargie (LSI) par Sarkozy alors ministre de l’Intérieur. Tout récemment encore la mobilisation contre le fichier EDVIGE montre à la fois cette volonté politique de contrôle mais aussi l’inquiétude que ce fichier suscite dans la population.
Le sécuritaire ne nous fera pas taire !
Le gouvernement a beau changer le nom de son fichier informatique d’EDVIGE en EDVIRSP [Pour «Exploitation Documentaire et Valorisation de l’Information Relative à la Sécurité Publique»], ne nous y trompons pas, le fichage politique est bel et bien en place en France et ce ne sont pas les quelques modifications apportées au texte de loi qui y changeront quoi que ce soit. Il n’y a là que de quoi soulager ceux qui, Bayrou et PS en tête, ne se sont élevés contre ce texte que bien tard par pur opportunisme politique, laissant dans l’ombre le reste d’un arsenal sécuritaire pourtant bien fourni.
EDVIRSP, vu que tel est désormais son nom, continuera donc de ficher les personnes «dont l’activité indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique» : définition très vague qui selon le contexte, concerne quiconque s’impliquant dans la vie sociale, associative, politique, syndicale, comme le prévoit toujours explicitement cette loi. Le tout dès 13 ans en enregistrant notamment l’état civil, les adresses physiques, les adresses électroniques et numéros de téléphone ainsi que les «signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement» (!) Sans compter les autres système de fichage, parmi lesquels STIC et surtout CRISTINA, dont même la CNIL ne saura jamais rien, secret défense oblige. Ces fichiers pouvant être constitués et consultés par les forces de police sans qu’aucune infraction ne soit pour autant commise.
Reste que dans notre vie de tous les jours la logique sécuritaire sous toutes ses formes est chaque jour plus présente. Cette logique qui fait que nous sommes filmés à chacun de nos pas (400 caméras fin 2007 dans les rues de Lyon, sans compter celles des magasins, banques, etc.), qui autorise la police, sur simple soupçon d’un délit, sans preuve, à nous prélever notre ADN. On habitue les générations suivantes dès l’école où, sous l’œil des caméras, les enfants doivent poser leurs pouces sur des bornes biométriques où empreintes digitales (et bientôt cartographie de l’iris) leur permettent d’obtenir leur repas.
La police est plus que jamais présente, appuyée par les nouvelles technologies et les armes qui vont avec (Taser, drones, etc.). De même qu’un service de renseignements généraux désormais fusionné avec le contre-espionnage sous le nom de «renseignement intérieur». La loi Perben II avait déjà autorisé en son temps les écoutes (quatre millions de «réquisitions téléphoniques» différentes en 2007) [Source : numéro du 5/12/07 du Canard enchaîné, quatre millions dont seulement 27.000 autorisées par des juges], la pose de micro et la fouille des domiciles, sans que la «cible» n’ait jamais conscience ni de ces atteintes à sa vie privée, ni des procédures enclenchées contre elle.
Nous ne devons surtout par lever la tête, sous peine que «Big Brother» soit immédiatement au courant ; il nous faut ainsi continuer une vie de petits soldats où nous ne pouvons, ne devons, que travailler puis consommer et ainsi de suite. La répression des différents mouvements sociaux est là pour nous le rappeler.
Un tel constat ne peut laisser indifférent, notre société fiche chaque jour un peu plus ses individus et pourtant l’humain ne saurait être ainsi réduit, parqué, fiché, signalé. Et c’est parce qu’on s’en doute qu’on essaie de lui inculquer, dès le plus jeune âge, cette docilité au marquage.
Il ne s’agit pas de s’attaquer aux «dérives» du sécuritaire mais bien à ces logiques elles-mêmes avec tout ce qu’elles portent de relents fascisants et totalitaires.
Ils brident nos libertés pour servir leurs intérêts économiques
L’Angleterre a été une pionnière dans le contrôle de l’espace public : avec plus de quatre millions de caméras de vidéosurveillance sur l’ensemble du territoire britannique, un individu peut être filmé jusqu’à 300 fois dans une journée. Alors que ce pays est cité en «modèle» de lutte contre la délinquance, un rapport publié en février 2005 par le ministère de l’Intérieur britannique démontre l’inefficacité de ce système de surveillance. Pourtant, en France, le pouvoir renforce cette pratique : Alliot-Marie annonçait une augmentation de 40.000 caméras de surveillance dans l’espace public, portant ainsi leur nombre à plus de 400.000 sur le sol français. Si ce système a prouvé son inefficacité, il a permis en tout cas à certains de s’en mettre plein les poches. En effet, le chiffre d’affaires des entreprises de vidéosurveillance a augmenté de 111% entre 1996 et 2006 [Monde Diplomatique no 654, septembre 2008]. Ajoutons que l’installation d’une seule caméra coûte environ 30.000 euros et son entretien annuel se chiffre à 6000 euros… faites le calcul ! Cela veut bien dire que le pouvoir étatique est prêt à dépenser des sommes pharaoniques pour nous contrôler, fliquer, cadrer, surveiller, sous prétexte de lutte contre la criminalité. Ce ne sont pas les crimes et la délinquance que veut réprimer l’État, c’est prévenir toute révolte populaire contre le système capitaliste. L’État est garant du capitalisme : son rôle est de le protéger et de le faire perdurer au profit d'une poignée d’individus alors qu’il génère une violence inouïe pour nous tous au quotidien.
Agissons dès aujourd'hui contre ces logiques et ne les laissons pas s’imposer dans nos vies, insurgeons-nous tant que nous le pouvons encore, utilisons tout les moyens à notre disposition.
Parce que notre liberté n’est pas à vendre,mobilisons-nous et ne nous laissons pas faire !
Souria, groupe Kronstadt, Lyon
Infos & analyses libertaires no 74, novembre-décembre 2008
Bimestriel de la Coordination des groupes anarchistes.