11 novembre 2008 : manifestation contre la réouverture du centre de rétention de Vincennes

Publié le par la Rédaction

À l’Est, rien de nouveau ?

À l’Est de la capitale, comme ailleurs, le drame se poursuit : le centre de rétention de Vincennes, destiné à enfermer les sans-papiers, avait été incendié le 22 juin dernier. Pourtant, en ce 11 novembre, il a ouvert de nouveau. Rien de nouveau donc : tout près de l’hyppodrome de Vincennes, l’État va continuer à enfermer des populations raflées dans les rues, dans les transports, à leur travail ou à la sortie des écoles.

La «rétention» est assurément un mot bien pratique pour masquer la réalité sordide de ces actes : la concentration dans un camp fermé et gardé de personnes raflées qui attendent leur expulsion forcée.

C’est donc pour protester contre cette réouverture, et pour protester contre toutes les expulsions, que la Fédération anarchiste, avec d’autres associations et individus, était présente sur les lieux. Cette présence, concrètement, ne fut pas possible à proximité immédiate de ce centre : aujourd’hui, exprimer sa solidarité est considéré comme un délit. C’est dans ce sens que nous interprétons l’interdiction qui nous a été faite d’accéder jusqu’au centre de rétention. Des cordons de flics, des camions prêts à embarquer les contestataires … le ton est donné, et ne semble plus étonner personne.

Le cortège qui a eu lieu depuis la gare RER jusqu’au plus près du centre a donc été contrôlé dans sa totalité par la police : une manière de laisser se défouler les opposants en donnant un minimum de visibilité et donc un maximum de frustration. Les medias, eux, mitraillent nos banderoles. Cela explique en partie que le fait de se masquer en manifestation se généralise. Etant donné la répression actuelle contre les mouvements sociaux, on n’est jamais trop prudents…

En tous les cas, ce qui devait être une manifestation devant le centre de rétention se cantonne à un rassemblement devant l’hyppodrome de Vincennes. Le cortège repart donc en direction de la gare RER…




Highway to hell

C’est à ce moment que ce cortège montre qu’il a encore des ressources. Des discussions se tissent, et après quelques rapides débats, une décision est prise : déborder la flicaille. Le cortège bifurque donc au dernier moment, leurrant la police. Nous nous engageons en direction des voies rapides et de l’autoroute A4. Les banderoles sont rassemblées «en carré», les manifestants se densifient derrière et créent un bloc difficile à séparer. La machine est alors lancée, et, doucement mais sûrement, le cortège prend possession de la voie publique, devant des flics incapables de réagir et de nous en empêcher.

Pensant nous bloquer plus loin, ils échouent à nouveau : nous sommes organisés, cohérents, et l’efficacité nous étonne nous même. Les gens prennent confiance en eux. La force que nous représentons (quelques centaines de personnes) n’est pas une masse dirigée par des chefs : c’est volontairement, de façon consciente et cohérente que chacun est là. Une autogestion dans la lutte. On discute, on s’entraide. Pour une fois, anarchistes organisés, syndicalistes, militants associatifs et autres ne se battent pas pour discuter de la virgule d’un tract. On est là. On veut le montrer. On agit collectivement, et on y prend goût.

L’autoroute est bloquée. Les bouchons commencent, et des renforts policiers tentent une charge puis un dépassement pour nous bloquer. Les premiers gaz lacrymogènes nous balayent. Pourtant, les manifestants trouvent un second souffle. Le blocage se poursuit, en faisant demi-tour, mais en surprenant à nouveau les forces de police. Tout le long de cette escapade, des cris, des slogans : «Liberté ! Liberté !», «Brique par brique, mur par mur, nous détruirons les centres de rétention !» On informe les automobilistes bloqués, dont certains expriment leur solidarité.

Retour au point de départ, avec des blocages qui continuent. Nous avons pris conscience que nous étions enfin visibles, et nous voulons en profiter pleinement. Et c’est ce que nous faisons. La police, elle, est toujours incapable de gérer la situation. Elle nous subit. Elle agit dans la précipitation, et se couvre de ridicule par son incapacité à s’organiser. Alors que nous avons enfin rejoint la gare RER, d’autres tirs de lacrymogènes ont lieu. Inutiles eux-aussi, puisque nous avons décidé nous même de nous y rendre, et pas sous la contrainte. Un tir de lacrymogène rebondit sur un poteau, et la grenade revient sur les rangs policiers. Le retour se fait en RER, collectivement, une partie d’entre-nous se soignant des gaz grâce à du sérum physiologique.




Et après ?

Au-delà du plaisir jouissif de ne pas se laisser canaliser par la police, nous sommes conscients de nos limites : le centre de rétention est toujours là. Il se remplira dans les jours qui viennent de nouveaux expulsables. Ce n’est pas une victoire.

Mais ce qui compte à l’instant où j’écris ces lignes, c’est qu’il est clair pour un certain nombre de personnes que cette lutte qui s’essoufflait connaît un regain certain. Cette manifestation montre un renouveau de la mobilisation. La tournure qu’à pris ce rassemblement que tout le monde prévoyait comme un acte trop canalisé pour être visible nous a surpris nous même et a redonné à nombre d’entre-nous le goût de la lutte. En ce sens, ce 11 novembre est à interpréter comme un signe d’une solidarité qui se consolide avec nos camarades sans-papiers.



Zona Yarost, 14 novembre 2008.


Caisse de soutien à destination des inculpés :
Chèques à l’ordre de «CICP Vincennes»
à envoyer à CICP-Vincennes, 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris.
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