Saboteurs présumés de la SNCF : un air de résistance souffle sur le plateau de Millevaches
Un comité de soutien aux cinq jeunes corréziens interpellés dans l’enquête sur les «sabotages» contre le réseau SNCF a été crée vendredi soir à Tarnac. Les trois fondateurs, des habitants du plateau de Millevaches qui se revendiquent de gauche, dénoncent la méthode employée pour procéder aux interpellations.
C’est par une conférence de presse organisée vendredi soir à Tarnac (Corrèze) que les fondateurs du comité de soutien (Thierry Letellier, maire de la commune voisine de La Villedieu, Michel Ginnaber et Jean Plazanet, ancien maire PC de Tarnac) ont expliqué leurs motivations.
Thierry Letellier, a dénoncé la forme employée. «Leur façon de faire était inacceptable», et a estimé que c’est «une affaire qui tombe à pic politiquement». Pour sa part, Michel Ginnaber a relevé que «ce sont des gens qui fuient l’anonymat et l’aggressivité des grandes villes et que l’on vient rafler car ils ont décidé de vivre autrement et pour cela on fait l’amalgame avec des terroristes». Toujours selon ce dernier, «la façon dont on les présente est différente de la réalité partagée ici dans le village». Une vision que partage Jean Plazanet, le premier à avoir accueilli le chef présumé en lui permettant de louer une chambre dans l’ancienne maison de retraite.
Le coup de filet a porté un coup rude aux 330 habitants de Tarnac et au-delà à la population du plateau de Millevaches toujours sensible à l’accueil de nouveaux habitants. L’arrivée d’une vingtaine de jeunes avait été ressentie comme un cadeau du ciel. «Grâce à eux, il y a encore une épicerie et de quoi manger dans le village», a tenu à rappeler l’ancien maire de Tarnac précisant que contrairement à l’image de jeunes désœuvrés reprise par les médias, il s’agit plutôt de «monsieur et madame tout le monde» qui «se lèvent à 6 heures du matin pour préparer leurs légumes et les amener aux vieux».
Face au traumatisme lié a des interpellations réalisés avec une débauche de moyens, des proches des gardés à vue ont rencontré jeudi soir, dans la salle des fêtes du village, la population de Tarnac mais aussi des habitants des villages environnants, afin de s’expliquer et de donner leur version. 80 personnes ont répondu présent.
La décision de ces jeunes urbains de venir s’installer sur le plateau n’est pas, comme le rappelle le quotidien régional La Montagne, le fruit du hasard. À l’occasion d’une interview au quotidien en janvier dernier les nouveaux propriétaires de l’épicerie, et au-delà leur communauté, n’ont jamais fait mystère de leur net penchant à gauche. La présence dans la partie restaurant-bar du magasin du portrait de Georges Guingouin figure tutélaire de la résistance limousine surnommé le «Préfet du maquis» n’est pas innocente pour des jeunes qui s’estiment en rébellion contre l’autorité.
À la croisée de la Creuse de la Haute-Vienne et de la Corrèze, le plateau de Millevaches est traditionnellement une haute terre de résistance, propice aux insoumis. Isolée, au climat rude, elle a accueilli au siècle dernier des républicains espagnols fuyant la dictature de Franco, des juifs pourchassés par le nazisme, des réfractaires au STO, et de nombreux maquisards.
Dans ce passé riche qui innerve le présent, la création d’un comité de soutien illustre bien une méfiance aux discours officiels, aux vérités trop criantes, aux emballements médiatiques parisiens. Pour autant, le Comité se garde bien de porter un jugement sur le fond de l’affaire, conscient que ceux à qui il a ouvert les bras ne sont sans doute pas des oies blanches même si, quelques jours après les interpellations, l’instruction semble patiner. À cette heure, les neuf gardés à vue sont sous le coup d’une mise en examen notamment pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste».
La Mouette, 15 novembre 2008.