On n'arrête pas le Progrès
À Bourg (Ain), entre les murs du futur centre pénitentiaire
Tout est gris béton, en attendant les bleu lavande, orange ananas et autre vert moutarde qu’entend appliquer le groupement d’architectes sud-américain Borja Huidobro. Des hauts murs d’enceinte anti-grappins, une unique entrée piétons et véhicules, des portiques de détection et c’est l’atrium…
1. «Faire entrer la lumière»
«L’atrium, c’est un cheminement qui désert les différentes zones de vie de l’établissement, le parloir — donc l’accès sur l’extérieur — le médical, les ateliers… Et on a cette verrière qui permet de faire entrer la lumière», note Sandrine Hello.
2. Unités de vie familiale
Les trois unités de vie, «ce sont des lieux où les condamnés uniquement peuvent rencontrer leur famille une fois par trimestre, pendant 12 à 96 heures. Sous condition et décision pénitentiaire», fait savoir Bertrand Pic. Faute de permissions, ils accueillent femme et enfants dans ces T2 de 45 m2, avec deux chambres équipées de salles de bains, un séjour, sa cuisine américaine. Et une terrasse de 15 m2, mi-caillebotis, mi-jardin.
3. Des douches dans toutes les cellules
Les individuelles font entre 10 et 11,5 m2, les doubles 14. Et 10 m2 dans les quartiers disciplinaires. Ces dernières comme les autres — et c’est une première en France — sont équipées de douches.
Les cellules du centre de détention sont en «régime portes ouvertes. Du matin au soir, les détenus sortent sur leur lieu de vie commune — en plus de la promenade — jusqu’à la limite des grilles de leur unité d’hébergement», explique Mme Hello. «Et ils peuvent s’isoler s’ils le souhaitent», s’enfermer, «sachant que les surveillants ont accès à la cellule à tout moment».
4. Ateliers de travail
«Dix fois 120 m2, plus la salle de formation professionnelle… Le but du travail dans ces ateliers, c’est de préparer la sortie, de leur donner une rémunération, sur la base du Smap, le salaire minimum de l’administration pénitentiaire (inférieur au Smic), et de rembourser les parties civiles.» «Ils devraient être plus de 200.» Le Gepsa se charge notamment «de la restauration — y compris celle du personnel — de la buanderie, du transport, de l’accueil des familles, de la formation professionnelle et du travail». Pour ce dernier, «la recherche lui revient et elle le soumet au chef d’établissement. Il ne faut pas que les gens pensent que c’est une prison privée. On sous-traite», affirme Mme Hello.
5. La vie carcérale, mais pas que…
La vie carcérale s’organise également autour du sport, en salle et sur le stade. Mais aussi de l’enseignement dans une salle de classe. Et autour du lieu de culte, dévolu à toutes les religions.
La parité est respectée à la tête de l’établissement
L’établissement burgien sera dirigé par Bertrand Pic, Lyonnais de 41 ans, marié, deux enfants. Après sa maîtrise de droit à Lyon II, il a passé le concours administratif avant de passer un an en tant qu’élève sous-directeur à l’école de l’administration pénitentiaire de Fleury-Mérogis.
Il a effectué tout son parcours dans ladite administration.
De 1995 à 1999, il a été directeur de la maison d’arrêt de Villefranche.
Puis, de 1999 à 2003, il était chef d’établissement du centre pénitentiaire d’Uzerche, en Corrèze. De 2003 à 2005, il était directeur des ressources humaines, à la direction interrégionale du service pénitentiaire à Lyon, puis secrétaire général.
Il est arrivé sur le site le 1er septembre. De même que Sandrine Hello, directrice adjointe.
Originaire de Hyères, la jeune femme est âgée de 35 ans. Elle est mariée et mère de deux enfants.
Après un DEA de droit, elle a passé le concours d’entrée dans l’administration en 1998. Elle a occupé un premier poste à la Santé à Paris, jusqu’en 2002.
Elle a ensuite travaillé à la détention et aux ressources humaines aux Baumettes, à Marseille, jusqu’en 2008.
Soit dit en passant, les femmes sont bien représentées, avec Sophie Groussolin, également directrice adjointe, qui arrivera dès le mois de janvier.
Enfin, Pascal Picard, chef de détention, est sur le site depuis le 1er octobre.
Suicide en prison : «Éviter la surpopulation»
Comment se déroule l’accueil d’un détenu, à son arrivée en maison d’arrêt ?
Il est systématiquement vu par un membre de l’Unité de Consultation et de Soins ambulatoires (UCSA), qui fait le point sur son état de santé. Il peut ainsi juger si des soins doivent être entrepris. Si cela doit se faire en urgence, c’est une équipe du Samu qui intervient puisque l’UCSA dépend du CHU de Saint-Étienne [Depuis 1994, ce n’est plus l’Administration pénitentiaire (donc le ministère de la Justice) qui prend en charge les soins en prison, mais le CHU (donc le ministère de la Santé)].
Comment fonctionne l’unité de soins de la prison ?
Comme un cabinet médical, avec des infirmiers présents en permanence, et des spécialistes qui interviennent régulièrement (dentiste, orthopédiste, dermatologue). La psychiatrie est la spécialité la plus représentée : un médecin est présent tous les jours.
Pourquoi une présence si importante de cette spécialité ?
Parce qu’il y a de plus en plus de détenus souffrant de problèmes psychiatriques. 6 à 9% des détenus sont d’authentiques psychotiques, alors qu’ils ne représentent que 1% de la population. Mais ces personnes ne devraient pas être en prison, plutôt dans des services spécialisés.
À quoi est due cette surreprésentation des malades en prison ?
À l’évolution de la politique pénale. Depuis quelques années, il y a beaucoup plus d’incarcérations (aussi bien en détention provisoire qu’en condamnations). Et il y a toujours cette peur du fou dangereux, qui fait que les détenus souffrant de troubles psychiatriques sont, en général, plus lourdement condamnés que les autres.
La surpopulation a-t-elle une incidence sur les autres détenus ?
Oui. L’espace clos et le manque d’intimité peuvent être déstabilisants pour des personnes fragiles psychologiquement. Sans parler des rendez-vous «fantômes» (la personne prévue ne vient pas), qui jouent beaucoup sur le moral. Du coup, ces personnes envisagent la tentative de suicide. Non pas pour mettre fin à leurs jours, mais pour mettre fin à une situation qu’ils jugent intolérable.
Cela arrive souvent à la maison d’arrêt de La Talaudière ?
Non, et les statistiques montrent que cela se produit moins souvent que dans d’autres départements. Mais la demande de médicaments est forte, de la part des détenus, pour des situations d’angoisse et de dépression. D’ailleurs, les médicaments contre la psychose représentent le premier poste de dépense de l’unité. Mais nous veillons bien à ce qu’ils ne les prennent qu’en réel cas de besoin, et à ce qu’ils ne deviennent pas dépendants.
Les détenus mineurs sont-ils touchés par le phénomène ?
Quasiment pas : la plupart d’entre eux ont un parcours de délinquant et bénéficient déjà d’un suivi médical.
L’établissement ouvre à la fin novembre 2009. Visite guidée de l’atrium, des cellules, des unités de vie familiale, des ateliers de formation professionnelle, de la salle de classe et autre lieu de culte…
Tout est gris béton, en attendant les bleu lavande, orange ananas et autre vert moutarde qu’entend appliquer le groupement d’architectes sud-américain Borja Huidobro. Des hauts murs d’enceinte anti-grappins, une unique entrée piétons et véhicules, des portiques de détection et c’est l’atrium…
1. «Faire entrer la lumière»
«L’atrium, c’est un cheminement qui désert les différentes zones de vie de l’établissement, le parloir — donc l’accès sur l’extérieur — le médical, les ateliers… Et on a cette verrière qui permet de faire entrer la lumière», note Sandrine Hello.
2. Unités de vie familiale
Les trois unités de vie, «ce sont des lieux où les condamnés uniquement peuvent rencontrer leur famille une fois par trimestre, pendant 12 à 96 heures. Sous condition et décision pénitentiaire», fait savoir Bertrand Pic. Faute de permissions, ils accueillent femme et enfants dans ces T2 de 45 m2, avec deux chambres équipées de salles de bains, un séjour, sa cuisine américaine. Et une terrasse de 15 m2, mi-caillebotis, mi-jardin.
3. Des douches dans toutes les cellules
Les individuelles font entre 10 et 11,5 m2, les doubles 14. Et 10 m2 dans les quartiers disciplinaires. Ces dernières comme les autres — et c’est une première en France — sont équipées de douches.
Les cellules du centre de détention sont en «régime portes ouvertes. Du matin au soir, les détenus sortent sur leur lieu de vie commune — en plus de la promenade — jusqu’à la limite des grilles de leur unité d’hébergement», explique Mme Hello. «Et ils peuvent s’isoler s’ils le souhaitent», s’enfermer, «sachant que les surveillants ont accès à la cellule à tout moment».
4. Ateliers de travail
«Dix fois 120 m2, plus la salle de formation professionnelle… Le but du travail dans ces ateliers, c’est de préparer la sortie, de leur donner une rémunération, sur la base du Smap, le salaire minimum de l’administration pénitentiaire (inférieur au Smic), et de rembourser les parties civiles.» «Ils devraient être plus de 200.» Le Gepsa se charge notamment «de la restauration — y compris celle du personnel — de la buanderie, du transport, de l’accueil des familles, de la formation professionnelle et du travail». Pour ce dernier, «la recherche lui revient et elle le soumet au chef d’établissement. Il ne faut pas que les gens pensent que c’est une prison privée. On sous-traite», affirme Mme Hello.
5. La vie carcérale, mais pas que…
La vie carcérale s’organise également autour du sport, en salle et sur le stade. Mais aussi de l’enseignement dans une salle de classe. Et autour du lieu de culte, dévolu à toutes les religions.
Danielle Mantel
Repères
Détenus : 690 détenus, hommes, majeurs, dont 300 en centre de détention, 360 à la maison d’arrêt et 30 en places d’accueil. Plus 12 places en quartiers d’isolement et 14 en disciplinaire.
Personnel : 242, dont 170 surveillants. Plus une cinquantaine de personnels médical, paramédical, de l’Éducation nationale, des bénévoles des associations. Et la cinquantaine de salariés des sociétés prestataires.
Bâtiments extérieurs : Sur la gauche, dans deux bâtiments contigus : mess du personnel, locaux de formation, syndicaux et salle polyvalente. Au bout de l’allée : accueil des familles et parking.
Ce qui est fait : Le gros œuvre est achevé, les câbles tirés, le bardage rouge des ateliers et du gymnase de 620 m2.
Ce qui reste à faire : Le chauffage, la peinture, la pose des grilles et de la plupart des portes, la voirie, le parking, le terrain de sport et, en dernier, l’engazonnement entre les cheminements grillagés d’un bâtiment à l’autre. Et l’installation du mobilier.
Livraison : Prévue début août 2009 et ouverture en novembre. Le chantier, démarré en avril 2007, aura duré 25 mois. Budget : 58 millions d’euros TTC.
La parité est respectée à la tête de l’établissement
L’établissement burgien sera dirigé par Bertrand Pic, Lyonnais de 41 ans, marié, deux enfants. Après sa maîtrise de droit à Lyon II, il a passé le concours administratif avant de passer un an en tant qu’élève sous-directeur à l’école de l’administration pénitentiaire de Fleury-Mérogis.
Il a effectué tout son parcours dans ladite administration.
De 1995 à 1999, il a été directeur de la maison d’arrêt de Villefranche.
Puis, de 1999 à 2003, il était chef d’établissement du centre pénitentiaire d’Uzerche, en Corrèze. De 2003 à 2005, il était directeur des ressources humaines, à la direction interrégionale du service pénitentiaire à Lyon, puis secrétaire général.
Il est arrivé sur le site le 1er septembre. De même que Sandrine Hello, directrice adjointe.
Originaire de Hyères, la jeune femme est âgée de 35 ans. Elle est mariée et mère de deux enfants.
Après un DEA de droit, elle a passé le concours d’entrée dans l’administration en 1998. Elle a occupé un premier poste à la Santé à Paris, jusqu’en 2002.
Elle a ensuite travaillé à la détention et aux ressources humaines aux Baumettes, à Marseille, jusqu’en 2008.
Soit dit en passant, les femmes sont bien représentées, avec Sophie Groussolin, également directrice adjointe, qui arrivera dès le mois de janvier.
Enfin, Pascal Picard, chef de détention, est sur le site depuis le 1er octobre.
Le Progrès (édition de l’Ain), 12 novembre 2008.
Suicide en prison : «Éviter la surpopulation»
Selon le docteur Straub, psychiatre au sein de la maison d’arrêt de La Talaudière, la hausse des incarcérations explique, en grande partie, l’augmentation des tentatives de suicide
Comment se déroule l’accueil d’un détenu, à son arrivée en maison d’arrêt ?
Il est systématiquement vu par un membre de l’Unité de Consultation et de Soins ambulatoires (UCSA), qui fait le point sur son état de santé. Il peut ainsi juger si des soins doivent être entrepris. Si cela doit se faire en urgence, c’est une équipe du Samu qui intervient puisque l’UCSA dépend du CHU de Saint-Étienne [Depuis 1994, ce n’est plus l’Administration pénitentiaire (donc le ministère de la Justice) qui prend en charge les soins en prison, mais le CHU (donc le ministère de la Santé)].
Comment fonctionne l’unité de soins de la prison ?
Comme un cabinet médical, avec des infirmiers présents en permanence, et des spécialistes qui interviennent régulièrement (dentiste, orthopédiste, dermatologue). La psychiatrie est la spécialité la plus représentée : un médecin est présent tous les jours.
Pourquoi une présence si importante de cette spécialité ?
Parce qu’il y a de plus en plus de détenus souffrant de problèmes psychiatriques. 6 à 9% des détenus sont d’authentiques psychotiques, alors qu’ils ne représentent que 1% de la population. Mais ces personnes ne devraient pas être en prison, plutôt dans des services spécialisés.
À quoi est due cette surreprésentation des malades en prison ?
À l’évolution de la politique pénale. Depuis quelques années, il y a beaucoup plus d’incarcérations (aussi bien en détention provisoire qu’en condamnations). Et il y a toujours cette peur du fou dangereux, qui fait que les détenus souffrant de troubles psychiatriques sont, en général, plus lourdement condamnés que les autres.
La surpopulation a-t-elle une incidence sur les autres détenus ?
Oui. L’espace clos et le manque d’intimité peuvent être déstabilisants pour des personnes fragiles psychologiquement. Sans parler des rendez-vous «fantômes» (la personne prévue ne vient pas), qui jouent beaucoup sur le moral. Du coup, ces personnes envisagent la tentative de suicide. Non pas pour mettre fin à leurs jours, mais pour mettre fin à une situation qu’ils jugent intolérable.
Cela arrive souvent à la maison d’arrêt de La Talaudière ?
Non, et les statistiques montrent que cela se produit moins souvent que dans d’autres départements. Mais la demande de médicaments est forte, de la part des détenus, pour des situations d’angoisse et de dépression. D’ailleurs, les médicaments contre la psychose représentent le premier poste de dépense de l’unité. Mais nous veillons bien à ce qu’ils ne les prennent qu’en réel cas de besoin, et à ce qu’ils ne deviennent pas dépendants.
Les détenus mineurs sont-ils touchés par le phénomène ?
Quasiment pas : la plupart d’entre eux ont un parcours de délinquant et bénéficient déjà d’un suivi médical.
Propos recueillis par Jean-Hugues Allard
Le Progrès (édition de la Loire), 12 novembre 2008.