Criminalisation de la résistance - L'État invente la répression à retardement

Publié le par la Rédaction

Printemps 2006 en février, les premières manifs s'organisent contre le CPE. Durant l'occupation de la CCI, Chambre de commerce et d'industrie, de la peinture est lancée contre la façade. Cinq types sans brassard, foncent alors dans la manif et arrêtent un camarade qu'ils disent avoir reconnu comme l'auteur des actes. Arrêté à 18 heures, ce n'est que le lendemain matin qu'on lui précise les motifs d'accusation : violences volontaires sur deux agents, rébellion et dégradation de matériels. Les flics ont passé la nuit pour trouver un truc à lui coller. Il passera en comparution immédiate à 17 heures le lendemain. Malgré les déclarations contradictoires de la police et le fait que notre camarade n'a jamais reconnu les faits, il est condamné à 80 heures de TIG, trois mois de sursis et 150 euros de dommages et intérêts, demandés et obtenus par un des deux flics. Les TIG effectués et les 150 euros versés, on aurait pu croire que ça s'arrêterait là.

Mi-septembre 2008, soit deux ans et demi après les faits, l'étudiant reçoit une lettre du FGTI (Fond de garantie des victimes de terrorisme et d'infractions) lui réclamant 3250 euros en remboursement des dommages et intérêts du deuxième flic.

Une explication s'impose : ce second flic, muni d'un certificat médical daté du 20 décembre 2007 (20 mois après les faits), a demandé auprès de la CIVI (Commission d'indemnisation des victimes d'infraction) le 24 avril 2007 un dédommagement des violences subies. La CIVI vérifie que la victime a bien subi un préjudice – ici c'est le jugement de la comparution immédiate. Elle demande alors à l'organisme payeur (FGTI) d'évaluer et de payer le préjudice. Le FGTI fait une proposition en présence de la victime (mais sans la présence de l'accusé) et, s'il y a accord, la CIVI homologue la proposition. Dès lors, et alors que le copain n'a eu a aucun moment ni la possibilité de comparaître, ni celle de contester la réalité et le montant du préjudice, le FGTI verse la somme au flic et se retourne contre le camarade. S'il ne signe pas d'engagement de paiement, le FGTI peut directement lui envoyer les huissiers. Il n'y a pas eu d'erreur judiciaire : la loi prévoit que les procédures d'indemnisation de la CIVI se passent exactement ainsi, et n'offre aucune possibilité de recours contre ce genre de décision.

À notre connaissance, c'est le premier cas de manifestant à qui on réclame ainsi de l'argent pour participation à un mouvement social. Sachant que le délai pour saisir la CIVI est de trois ans après la condamnation, on peut s'inquiéter d'un élargissement de cette procédure de répression à retardement, qui offre l'avantage pour les flics d'empêcher les personnes qu'il accusent de contester quoi que ce soit.

Depuis 1992, l'État s'est doté d'un appareil répressif énorme dont la CIVI fait partie, ce qui est nouveau c'est qu'il commence à l'utiliser. La CIVI a d'abord été créée pour indemniser les victimes du terrorisme et  d'agressions graves. Depuis, la liste des infractions s'est allongée : des voitures brûlées à tous les délits liées aux manifestations, curieusement les préjudices liés à l'amiante ont été expressément retirés de cette liste.

Confédération nationale du Travail
Syndicat de la santé et de l'éducation
de Haute-Garonne, 8 novembre 2008.

Publié dans Solidarité

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