Bientôt un drone dans le ciel des cités agitées
La France est en pointe dans la lutte contre les violences urbaines. Un drone à usage policier a été présenté à l’occasion d’un colloque européen, hier près de Lyon.
Il porte le doux nom d’Elsa. On dirait une modèle réduit du dimanche avec ses ailes en matériaux légers blancs, ses petites hélices. Sous son nez, une boule vitrée abrite une caméra miniature de haute technologie. Et révèle sa vraie fonction : il s’agit d’un drone. Un tout nouvel outil destiné à la police française, dans la lutte contre les violences urbaines. Qui devrait bientôt survoler les citées agitées. Sa mission : renseigner, détecter des mouvements de foules hostiles, éventuellement identifier des fauteurs de troubles, si le vent n’est pas trop fort. À la différence des drones militaires, plus gros, plus autonomes, Elsa ne pèse que 1,2 kg, avec une autonomie de vol de 40 minutes. Pour s’adapter à un environnement à forte densité humaine. La réglementation lui impose moins de 150 mètres d’altitude et deux kilomètres de distance avec sa valise de commandes.
Encore en phase expérimentale, ce drone policier n’a été officiellement utilisé qu’à deux reprises, à Villiers-le-Bel et Strasbourg. Présenté hier, à l’occasion d’un colloque européen sur «les défis des violences urbaines», organisé à l’école des commissaires de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, près de Lyon, Elsa illustre la technicité déployée par la police française en matière de maintien de l’ordre. «Les Français sont en avance en terme d’armes non létales, ce drone pourrait nous intéresser sur la frontière de l’ex-Yougoslavie», estime Santo Ardiacco, officier de liaison italien. Une police championne d’Europe ? «Par la force des choses nous avons une certaine expérience», consent un commissaire lyonnais qui a exercé en banlieue. «Les violences urbaines constituent un phénomène mondial, la France est plus spécialisée, plus avancée», estime Sylvain Brouillette, assistant du directeur de la police de Montréal au Canada où, pour la première fois cet été, la police a subi des tirs lors d’émeutes très violentes.
«Nous utilisons plutôt des hélicoptères avec des caméras plus grandes qui permettent des identifications plus détaillées, le drone est plus silencieux, il n’incite pas à des regroupements», estime Martin Scother, commandant de police à Sheffield en Grande-Bretagne. «Nos interrogations sont communes, en France nous mettons au point des tactiques de terrain, des technologies nouvelles», explique Jacques Meric, de la direction centrale de la sécurité publique, «les autres polices européennes nous apprennent à mieux détecter les signes précurseurs, à nous pencher sur l’analyse, pour savoir pourquoi un phénomène de violences urbaines se déclare, se propage».
«Apprendre aux Français une prévention plus efficace»
Au pays où un chef de la police est viré pour avoir joué au foot avec des délinquants, la prévention pourrait faire figure de gros mot. «La police française est très professionnelle, toute utilisation de la force doit être mesurée en proportion de l’attaque», admet Martin Scother, officier de police à Sheffield. Mais en Grande Bretagne il existe «une différence majeure» dans la lutte contre les violences urbaines : «Nous faisons beaucoup d’actions préventives, d’activités avec des jeunes pour éviter qu’ils ne quittent le droit chemin.» Cet aspect préventif se trouve aussi dans la composition même des effectifs de police, avec une représentation des différentes communautés de la société britannique. «Ce qu’on peut apprendre aux Français c’est peut-être une prévention plus efficace, chez nous la police a une organisation régionale avec un lien très fort et direct avec la population», témoigne Inge Philips, conseillère de sécurité à l’ambassade des Pays-Bas. En France, des conseils locaux de prévention de la délinquance fonctionnent, des unités territoriales de quartiers viennent d’être instaurées, mais la prévention avait perdu du terrain. Même impressionnés par le savoir-faire tactique et technique des Français, les autres pays d’Europe n’oublient pas l’anticipation des crises sociales. «Chaque génération a sa période de violences urbaines, des événements vont se reproduire», est persuadé Martin Scother.
Richard Schittly - Le Progrès de Lyon, 16 octobre 2008.