A fiché, fiche, fichera
C’est la gauche, en 1991, qui a créé l’ancêtre du fichier Edvige des RG. Mais depuis toujours l’État fiche. C’est normal. Pour maintenir l’ordre social il a besoin de savoir, en vue de contrôler et réprimer toutes les déviations, résistances et oppositions. Les développements technologiques ont évidemment rendu plus large, plus facile, plus pénétrant le fichage. Aujourd’hui on est aussi fiché quand on se déplace (Navigo), on se soigne (carte de sécu), par la biométrie (ADN), par l’Internet, les portables, la vidéosurveillance… et demain les nanotechnologies.
Le PS parle de «recul» et Bayrou de «victoire de la démocratie» pour le remaniement d’Edvige, mais ils la ferment sur Cristina au nom de la sécurité nationale. Il n’y a pas de victoire. Divisé, renommé, ce fichier de plus reste.
Cependant, jusqu’ici le sécuritaire était une autoroute pour les gouvernements dans la démagogie électorale. Lois répressives, réaménagement urbain, fichage génétique, peines planchers… tout passait sans gros accroc. Mais derrière la tempête médiatique il y a du nouveau. Pour la première fois depuis longtemps «l’insécurité» paye moins. Les politiciens s’agitent parce qu’ils ressentent un ras-le-bol populaire. Les signatures massives contre Edvige révèlent que face aux réalités quotidiennes de la population (spéculation immobilière, chômage, salariat précaire et abrutissant, isolement…) une idée positive commencerait à frayer son chemin : le tout sécuritaire n’est pas une solution à la misère, mais au contraire l’outil pour la perpétuer. Ce mécontentement est encore diffus, sans expression politique claire, mais il est porteur d’espoir. Et ça ne traîne pas. Chez Renault à Sandouville, les ouvriers en grève ont empêché Sarkozy de faire son baratin. Il a dû envoyer 200 gardes mobiles à l’intérieur de l’usine pour les refouler.
Police vs antifascisme
Depuis début septembre, la police est aux trousses de l’antifascisme radical parisien. Déjà six personnes interrogées, quatre placées en garde à vue et deux perquisitions, le tout hors du cadre judiciaire. Tout se passe dans le secret policier (enquête «préliminaire»), sans même que soient assurés les droits de la défense liés à une procédure judiciaire : l’avocat n’a pas accès au dossier, et rien ne vient contrôler l’action policière. Voilà qui inaugure la réforme des renseignements version contre-espionnage, où le militantisme est assimilé au terrorisme ou au grand banditisme, et traité selon les procédures qui leur sont «normalement» réservées. Tout comme les projets de fichage généralisé, ces négations des libertés individuelles et civiques marquent le grand retour de la police politique visant à éradiquer l’autonomie des luttes.
Résistons ensemble no 68, octobre 2008
Contre les violences policières et sécuritaires.