Le parquet veut révoquer la semi-liberté de Jean-Marc Rouillan
Le parquet de Paris a demandé la révocation du régime de semi-liberté accordé à l’ex-activiste d’Action directe Jean-Marc Rouillan, à la suite de déclarations qu’il a faites à l’hebdomadaire L’Express.
L’ancien membre du groupe armé d’extrême gauche était sorti de prison le 17 décembre 2007 après 20 ans d’incarcération.
«Le parquet de Paris a demandé la révocation du régime de semi-liberté dont bénéficiait M. Rouillan (…) en raison de la teneur de ses propos», a déclaré un porte-parole du procureur général de Paris.
Un juge d’application des peines de Paris, qui n’est pas contraint de suivre le procureur, prendra la décision finale, après une audience qui se tiendra dans une dizaine de jours. S’il reste en semi-liberté, Jean-Marc Rouillan pourrait obtenir un régime de libération conditionnelle totale en décembre.
Ancien «ennemi public numéro un», arrêté en février 1987 avec trois autres membres d’Action directe, Jean-Marc Rouillan avait été condamné en 1989 à la réclusion criminelle à perpétuité, dont 18 ans de peine de sûreté incompressible.
Il avait été reconnu coupable de «complicité d’assassinats» de l’ingénieur général de l’armement René Audran en 1985 et du P-DG de Renault Georges Besse en 1986.
Depuis sa sortie de prison, Jean-Marc Rouillan travaille comme secrétaire de rédaction chez un éditeur marseillais, qui a publié ses trois livres, et dort chaque nuit en prison.
Il s’est vu interdire «toute intervention publique relative aux infractions» pour lesquelles il a été condamné. Il a en outre obligation de verser 30% de son salaire à un Fonds de garantie pour solder les sanctions et indemnités ordonnées par la justice.
Parti de Besancenot
Dans l’entretien accordé à L’Express, à paraître jeudi, il dit : «Je n’ai pas le droit de m’exprimer là-dessus… Mais le fait que je ne m’exprime pas est une réponse. Car il est évident que, si je crachais sur tout ce qu’on avait fait, je pourrais m’exprimer. Par cette obligation de silence, on empêche aussi notre expérience de tirer son vrai bilan critique.»
Jean-Marc Rouillan estime que le parquet porte atteinte à sa liberté de parole. «Si, après 20 ans de prison, on doit me coller une “perpète” pour ce que j’ai affirmé dans cette interview, cela en dira long sur l’état de la liberté de parole en France», dit-il, sur le site Internet l’express.fr.
Peu avant l’annonce du parquet, le porte-parole du gouvernement, Luc Chatel, avait condamné les premiers propos. «J’ai une pensée pour Georges Besse et sa famille, pour le général Audran et sa famille. On ne peut oublier le mal qui a été fait. Ces propos me choquent», a-t-il dit.
L’objet général de l’entretien à L’Express est la décision de Jean-Marc Rouillan d’adhérer au Nouveau parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot. «En tant que communiste, je reste convaincu que la lutte armée à un moment du processus révolutionnaire est nécessaire», dit-il.
«Je peux faire peur à beaucoup de monde… À notre première rencontre, j’ai prévenu (Olivier) Besancenot : “Ma présence peut faire du bordel. Réfléchissez, vous pouvez dire non”… Il m’a dit que c’était réfléchi et qu’ils étaient d’accord», dit-il.
Deux des trois autres membres d’Action directe arrêtés avec lui en 1987 ont été libérés.
En 2007, Nathalie Ménigon, atteinte de troubles vasculaires cérébraux, a obtenu un régime de semi-liberté, devenu une liberté conditionnelle complète en août dernier. Jean-Marc Rouillan l’avait épousée en prison et dit à L’Express l’avoir revue dernièrement.
Joëlle Aubron, atteinte d’une tumeur au cerveau, a été libérée le 16 juin 2004. Elle est morte le 1er mars 2006.
Georges Cipriani est toujours en prison.
Thierry Lévêque et Clément Dossin, édité par Gilles Trequesser
Reuters, 1er octobre 2008.