Vive la belle ! en Rhône-Alpes comme ailleurs
Assises du Rhône :
Des armes de guerre à l’aérodrome
Lakhdar Medjou a toujours un stylo à la main. Il griffonne parfois quelques notes sur des dossiers, bien rangés dans deux pochettes. Il coche aussi le nom des témoins lors de leur passage à la barre. Discipliné, l’enfant de Marseille aurait presque le profil de l’accusé modèle. Précis dans ses réponses, attentif, il a même hier, par son accent chantant du Sud, quelque peu égayé les débats qui se sont prolongés bien au-delà du coucher du soleil.
Jugé jusqu’à vendredi par la cour d’assises du Rhône pour un projet d’évasion, visant la prison de Villefranche à l’été 2005, Medjou n’a néanmoins pas oublié les codes de son rang. Il a prévenu d’emblée : il ne dénoncera personne. Pas même ces trois voisins de bancs, originaires comme lui des bords de la Méditerranée, poursuivis pour avoir tenté le 4 juillet d’extraire par les airs un mystérieux détenu.
Le défilé hier de dix témoins, appartenant à l’environnement proche de l’aérodrome de Frontenas où a eu lieu le détournement de l’hélicoptère, a permis d’éclaircir le rôle de chacun. Sauf pour Rachid Messous qui a refusé de s’exprimer. D’après l’audition des autres membres présumés, le commando s’est partagé la tâche. Medjou a expliqué avoir garé une moto à Anse. «À quoi devait-elle servir ?» lui demande le président François Martin. «C’était pour ramener le détenu jusqu’à la gare de Perrache», indique-t-il.
Non loin de la piste, des voitures, une Audi A6 et une Peugeot 307, avaient été stationnées pour déguerpir le plus vite possible. À bord de l’une d’elles, il y a Moëz Hamdaoui, qui ignore, avoue-t-il, dans quel guêpier il s’est fourré. «Je ne savais pas à quoi le véhicule servait. Je devais rester à l’intérieur. J’étais passager, le conducteur m’a dit qu’on attendait des gens et qu’on était chargé de les ramener.»
L’attaque de l’aérodrome a été synchronisée peu après 20 heures 30. Il fait encore jour. Sur le tarmac, il y a au moins trois malfaiteurs «cagoulés et armés», a affirmé hier un témoin. «Où vous trouviez-vous M. Medjou ?» «J’étais dans le hangar, j’ai aidé à sortir l’hélico et je me suis placé à l’arrière droit.» Le pilote, qui préparait un baptême de l’air, est à ce moment-là séquestré. De l’aveu de Frédéric Monteiro, c’est lui qui, Kalachnikov et pistolet bien en vue, le convainc de les conduire jusqu’à la prison de Villefranche. «Je tenais le pilote par l’épaule et je me suis mis à côté de lui dans l’appareil. Mon rôle, c’était de rester avec lui et éviter qu’il parte.» L’expédition va avorter au bout de cinq minutes. La prison dispose de filins anti-hélicoptère. Impossible de se poser dans la cour. L’équipage se rabat sur un des toits, mais la présence de «tuyauterie» empêche tout atterrissage. «M. Medjou, vous êtes quand même descendu ?» «Oui. Mais je suis remonté tout de suite, en voyant les surveillants s’agiter et les gyrophares. On est alors reparti.»
Assises du Rhône :
«Les balles sifflaient au-dessus de ma tête»
À ce moment, l’hélicoptère, détourné de l’aérodrome de Frontenas, atterrissait dans un champ près de Pommiers, après l’échec de l’opération. «Une silhouette est descendue de l’appareil. Il y a eu ensuite des coups de feu, cinq ou six, par à coups, on s’est alors tous barricadés chez nous», ont déclaré hier plusieurs habitants d’Anse.
Pause d’un quart d’heure. Enfin, la scène peut reprendre. Question du président Martin à un témoin : «Qu’avez-vous exactement vu en prenant vos jumelles ?» «Une personne agenouillée, à côté de l’hélicoptère, avec les mains dans le dos. Il y avait aussi un homme allongé dans l’herbe avec à côté de lui une personne avec un revolver.» L’individu courbé, les mains entravées, c’est le pilote retenu en otage. Les deux autres sont le policier Jérémy Clément interpellant Lakhdar Medjou, l’un des quatre membres présumés du commando. Son arrestation n’a pas été de tout repos. Clément raconte : «L’hélicoptère était posé, j’ai vu deux individus, j’en ai poursuivi un. Il s’est retourné, le bras armé tendu vers moi, j’ai tiré une fois pour me défendre.» Medjou n’est pas atteint. Il est intercepté, son Glock 9 mm et un chargeur découverts à proximité. La fusillade va éclater à ce moment. «J’ai entendu les balles siffler au-dessus de ma tête. Je me suis baissé, mais je n’ai pas vu le tireur.»
Les tirs proviennent d’une Kalachnikov calibre 5.45. C’est une arme de guerre, «létale à cette portée», a indiqué hier un expert en balistique. Cinq douilles perforées ont été retrouvées à une quarantaine de mètres. Me Bernard Ripert, l’avocat de Rachid Messous, à qui l’on reproche ces coups de feu, se gratte la barbe. «Mais M. Clément, le tireur pouvait-il vous voir ? Les herbes hautes du champ ne vous cachaient-elles pas à ce moment ?» «Si c’est possible. Mais c’est moi qu’on visait», a reconnu le policier.
Si Medjou est appréhendé, où sont les trois autres ? Selon leurs aveux, Hamdaoui était dans une Peugeot 307, prêt à partir. Monteiro «a pris (ses) jambes» à son cou et détalé à travers champ pour rejoindre l’Audi A6. Et Messous ? A-t-il tiré pour couvrir sa fuite ? «Je ne sais pas qui a tué le colonel Moutarde ?», a-t-il répondu au président, qui l’interrogeait sur les résidus de poudre retrouvés sur une cagoule, portant son ADN.
Assises du Rhône :
De cinq à treize ans de prison pour le commando
La cour d’assises du Rhône a condamné hier Rachid Messous à 13 ans de réclusion criminelle pour sa participation à l’évasion manquée de la prison de Villefranche le 4 juillet 2005. Les trois autres membres du commando armé, Lakhdar Medjou, Frédéric Monteiro et Moëz Hamdaoui, qui avaient pris part à l’opération héliportée, ont écopé respectivement de 10, 8 et 5 ans de prison. Au dernier jour du procès, la défense s’est appliquée à tordre le cou de l’accusation. «Non, ces quatre-là n’appartenaient pas à un commando guerrier. L’hélicoptère était en surcharge, ils ne savaient pas où était la prison et qu’elle disposait de filins. L’opération était vouée à l’échec», ont modéré Mes Perrin et Minodier. Décrits comme des «soldats», des «petites mains» auxquelles on a confié un «projet irréalisable», ils ont été recrutés par un mystérieux commanditaire pour faire s’évader «sans doute Pascal Payet», a reconnu la défense. Pas du côté des plus forts, ils ont respecté la loi carcérale à la lettre, apprise par cœur lors de leur séjour à la prison de Salon-de-Provence. Avaient-ils les épaules pour mener à bien ce projet ? Ils avaient en tout cas la puissance de feu, «mais évidemment pour intimider, pas pour tirer. Mon client n’est pas un tueur», a insisté Me Vouland pour Medjou. «Ils sont ancrés dans la délinquance, pas dans la grande criminalité.» Pièce après pièce, Me Ripert a démonté l’armature criminelle du dossier. «Messous n’est coupable de rien. Il n’a pas visé le policier, celui-ci était caché par les herbes hautes. Cette infraction est bidon», a-t-il lancé, obtenant l’acquittement. Et de conclure sur le motif du projet, né «d’une solidarité et d’une amitié». «Il a risqué sa vie et sa liberté pour un ami qui souffrait en prison.»
Évasion d’Aiton :
«Un hélicoptère est arrivé, je suis monté dedans»
Le premier jour de cette audience sous haute surveillance a donné le ton du procès, qui s’achèvera vendredi : les évadés ont profité d’une opportunité, les organisateurs présumés de l’évasion n’ont rien à voir avec cette opération risquée. Le 10 décembre 2005, à 15 heures 12, un hélicoptère détourné par deux hommes armés se pose dans la cour de la prison d’Aiton. Trois détenus montent à bord de l’appareil qui redécolle onze secondes plus tard. L’opération est parfaitement élaborée, la cavale des évadés sera brève pour deux d’entre eux, un peu plus longue pour le troisième. Le Lyonnais Mohamed Bessame et le doyen de l’équipe Hubert Selles sont arrêtés en janvier 2006, Jean-Claude Moretti en octobre 2007. Ils sont sur le banc des prévenus, aux côtés de Patrick Mabel, soupçonné d’avoir participé au détournement de l’hélicoptère en compagnie d’un complice non identifié, de Christophe Donini et du jeune Anthony Baggiossi, qui auraient préparé l’opération. Face aux questions du président Beurton, les évadés ont fait preuve d’une belle unanimité : aucun d’entre eux n’a commandité l’évasion. Mohamed Bessame, détenu pour trafic de stupéfiants, et dont le nom est apparu au cours de l’instruction comme l’instigateur potentiel de l’opération est catégorique. Cet homme de 32 ans, qui n’a passé que quatre ans en liberté depuis ses seize ans est catégorique : «Je n’étais pas au courant de l’évasion, j’étais en promenade, y a un hélicoptère qui est venu, je suis monté dedans.» Même version pour Hubert Selles, 65 ans et un lourd passé judiciaire, et Jean-Claude Moretti, 31 ans.
Christophe Donini, lui, a réponse à tout. Certes, il a conduit les deux membres du commando jusqu’à l’héliport, mais il ne se doutait pas de leurs intentions. Il élude certaines questions, lance un trait d’humour et semble agacer le président et le procureur Cédric Cabut. Quant à Anthony Baggiossi, «le petit», qui l’accompagnait lors de ce trajet, il revient sur la plupart de ses déclarations. Bredouillant, il explique qu’il croyait participer à l’évasion de son frère, lui aussi détenu à Aiton. Il baisse la tête quand «Monsieur Donini» affirme qu’il a mal compris. Patrick Mabel, qu’on a peu entendu hier, a tout juste reconnu un petit négoce de téléphones portable mais il est formel : «Je n’ai pas participé à cette opération.»
Tribunal correctionnel de Lyon :
Les trois évadés d’Aiton condamnés
À l’issue d’une semaine de débats «très intenses et tendus» selon plusieurs participants, les trois évadés d’Aiton, qui s’étaient fait la belle en hélicoptère le 10 décembre 2005, Hubert Selles, 65 ans, Jean-Claude Moretti, 31 ans, Mohamed Bessame, 32 ans, ont été condamnés hier à des peines respectives de 4, 5 et 6 ans d’emprisonnement ferme, conformément aux réquisitions du parquet. En revanche, Christophe Donini, 45 ans, accusé d’avoir effectué des repérages pour le commando qui avait pris en otage un pilote, a écopé de 5 ans, contre 9 ans requis. Enfin, le tribunal correctionnel de Lyon a prononcé une relaxe partielle en faveur de Patrick Mabel, 31 ans, qui a fourni un alibi jugé sérieux. Exit sa participation au commando, il a été condamné à 4 ans de prison pour avoir fourni un stock de puces téléphoniques utilisées dans l’opération.
Des armes de guerre à l’aérodrome
Peu avant la tentative d’évasion menée à la prison de Villefranche, les quatre membres présumés du commando avaient détourné un hélicoptère à l’aérodrome de Frontenas.
Lakhdar Medjou a toujours un stylo à la main. Il griffonne parfois quelques notes sur des dossiers, bien rangés dans deux pochettes. Il coche aussi le nom des témoins lors de leur passage à la barre. Discipliné, l’enfant de Marseille aurait presque le profil de l’accusé modèle. Précis dans ses réponses, attentif, il a même hier, par son accent chantant du Sud, quelque peu égayé les débats qui se sont prolongés bien au-delà du coucher du soleil.
Jugé jusqu’à vendredi par la cour d’assises du Rhône pour un projet d’évasion, visant la prison de Villefranche à l’été 2005, Medjou n’a néanmoins pas oublié les codes de son rang. Il a prévenu d’emblée : il ne dénoncera personne. Pas même ces trois voisins de bancs, originaires comme lui des bords de la Méditerranée, poursuivis pour avoir tenté le 4 juillet d’extraire par les airs un mystérieux détenu.
Le défilé hier de dix témoins, appartenant à l’environnement proche de l’aérodrome de Frontenas où a eu lieu le détournement de l’hélicoptère, a permis d’éclaircir le rôle de chacun. Sauf pour Rachid Messous qui a refusé de s’exprimer. D’après l’audition des autres membres présumés, le commando s’est partagé la tâche. Medjou a expliqué avoir garé une moto à Anse. «À quoi devait-elle servir ?» lui demande le président François Martin. «C’était pour ramener le détenu jusqu’à la gare de Perrache», indique-t-il.
Non loin de la piste, des voitures, une Audi A6 et une Peugeot 307, avaient été stationnées pour déguerpir le plus vite possible. À bord de l’une d’elles, il y a Moëz Hamdaoui, qui ignore, avoue-t-il, dans quel guêpier il s’est fourré. «Je ne savais pas à quoi le véhicule servait. Je devais rester à l’intérieur. J’étais passager, le conducteur m’a dit qu’on attendait des gens et qu’on était chargé de les ramener.»
L’attaque de l’aérodrome a été synchronisée peu après 20 heures 30. Il fait encore jour. Sur le tarmac, il y a au moins trois malfaiteurs «cagoulés et armés», a affirmé hier un témoin. «Où vous trouviez-vous M. Medjou ?» «J’étais dans le hangar, j’ai aidé à sortir l’hélico et je me suis placé à l’arrière droit.» Le pilote, qui préparait un baptême de l’air, est à ce moment-là séquestré. De l’aveu de Frédéric Monteiro, c’est lui qui, Kalachnikov et pistolet bien en vue, le convainc de les conduire jusqu’à la prison de Villefranche. «Je tenais le pilote par l’épaule et je me suis mis à côté de lui dans l’appareil. Mon rôle, c’était de rester avec lui et éviter qu’il parte.» L’expédition va avorter au bout de cinq minutes. La prison dispose de filins anti-hélicoptère. Impossible de se poser dans la cour. L’équipage se rabat sur un des toits, mais la présence de «tuyauterie» empêche tout atterrissage. «M. Medjou, vous êtes quand même descendu ?» «Oui. Mais je suis remonté tout de suite, en voyant les surveillants s’agiter et les gyrophares. On est alors reparti.»
Arnaud Guiguitant
Le Progrès (édition du Rhône), 24 septembre 2008.
Assises du Rhône :
«Les balles sifflaient au-dessus de ma tête»
Qui n’a jamais été agacé par une interruption publicitaire au beau milieu d’un film télévisé ? Pendant une scène d’action, à suspense, coupée nette par des bandes-annonces ? Hier, à la cour d’assises du Rhône, le récit de la fusillade éclatant après la tentative d’évasion à la prison de Villefranche en juillet 2005, a été stoppé brutalement par une suspension d’audience.
À ce moment, l’hélicoptère, détourné de l’aérodrome de Frontenas, atterrissait dans un champ près de Pommiers, après l’échec de l’opération. «Une silhouette est descendue de l’appareil. Il y a eu ensuite des coups de feu, cinq ou six, par à coups, on s’est alors tous barricadés chez nous», ont déclaré hier plusieurs habitants d’Anse.
Pause d’un quart d’heure. Enfin, la scène peut reprendre. Question du président Martin à un témoin : «Qu’avez-vous exactement vu en prenant vos jumelles ?» «Une personne agenouillée, à côté de l’hélicoptère, avec les mains dans le dos. Il y avait aussi un homme allongé dans l’herbe avec à côté de lui une personne avec un revolver.» L’individu courbé, les mains entravées, c’est le pilote retenu en otage. Les deux autres sont le policier Jérémy Clément interpellant Lakhdar Medjou, l’un des quatre membres présumés du commando. Son arrestation n’a pas été de tout repos. Clément raconte : «L’hélicoptère était posé, j’ai vu deux individus, j’en ai poursuivi un. Il s’est retourné, le bras armé tendu vers moi, j’ai tiré une fois pour me défendre.» Medjou n’est pas atteint. Il est intercepté, son Glock 9 mm et un chargeur découverts à proximité. La fusillade va éclater à ce moment. «J’ai entendu les balles siffler au-dessus de ma tête. Je me suis baissé, mais je n’ai pas vu le tireur.»
Les tirs proviennent d’une Kalachnikov calibre 5.45. C’est une arme de guerre, «létale à cette portée», a indiqué hier un expert en balistique. Cinq douilles perforées ont été retrouvées à une quarantaine de mètres. Me Bernard Ripert, l’avocat de Rachid Messous, à qui l’on reproche ces coups de feu, se gratte la barbe. «Mais M. Clément, le tireur pouvait-il vous voir ? Les herbes hautes du champ ne vous cachaient-elles pas à ce moment ?» «Si c’est possible. Mais c’est moi qu’on visait», a reconnu le policier.
Si Medjou est appréhendé, où sont les trois autres ? Selon leurs aveux, Hamdaoui était dans une Peugeot 307, prêt à partir. Monteiro «a pris (ses) jambes» à son cou et détalé à travers champ pour rejoindre l’Audi A6. Et Messous ? A-t-il tiré pour couvrir sa fuite ? «Je ne sais pas qui a tué le colonel Moutarde ?», a-t-il répondu au président, qui l’interrogeait sur les résidus de poudre retrouvés sur une cagoule, portant son ADN.
Arnaud Guiguitant
Le Progrès (édition du Rhône), 25 septembre 2008.
Assises du Rhône :
De cinq à treize ans de prison pour le commando
La cour d’assises du Rhône a condamné hier Rachid Messous à 13 ans de réclusion criminelle pour sa participation à l’évasion manquée de la prison de Villefranche le 4 juillet 2005. Les trois autres membres du commando armé, Lakhdar Medjou, Frédéric Monteiro et Moëz Hamdaoui, qui avaient pris part à l’opération héliportée, ont écopé respectivement de 10, 8 et 5 ans de prison. Au dernier jour du procès, la défense s’est appliquée à tordre le cou de l’accusation. «Non, ces quatre-là n’appartenaient pas à un commando guerrier. L’hélicoptère était en surcharge, ils ne savaient pas où était la prison et qu’elle disposait de filins. L’opération était vouée à l’échec», ont modéré Mes Perrin et Minodier. Décrits comme des «soldats», des «petites mains» auxquelles on a confié un «projet irréalisable», ils ont été recrutés par un mystérieux commanditaire pour faire s’évader «sans doute Pascal Payet», a reconnu la défense. Pas du côté des plus forts, ils ont respecté la loi carcérale à la lettre, apprise par cœur lors de leur séjour à la prison de Salon-de-Provence. Avaient-ils les épaules pour mener à bien ce projet ? Ils avaient en tout cas la puissance de feu, «mais évidemment pour intimider, pas pour tirer. Mon client n’est pas un tueur», a insisté Me Vouland pour Medjou. «Ils sont ancrés dans la délinquance, pas dans la grande criminalité.» Pièce après pièce, Me Ripert a démonté l’armature criminelle du dossier. «Messous n’est coupable de rien. Il n’a pas visé le policier, celui-ci était caché par les herbes hautes. Cette infraction est bidon», a-t-il lancé, obtenant l’acquittement. Et de conclure sur le motif du projet, né «d’une solidarité et d’une amitié». «Il a risqué sa vie et sa liberté pour un ami qui souffrait en prison.»
A.G.
Le Progrès (édition du Rhône), 27 septembre 2008.
* * *
Évasion d’Aiton :
«Un hélicoptère est arrivé, je suis monté dedans»
Hasard du calendrier judiciaire lyonnais, les évadés de la prison d’Aiton (Savoie) et leurs complices présumés comparaissent depuis hier devant le tribunal correctionnel, au moment même où le commando de la prison de Villefranche est jugé aux assises.
Le premier jour de cette audience sous haute surveillance a donné le ton du procès, qui s’achèvera vendredi : les évadés ont profité d’une opportunité, les organisateurs présumés de l’évasion n’ont rien à voir avec cette opération risquée. Le 10 décembre 2005, à 15 heures 12, un hélicoptère détourné par deux hommes armés se pose dans la cour de la prison d’Aiton. Trois détenus montent à bord de l’appareil qui redécolle onze secondes plus tard. L’opération est parfaitement élaborée, la cavale des évadés sera brève pour deux d’entre eux, un peu plus longue pour le troisième. Le Lyonnais Mohamed Bessame et le doyen de l’équipe Hubert Selles sont arrêtés en janvier 2006, Jean-Claude Moretti en octobre 2007. Ils sont sur le banc des prévenus, aux côtés de Patrick Mabel, soupçonné d’avoir participé au détournement de l’hélicoptère en compagnie d’un complice non identifié, de Christophe Donini et du jeune Anthony Baggiossi, qui auraient préparé l’opération. Face aux questions du président Beurton, les évadés ont fait preuve d’une belle unanimité : aucun d’entre eux n’a commandité l’évasion. Mohamed Bessame, détenu pour trafic de stupéfiants, et dont le nom est apparu au cours de l’instruction comme l’instigateur potentiel de l’opération est catégorique. Cet homme de 32 ans, qui n’a passé que quatre ans en liberté depuis ses seize ans est catégorique : «Je n’étais pas au courant de l’évasion, j’étais en promenade, y a un hélicoptère qui est venu, je suis monté dedans.» Même version pour Hubert Selles, 65 ans et un lourd passé judiciaire, et Jean-Claude Moretti, 31 ans.
Christophe Donini, lui, a réponse à tout. Certes, il a conduit les deux membres du commando jusqu’à l’héliport, mais il ne se doutait pas de leurs intentions. Il élude certaines questions, lance un trait d’humour et semble agacer le président et le procureur Cédric Cabut. Quant à Anthony Baggiossi, «le petit», qui l’accompagnait lors de ce trajet, il revient sur la plupart de ses déclarations. Bredouillant, il explique qu’il croyait participer à l’évasion de son frère, lui aussi détenu à Aiton. Il baisse la tête quand «Monsieur Donini» affirme qu’il a mal compris. Patrick Mabel, qu’on a peu entendu hier, a tout juste reconnu un petit négoce de téléphones portable mais il est formel : «Je n’ai pas participé à cette opération.»
Christine Mérigot
Le Progrès (édition du Rhône), 24 septembre 2008.
Tribunal correctionnel de Lyon :
Les trois évadés d’Aiton condamnés
À l’issue d’une semaine de débats «très intenses et tendus» selon plusieurs participants, les trois évadés d’Aiton, qui s’étaient fait la belle en hélicoptère le 10 décembre 2005, Hubert Selles, 65 ans, Jean-Claude Moretti, 31 ans, Mohamed Bessame, 32 ans, ont été condamnés hier à des peines respectives de 4, 5 et 6 ans d’emprisonnement ferme, conformément aux réquisitions du parquet. En revanche, Christophe Donini, 45 ans, accusé d’avoir effectué des repérages pour le commando qui avait pris en otage un pilote, a écopé de 5 ans, contre 9 ans requis. Enfin, le tribunal correctionnel de Lyon a prononcé une relaxe partielle en faveur de Patrick Mabel, 31 ans, qui a fourni un alibi jugé sérieux. Exit sa participation au commando, il a été condamné à 4 ans de prison pour avoir fourni un stock de puces téléphoniques utilisées dans l’opération.
Le Progrès (édition du Rhône), 27 septembre 2008.