Si les religions n'existaient pas, le pouvoir les inventerait

Publié le par la Rédaction


Du 12 au 14 septembre dernier, Joseph Ratzinger, qui se fait appeler Sa Sainteté le pape Benoît XVI, est venu honorer la France de sa présence [Au jour où nous rédigeons cet article, la visite n’a pas encore eu lieu]. Occasion pour les anarchistes de renouveler leur anticléricalisme et leur athéisme, plus que jamais d’actualité. Au delà du seul catholicisme et de son chef, ce sont non seulement toutes les religions, mais aussi toutes les croyances que nous fustigeons.

Des religions en progression dans le monde

Durant le règne de Jean-Paul II, le nombre de personnes se déclarant catholiques a chuté de 25%, tandis que seulement 4,5% de français-e-s sont considéré-es pratiquant-es, c
est-à-dire allant une fois par semaine à la messe [Source : sondage IFOP pour La Croix, Le catholicisme en France en 2006, juillet 2006]. Raison de plus pour raviver la flamme sacrée là où les impies ne sont que trop nombreux ! Si le christianisme traditionnel nest plus en odeur de sainteté en France, il augmente considérablement en Amérique latine et les déçus du protestantisme à laméricaine se tournent désormais vers dautres sectes, tout aussi dangereuses, tels les mormons, les adventistes, etc. LAfrique, que les missionnaires européens se sont échinés à faire sortir de lobscurantisme (sic) quest lanimisme, ne reconnaît plus les siens puisque ses habitants se tournent désormais massivement vers un islam importé du Moyen-Orient. LAsie reste partagée entre un hindouisme régisseur dune société ultra-inégalitaire, un islam ici aussi en progression et un bouddhisme superstitieux. Ce même bouddhisme est en vogue sur lensemble du vieux continent, tant pour son aspect extérieur «non-religieux» que pour son mysticisme pourvoyeur de bonheur pour cadres stressés.

Les religions, outils de domination et prête-noms de la barbarie

Les trois religions abrahamiques [Christianisme, judaïsme et islam se réclament issus d
un patriarche originel commun : Abraham] se basent sur une application des préceptes divins, curieusement ajoutés par divers humains dirigeants au cours des siècles. Il nempêche que lorsque certains écrits sont incompatibles avec leurs fins, les garants du dogme sarrangent avec les textes pour fournir «la» lecture juste. Les commandements originels [Ceux délivrés par Dieu à Moïse dans lAncien Testament, affirmant que la représentation de Dieu est interdite] affirmant que lon ne doit pas tuer ou se prosterner devant une représentation de Dieu sont relativement peu appliqués. Ainsi, lInquisition sest fort bien accommodée des 10 commandements en considérant les hérétiques comme des créatures sataniques non-humaines.

Les religieux éclairés balaient, souvent à juste titre dans le monde moderne, les accusations portant sur le bellicisme des religions, qu
ils attribuent aux politiciens instrumentalisant leur culte. En effet, de tous temps, les chefs politiques se servent de la religion soit pour parvenir au pouvoir soit pour sy maintenir. Ainsi, les guerres dites de religion, dont la majorité concerne aujourdhui les branches de lislam issues du premier schisme musulman (sunnisme et chiisme), ne sont que lutilisation de divergences anciennes [Le premier schisme de lislam est issu dune guerre de succession à la mort de Mahomet] pour asseoir une domination sur une population.

Les religions, systèmes hiérarchisés

«Mais pourquoi êtes-vous encore contre les religions, la république est laïque désormais ?!»

Tout d
abord, la laïcité, tout au moins lun des points de la loi de 1905 affirmant que l’État ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte, nest assurément pas respectée. Cette loi prévoit lexception dun financement pour permettre le libre exercice du culte dans les écoles, collèges, lycées. Or, seuls les catholiques bénéficient réellement de cette disposition, ce qui revient à la reconnaissance dun culte premier, contradictoire avec larticle 2 de ladite loi. Ensuite, les présidents de la Ve République, tous catholiques, ont affiché clairement leur pratique religieuse et lont reliée à leur fonction de chef d’État. Dune part en acceptant le titre de chanoine dhonneur [Pratique remontant à 1604 sous le règne dHenri IV, fraîchement (re)converti au catholicisme] de la basilique Saint-Paul de Latran à Rome, dautre part en se rendant publiquement à léglise. La réception courante des papes, Benoît XVI étant le dernier en date, entretient le flou, même sil est chef d’État, chef des armées vaticanes, etc.

Dans un second temps, l
opposition des anarchistes aux religions réside dans leur refus catégorique de la hiérarchie et de lautorité, piliers des religions. Si chaque religion a un fonctionnement différent nincluant pas forcément un chef suprême, lallégeance à une entité supérieure est systématique. Elle se base clairement sur lobéissance à Dieu (ou aux dieux), dont on craint soit la sanction terrestre, soit la sanction dans la vie dite «de lau-delà». Les trois religions du Livre sont ainsi fondées sur lAncien Testament, lequel relate le courroux dun Dieu destructeur nhésitant pas à tuer ou faire tuer ceux qui le conspuent. Ainsi, lorsque David terrasse le géant Goliath [La Bible de Jérusalem, 1 Samuel, chapitre 17], cest le bras armé de Dieu qui punit les païens ne reconnaissaient pas lunicité du Dieu dIsraël. Le bouddhisme est bien une religion avec ses superstitions et son obéissance, au Dalaï-Lama, dans le cas de la branche tibétaine.

Les croyances, liberté de conscience ?

Toujours dans la loi de 1905, l
’État accorde la liberté de conscience à ses sujets. Bien. De fait chacun-e peut penser comme bon lui semble. Cela nempêche nullement de combattre les idées qui nous semblent incompatibles avec une société égalitaire. Beaucoup de personnes se déclarent croyantes mais ne souhaitent appartenir à aucune religion. Même sans hiérarchie institutionnelle, une entité supérieure est bien présente pour diriger leur vie. Le concept de lexistence dun être créateur tout-puissant (Dieu), au-delà de son incohérence structurelle, permet dexpliquer beaucoup de choses, par le prisme du divin. Ainsi, le handicap, la pauvreté et autres maux sont le fait de Dieu, soit par punition dune mauvaise action, soit par une mise à lépreuve. Lhomme beau, riche, intelligent, avec du pouvoir nest pas gêné par celui qui est en bas de léchelle sociale, puisque cest la volonté divine. Croire, cest donc sen remettre à une puissance pour la conduite de sa propre vie. On observe aussi des croyants qui militent et dont la croyance est justement lorigine du militantisme. Par charité, ils ont investi la sphère de laide, louable bien quelle ne remette nullement en cause lordre établi. Par exemple, les cathos de gauche peuvent prendre fait et cause pour les sans-papiers, en les aidant mais ne vont pas sattaquer à lorigine de linégalité : lexistence de frontières.

Soyons ouverts et tolérants : combattons aussi l’islam et le judaïsme !

En France, l’extrême-gauche et les libertaires sont souvent prompts à critiquer le christianisme au détriment des autres religions. Si le culte de la croix est celui que nous connaissons le mieux, il n
en demeure pas moins dommageable de ne pas opposer la même virulence envers lislam, le judaïsme ou le bouddhisme, pour ne citer queux. La critique du judaïsme est ardue suite aux atrocités commises par le régime nazi. Pourtant, la notion de peuple élu, légitimant le sionisme et la conquête dIsraël sont forts contestables. Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, le judaïsme est inégalitaire, sexiste, obscurantiste, de même que lislam. Au nom de la liberté de culte, légitime en soi, ou de la tolérance, des militants ont souvent tendance à défendre les pratiques de lislam, ou tout du moins à ne pas sinsurger contre elles. Oui, imposer cinq prières par jour, le voile, le ramadan et autres pélerinages est liberticide, et ne favorise pas lémancipation.

Il ny a pas de religion à visage humain.

Benoît Guerrée, groupe de Montpellier
Infos & analyses libertaires no 73, septembre-octobre 2008
Bimestriel de la
Coordination des groupes anarchistes.

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