Lettre de Guy Debord à Catherine Fajour, des Éditions Gallimard
Le 27 mars 1993
Chère Madame,
Par votre lettre du 3 mars, vous m’informez d’une demande d’un M. Daniel Bougnoux, professeur de sciences de l’information et de la communication à l’université de Grenoble, qui voudrait reproduire le premier chapitre de La Société du spectacle [Dans une anthologie où Guy Debord serait apparu entre Michel Serres et Jacques Derrida]. J’ai naturellement très peu d’estime pour les gens qui font ce lamentable métier, dont on voit partout les sinistres résultats.
Mais je m’avise en oucre que ce M. Bougnoux a prétendu souligner par lui-même un certain nombre de nouvelles phrases, les ajoutant sans gêne à celles que j’avais moi-même déjà soulignées. Ces machines de Grenoble se croient donc tout permis. Elles se trompent, là comme partout ailleurs, je refuse à M. Bougnoux le droit de se livrer à ses sottes petites falsifications. Pour ne pas nous obliger à trop de correspondances sur de si minimes problèmes, je vous prie de noter qu’il faudrait refuser toute autre éventuelle demande du même penseur sur d’autres sujets ; et aussi bien, pour faire bonne mesure, refuser désormais n’importe quel professeur de l’université de Grenoble, puisque cette niaise université est réputée pour compter parmi ses titulaires de chaires un seul Bougnoux.
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, chère Madame, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Guy Debord