L'Encre noire, journal libertaire caennais
L’enjeu des dernières années était de rallumer la flamme de la révolte, de créer des situations de lutte. Mais aujourd’hui, nous savons qu’il y aura des mouvements. On voit déjà réapparaître plus fréquemment des pratiques radicales (émeutes, séquestrations de patrons, sabotage…). Du fait que nous sommes tous de plus en plus mis à la marge de l’existence, le conflit et les troubles insurrectionnels auront de toute façon lieu — de plus en plus radicaux, de plus en plus souvent.
Ainsi, l’enjeu n’est plus de faire vivre la question révolutionnaire, mais d’expérimenter de nouvelles pratiques de lutte. Les questions de la durabilité et de la non-récupération vont être les enjeux à venir. Comment créer des espaces-temps libérés durables, décoloniser nos vies du système durablement, tout cela sans être récupéré, inscrit dans le système ? Sommes-nous condamnés à rester dans l’éphémère, à constituer des lieux libérés voués à disparaître rapidement, à ouvrir des brèches dans le mur de l’Empire puis fuir à toute zingue ?
La question de la visibilité sera également prépondérante. Comment s’exiler volontairement du système tout en y restant quelque peu «connecté» pour le combattre ? Tout révolutionnaire, et cela a toujours été le cas, devra développer l’art de la discrétion, une certaine aptitude à l’invisibilité, tout en envahissant l’espace public. Mais attention, cette discrétion nécessaire, tant pour échapper à la répression qu’à la récupération par cette méga-machine dévoratrice toujours à la recherche de nouveaux ajustements qu’est le capitalisme, n’est pas la clandestinité : celle-ci n’est qu’une cage de plus dans laquelle nous refusons de nous enfermer (aujourd’hui).
Donc l’enjeu d’aujourd’hui, c’est comment s’organiser. D’imaginer et de créer. Cependant, ce ne sera pas à la théorie de répondre, mais à l’expérimentation, à la multiplication de moments propices à celle-ci. C’est ce qui est déjà en train de se passer…
Éditorial du 2e numéro de L’Encre Noire, juin 2008.