Outrage à l'hymne national
Siffler la Marseillaise entraînera l’arrêt d’un match
Les sifflets qui ont couvert l’hymne national avant le match amical contre la Tunisie ont provoqué une vive émotion. À l’issue d’une réunion avec la Fédération de football, le gouvernement a annoncé des mesures radicales.
Une Marseillaise sifflée, au cours d’un match de football, entraînera automatiquement l’arrêt de la rencontre. Suite aux sifflements qui ont accompagné mardi soir l’hymne national, lors de la rencontre amicale France-Tunisie, le gouvernement adopte des mesures radicales. En cas de huées, «le match sera immédiatement arrêté et les membres du gouvernement quitteront l’enceinte sportive», a prévenu la ministre des Sports Roselyne Bachelot à l’issue d’une réunion à l’Élysée à laquelle Jean-Pierre Escalettes, le président de la Fédération française de football (FFF) et Bernard Laporte, secrétaire d’État français aux Sports ont été convoqués.
«Tous les matches amicaux avec le pays concerné seront par ailleurs suspendus pour un délai qui reste à fixer», a ajouté la ministre, qui a aussi demandé à Jean-Pierre Escalettes «d’intensifier les actions d’information et d’éducation sportive».
La ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a demandé de son côté l’ouverture d’une enquête judiciaire s’appuyant sur les images des caméras professionnelles implantées dans le stade. MAM a demandé au préfet de la Seine-Saint-Denis où se situe le Stade de France de signaler au procureur de la république de Bobigny les outrages à l’hymne national, constitutifs d’un délit aux yeux de la loi française. Les interpellations qui en découleront seront suivies d’interdictions administratives de stade, a-t-elle affirmé.
Mardi soir, juste avant le coup d’envoi du match amical France-Tunisie, l’interprétation de la Marseillaise a été sifflée par une partie des quelque 60.000 spectateurs présents au Stade de France.
Deux incidents identiques s’étaient déjà produits lors des rencontres amicales France-Algérie, en octobre 2001 et France-Maroc, en novembre dernier.
La Fédération française de football (FFF) avait pourtant tenté de prévenir ces manifestations en conviant les deux chanteuses franco-tunisiennes, Lââm et Amina, à chanter respectivement la Marseillaise et l’hymne tunisien.
François Fillon a jugé que de tels sifflets étaient «insultants pour la France et pour les joueurs». Interrogé mercredi matin sur RTL, le premier ministre a ajouté : «De manière générale, je pense qu’on devrait interrompre les matchs», en évoquant la «responsabilité des organisateurs». Ce à quoi le vice-président de la Fédération française de football Noël Le Graet a répondu juste après : «Le sport rassemble et c’est toujours une erreur de ne pas jouer».
Bernard Laporte a quant à lui proposé de «délocaliser ces matches qui sentent un peu la poudre», citant notamment ceux pouvant opposer les Bleus à des équipes du Maghreb, ou encore le Portugal.
L’UMP comme le PS ont vivement condamné ces comportements. «Il est désolant de voir que des Français aient pu siffler des Français», s’indigne Frédéric Lefebvre, un des porte-parole du parti présidentiel, dans un communiqué.
«En sifflant les Bleus, c’est aussi des jeunes Français d’origine tunisienne ou algérienne qui sont sifflés. Quand on est adopté par un pays on respecte son hymne national», poursuit le député.
Le député UMP de Paris, Claude Goasguen, a regretté pour sa part l’attitude du secrétaire d’État aux Sports, Bernard Laporte. «Le ministre aurait dû partir. On ne peut pas imaginer qu’un représentant de la France puisse ainsi entendre l’hymne national insulté», a-t-il déclaré dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
«On s’attendait tous à ça»
«Les sifflets sont inacceptables», écrit quant à lui Razzy Hammadi, secrétaire national du PS. «En effet, même si la France a eu pendant des années une politique coloniale en Tunisie, même si les Français d’origine tunisienne, et plus largement les Maghrébins ou les Français d’origine maghrébine (…), sont trop souvent victimes de discrimination et de harcèlement policier (…) il n’en demeure pas moins que la République, en dépit de ses promesses non tenues, n’est pas à humilier en sifflant son hymne», écrit l’ancien président du MJS.
Marie-Georges Buffet, secrétaire nationale du PCF, a jugé que ces sifflets étaient l’expression de gens en «souffrance» qui «ne se sentent pas bien chez nous».
Quant à la chanteuse Lââm, elle a avoué avoir «eu un peu les boules» d’avoir été sifflée. «Pour un match amical c’est bête, a regretté la chanteuse. J’étais fière d’être là. Après il y a toujours trois abrutis, enfin là ils étaient un peu plus, pour siffler la Marseillaise…»
Pour sa part, Raymond Domenech s’est seulement dit «ému» par les hymnes, tout en ajoutant avoir été «un peu sourd» pour «le reste». C’est-à-dire les sifflets qui lui étaient également destinés, ainsi qu’aux joueurs.
Le plus conspué a été Hatem Ben Arfa. Le milieu de terrain de l’équipe de France, né à Clamart de parents tunisiens, avait en effet opté pour la sélection française malgré les sollicitations de la Fédération tunisienne.
Il a toutefois déclaré qu’«il n’en voulait pas» aux spectateurs. «On s’attendait tous à ça, a affirmé le joueur. On l’avait vu contre le Maroc et l’Algérie (…) C’est un peu dommage mais ce n’est pas grave (…) Ils ont besoin d’exister, il y avait plus de Tunisiens que de Français, il faut les comprendre.»
Le Figaro, 15 octobre 2008.
Marseillaise sifflée avant France-Tunisie : la police avait prévenu
La police avait envisagé et prévenu que des «incidents» pouvaient survenir avant ou durant le match amical de football France-Tunisie au Stade de France, où la Marseillaise a été sifflée, a-t-on appris de source policière mercredi. Les policiers en charge du renseignement, et spécialement ceux de la préfecture de police de Paris qui suivent les supporteurs à risques, avaient fait état et «prévenu», selon cette source, de «possibilités d’incidents», dont le fait que l’hymne national français «soit perturbé». Ils avaient également évoqué la possibilité que des fumigènes soient introduits en masse dans le stade, ce qui n’a pas été le cas, selon la source. Ils faisaient part encore de risques d’incidents, tels que «des huées ou sifflements», autour de la personne de Hatem Ben Arfa, né à Clamart de parents tunisiens et qui avait opté pour la sélection française malgré les sollicitations de la Fédération tunisienne. Mardi soir, le dispositif policier avait été renforcé, mais «pas dans des conditions exceptionnelles» car les incidents prévus et évoqués par la police du renseignement «ne le justifiaient pas». Les policiers assurant la sécurité du match, toujours selon la source, avaient été sensibilisés à ces incidents. Le Premier ministre François Fillon a jugé mercredi «insultant» le fait que la Marseillaise ait été sifflée, estimant qu’il faudrait dans de tels cas «interrompre les matches».
Le Monde, 15 octobre 2008.