Jusqu'à quand ?
Tribunal d’Alès, 25 juillet 2008. Une fois de plus, le pouvoir judiciaire s’apprête à rendre une décision arbitraire sur une affaire qui pose la question de l’habitat et de l’usage des terres. Sylvie est en effet jugée aujourd’hui parce qu’elle occupe un terrain (laissé à l’abandon depuis plusieurs années suite à la liquidation judiciaire de l’association anciennement propriétaire), sur lequel des marchands de biens ont en vue de juteux profits. Elle y vit en yourte depuis plus de quatre ans.
Commune de Saint-Germain-de-Calberte (Lozère), lieu-dit Prat-del-Ronc, 22 juillet 2008. Après un an et demi d’occupation d’une maison et de ses terres abandonnées, une quinzaine de personnes sont violemment expulsées par les gardes mobiles et la gendarmerie. Environ 80 flics sont mobilisés pour l’occasion. Les habitant-e-s vivaient sur ce lieu (acheté il y a plus de dix ans par un propriétaire qui n’y a jamais foutu les pieds), avec chien, chat, poules et chevaux, lui redonnant une vie agricole et politique.
Comme de coutume, l’État et la loi du capital cherchent à faire dégager du territoire tout ce qui sort de la logique du contrôle et du profit. Pour ce faire, on emploie la violence judiciaro-policière, qui juge, expulse, détruit, arrache… Les Cévennes, carte-postale côté pile, s’illustrent bien dans cette fougue répressive, côté face. Ce n’est pourtant pas la place qui manque ; on ne compte plus le nombre de maisons innocupées et de terrains à l’abandon. Mais on préfère raser un mas (comme ce fut le cas pour la Picharlerie en juillet 2007) plutôt que de laisser vivre des gens sans titre de propriété. On préfère laisser s’effondrer les toits, laisser les terres en friche, plutôt que de les laisser à ceux qui en ont besoin, et qui y vivent. De la même manière, on préfère détruire les surplus de production plutôt que de les distribuer.
Mêmes réflexes, même logique :
— Accumuler sans cesse, pour préserver le rapport social d’exploitation qui fonde notre société. Il faut que quelques-uns possèdent beaucoup et que beaucoup ne possèdent rien. Les uns peuvent ainsi faire travailler les autres à leur profit, les diriger et tout organiser pour que cela ne cesse jamais…
— Détruire ou assujettir tout ce qui ne rentre pas dans ce rapport social. L’État, ses Lois, sa Justice et ses forces armées sont là pour y parvenir ; et la bonne morale citoyenniste vient prendre le relais, en amont ou en aval, quand le cordon ombilical qui nous attache à cette brillante démocratie menace de rompre. Tous les moyens sont bons : rappels à l’Ordre, procès, emprisonnements, expulsions ; déportations de sans-papiers ; radiations diverses et avariées ; violences en tous genres (au boulot, dans la rue dès qu’on s’y amuse, contrôles d’identité à tout bout de champ…), gardes à vue, garde-à-vous. Le tout, bien sûr, drapé dans une parfaite légalité et affichant les principes les plus généreux. Rompez.Face à leurs attaques, plutôt que de chercher la médiation, la négociation, ou toute réaction isolée, donnons-nous les moyens de répondre collectivement, directement et sans compromis. Ne nous laissons pas berner par les représentants autoproclamés qui jouent aux intermédiaires, voire aux apprentis-législateurs, ce qui aboutit toujours à faire le tri entre les gentils citoyens d’un côté, coopératifs et prêts à se couler dans le moule, et de vilains récalcitrants de l’autre, qui refusent de demander des miettes au pouvoir et se réapproprient leurs existences par leurs propres moyens.
Demain, comme hier et aujourd’hui, nous vivrons où bon nous semble, et créerons des espaces de lutte et d’autonomie, contre les rapports marchands et mortifères auxquels chacun est soumis à tout prix. Utilisons les terres abandonnées, là où place n’est faite qu’à la sacro-sainte propriété bourgeoise. Installons-nous, contre leurs politiques de bétonnage de nos espaces de liberté et de cloisonnement de nos existences. Agissons de telle façon que plus un habitat ne soit expulsé, démonté, détruit, alors que les tribunaux, les gendarmeries, les prisons, les agences immobilières et toutes leurs saloperies sont toujours debout !!!
Un collectif en Cévennes, 29 juillet 2008.