L'Intérieur reconnaît qu' "Edvige" sera utilisé pour ficher les militants
Après la mise en ligne de l’article intitulé «Fichier Edvige : le ministère refuse de s’expliquer» (11 juillet), la place Beauvau a finalement réagi par la voie d’un e-mail envoyé par son porte-parole, Gérard Gachet (photo), à Têtu. Il vient conforter les inquiétudes suscitées par le décret.
Dans sa réponse, le porte-parole établit clairement que le décret vise à permettre le fichage de militants homosexuels ou séropositifs. Il développe un argumentaire qui ajoute d’autres inquiétudes à celles ayant déjà provoqué la colère et la mobilisation des associations LGBT, de syndicats et de partis politiques et procède à une attaque en règle de la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil).
«Les données sur la santé ou la sexualité ne sont pas enregistrées pour elles-mêmes», explique Gérard Gachet. Leur mention n’est autorisée que pour un besoin incident lié à une activité. Dans le domaine du renseignement, il s’agit essentiellement […] du militantisme. Ainsi, pour pouvoir enregistrer que quelqu’un est responsable d’une association professionnelle d’homosexuels, il faut autoriser, au titre de l’association, la caractéristique dite sensible. De même un militant d’une association servant une cause médicale, qui aurait participé à une intrusion violente dans un ministère ou une préfecture, sera intégré au fichier avec la finalité, médicale, de sa cause. Ce ne sont donc pas les personnes qui en tant que telles sont caractérisées.»
L’homosexualité et la séropositivité seront donc toutefois bien fichées «pour un besoin incident lié à une activité» militante. En clair, l’orientation sexuelle des individus ne sera pas fichée en tant que telle, sauf si ces individus sont militants d’une association de défense des droits des gays et des lesbiennes. De même, un militant défendant les séropositifs qui mènerait une action choc dans un lieu public sera «intégré au fichier avec la finalité, médicale, de sa cause».
La réponse du porte-parole de Michèle Alliot-Marie propose une interprétation du décret qui est en contrariété directe avec la loi du 6 janvier 1978, dite loi Informatiques et libertés. En effet, l’article 8 de cette loi, visé par le décret créant «Edvige», prévoit qu’«il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel […] relatives à la santé ou à la vie sexuelle [des personnes]».
Par ailleurs, le porte-parole de Michèle Alliot-Marie soutient, contrairement à ce qu’avait souligné la Cnil dans son avis du 16 juin 2008, que les données relatives à la santé et à la vie sexuelle ont toujours été enregistrées dans les fichiers des services de renseignements. Or, le décret du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les renseignements généraux ne permettait pas l’enregistrement de données relatives à la santé et à la vie sexuelle.
Enfin, Gérard Gachet estime que «le communiqué de la Cnil est inexact» sur certains points ; il minimise également le rôle de l’avis de l’organisme sur les modifications apportées au projet de décret. Le porte-parole de Michèle Alliot-Marie insiste sur le fait que c’est essentiellement l’avis du Conseil d’État qui a conduit la place Beauvau à apporter des modifications. Têtu regrette que l’avis du Conseil d’État n’ait pas été alors rendu public et invite le gouvernement à le faire.
Stéphane Garneri - Têtu, 12 juillet 2008
Le magazine des gays et des lesbiennes.
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