Le fichier Edvige ou la vie des autres
Un décret du 27 juin 2008 a soulevé l’indignation de la Ligue des Droits de l’Homme, du Syndicat de la magistrature, du Syndicat d’éducateurs SNPES PJJ (FSU), de la LCR, du PCF et du PS, car il autorise désormais le fichage, sous le doux nom de fichier «Edvige» [«Exploitation documentaire et valorisation de l'information générale»], de toute personne «ayant sollicité, ou exercé un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif». En clair, tous les citoyens s’étant un jour investis dans la vie publique. On est vraiment dans le film La vie des autres puisqu’il s’agit bien de centraliser dans un fichier policier les opinions politiques ou syndicales de tout un chacun, pour peu qu’il soit secrétaire de section syndicale, conseiller municipal, ou membre d’un comité d’entreprise…
Il est également prévu de ficher toute personne de plus de 13 ans, tout groupe ou organisation dont l’activité est «susceptible de porter atteinte à l’ordre public» et de permettre aux services de police «d’effectuer des enquêtes administratives pour l’accès à certains emplois ou à certaines missions». Donc, les mineurs considérés comme menaçants par la police figureront dans Edvige, ainsi que toute personne qui voudra passer un concours administratif, ou avoir un emploi dans la sécurité.
La CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] a elle-même émis des réserves sur le très large accès à ce fichier, puisque tous les policiers et gendarmes de France pourront, «sur demande expresse», consulter toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement, aux déplacements, aux opinions au patrimoine, au véhicule…, avec «photographie et signes physiques particuliers» de l’intéressé.
C’est donc peu dire que ce nouveau fichier est gravement attentatoire aux libertés fondamentales, puisqu’il instaure une présomption de culpabilité avec fichage illimité pour toute personne engagée dans la vie publique et pour certains mineurs soupçonnés d’appartenir à des «bandes».
Le prétexte de ce fichage massif est l’affrontement de deux bandes rivales dans le 19e arrondissement de Paris, le 21 juin, laissant un blessé grave sur le trottoir, victime en outre d’insultes antisémites. Rachida Dati avait immédiatement annoncé qu’elle allait créer un fichier des «bandes». Et elle en profite pour l’étendre aux bandes… de militants politiques ou syndicaux.
Comme d’habitude, on se saisit d’un fait divers malheureusement banal pour donner à la police des pouvoirs disproportionnés : des dizaines d’affaires identiques sont jugées à Paris chaque année, des jeunes de 14 à 20 ans s’affrontant à coup de démonte-pneus et de gazeuses, au motif qu’ils n’habitent pas la même cité, alors qu’ils vivent le même désarroi social et les mêmes discriminations raciales. Le phénomène n’est pas nouveau, il existait déjà dans les années 1960, avec les «blousons noirs». Mais depuis 2002, l’UMP s’est employée à répondre en termes exclusivement sécuritaires à ces violences qui expriment avant tout une déliaison collective, une décomposition du tissu social liée au chômage de masse des jeunes des cités.
Chaque fait divers a été l’occasion pour Nicolas Sarkozy de faire voter un nouveau texte répressif, dont l’objectif est toujours le même. Stigmatiser comme délinquante une partie de la population considérée comme inintégrable, inemployable, et dangereuse : les jeunes des banlieues, les SDF, les prostituées, les malades mentaux, les étrangers sans papiers…, et maintenant les citoyens engagés, les ficher, et les punir.
Comme d’habitude, on claironne une nouvelle mesure répressive, alors que la police et la justice sont déjà parfaitement armées, et même bien trop, sur le plan du fichage. Ainsi seize lois sécuritaires ont été votées depuis 2002 [Voici la liste des seize lois sécuritaires votées depuis 2002, auxquelles il faut ajouter deux autres textes pénaux de caractère technique sur les juges de proximité et l’équilibre de la procédure pénale : Loi programmation de la justice du 3 août 2002 / Loi Perben I du 9 septembre 2002 / Loi Sarkozy du 18 mars 2003 sur la «sécurité intérieure» / Loi sur l’immigration du 26 novembre 2003 / Loi sur l’asile 10 décembre 2003 / Loi Perben II, «criminalité organisée» du 9 mars 2004 / Loi 26 janvier 2005 sur les juges proximité / Loi 18 novembre 2005 sur la déclaration de l’état d’urgence / Loi 12 décembre 2005 sur la récidive / Loi 23 janvier 2006 contre le terrorisme / Loi 31 mars 2006 «égalité des chances» / Loi immigration 26 juillet 2006 «immigration choisie» / Loi prévention délinquance 15 mars 2007 / Loi récidive 10 août 2007 / Loi Hortefeux 20 novembre 07 sur les étrangers (tests ADN) / Loi rétention de sûreté du 25 février 2008], afin de donner toujours plus de pouvoirs à la police pour contrôler les identités, placer en garde à vue [Le nombre de gardes à vue a doublé depuis 2000 : 562.000 personnes ont été gardées à vue en 2007. Ce sont surtout les étrangers en situation irrégulière qui sont concernés par cette augmentation exponentielle des gardes à vue (ils représentent le quart des gardes à vue) et les usagers de stupéfiants, cannabis et crack surtout (43.000 en 2007 !)], effectuer des perquisitions, poser des écoutes téléphoniques et des caméras de video-surveillance.
De très nombreux fichiers policiers ont été créés, dont le STIC [Système de traitement des infractions constatées ; il est consulté 30.000 fois par jour (Le Monde 2007)], qui contient 7,5 millions de fiches de «mis en cause», conservées pendant 20 ans, et le FNAEG [Fichier national automatisé des empreintes génétiques, créé par la loi Vaillant du 15 novembre 2001, dite «sécurité quotidienne», et étendu par la loi sécurité intérieure du 18 mars 2003. Il contient déjà 500.000 ADN.], qui n’est absolument pas un fichier spécialisé pour les délinquants sexuels, puisqu’y figurent pendant 25 ans les personnes interpellées pour vols, recel, dégradations et violences volontaires, outrages et rébellion… C’est ce fichier FNAEG qui vaut à des nombreux militants le recueil de leurs empreintes ADN, sous peine d’être condamnés à un an d’emprisonnement.
Le point commun de tous ces fichiers de police est de contenir des fiches de mineurs et de personnes simplement soupçonnées par la police, dont beaucoup n’ont jamais été condamnées.
Ainsi, s’agissant des bandes, il existait déjà, avant l’annonce de la création d’un fichier spécial, la possibilité de retrouver les mineurs ou les majeurs membres de groupes violents avec le STIC, le FNAEG… et le fichier CANONGE, fichier policier légalisé par la loi 12 décembre 2005. Il permet à tout service de police judiciaire de classer par caractéristiques les personnes interpellées dans les années précédentes ; sur un simple clic d’ordinateur, la police peut retrouver une personne déjà connue, correspondant à un critère précis. Par exemple, si une victime a remarqué que son agresseur portait des lunettes, ou la barbe, ou avait une tâche sur le visage, ou telle couleur de peau, la police fait défiler sur l’écran des dizaines de photographies comportant ce signe particulier, avec une légende concernant les antécédents de la personne.
Évidemment, le critère d'appartenance à une «bande» peut être lui aussi être entré dans le fichier Canonge, comme tous les autres critères, et sélectionné en cas de bagarres pour rechercher les auteurs. Si tant est, d’ailleurs, que ce critère ait un sens, alors qu’un adolescent peut très bien fréquenter des copains de son quartier sans pour autant être dans une bande organisée !
C’est ce que n’avaient pas vraiment compris les Renseignements Généraux [Les Renseignements généraux ont fusionné avec la DST, au sein de la nouvelle DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), depuis le 1er juillet 2008. On peut d’ailleurs se demander si le fichier Edvige n’est pas créé afin de donner un puissant outil de surveillance à ce nouveau service concentrant deux polices politiques jusqu’ici concurrentes.], qui avaient tiré de fumeuses explications «ethniques» des émeutes des banlieues en 2005, dans un rapport qui leur valu une plainte de SOS racisme.
C’est ainsi des principes tels que la présomption d’innocence, le droit à la protection de ses données personnelles, le droit à la sûreté [La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 n’a jamais proclamé le droit à la sécurité, mais le droit à la sûreté, c’est-à-dire le droit de ne pas subir l’arbitraire de l’État, ce qui est bien différent] sont déjà fortement mis à mal par l’existence d’innombrables fichiers de police [33 fichiers de police et de gendarmerie ont été recensés en 2006 par Alain Bauer, président de Observatoire national de la délinquance], au nom de la «sécurité».
Pourquoi donc créer ce nouveau fichier Edvige, si ce n’est pour permettre à la garde des Sceaux, Rachida Dati, de réoccuper l’espace médiatique qu’elle a perdu, en faisant d’une pierre deux coups : le fichage des mineurs des cités et celui des militants ?
L’utilisation politique de la sécurité et de l’idéologie victimaire est un ressort constant de ce gouvernement, dès qu’il s’agit de masquer le tragique échec des promesses présidentielles en matière de chômage et de pouvoir d’achat.
Le populisme pénal permet depuis six ans à l’UMP de remplacer l’antagonisme dominants/dominés, par le clivage coupables/victimes. Même les grèves donnent lieu à cette analyse, les usagers étant les otages-victimes et les grévistes étant les coupables.
Chacun est ainsi renvoyé à sa faute et à sa responsabilité individuelle, qu’il s’agisse de problèmes de délinquance, de santé publique, d’éducation, d’immigration ou d’emploi.
Le véritable objet des lois sécuritaires est bien là : il ne s’agit pas de lutter réellement contre la délinquance. Les chiffres calamiteux de la hausse des violences contre les personnes attestent d’ailleurs de l’inefficacité totale de la politique de tolérance zéro du gouvernement [Les violences contre les personnes ont augmentées de 14,1% depuis 2005 (sur la Seine-Saint-Denis la délinquance a augmenté de 7,6% depuis janvier 2006), chiffres de l’Observatoire national de la délinquance].
Le bénéfice idéologique recherché de cette idéologie sécuritaire est bien de masquer les réelles inégalités économiques et sociales de ce pays, la police étant utilisée comme le bras armé de la substitution de l’état pénal à l’état social.
Il est également prévu de ficher toute personne de plus de 13 ans, tout groupe ou organisation dont l’activité est «susceptible de porter atteinte à l’ordre public» et de permettre aux services de police «d’effectuer des enquêtes administratives pour l’accès à certains emplois ou à certaines missions». Donc, les mineurs considérés comme menaçants par la police figureront dans Edvige, ainsi que toute personne qui voudra passer un concours administratif, ou avoir un emploi dans la sécurité.
La CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] a elle-même émis des réserves sur le très large accès à ce fichier, puisque tous les policiers et gendarmes de France pourront, «sur demande expresse», consulter toutes les informations relatives aux fréquentations, au comportement, aux déplacements, aux opinions au patrimoine, au véhicule…, avec «photographie et signes physiques particuliers» de l’intéressé.
C’est donc peu dire que ce nouveau fichier est gravement attentatoire aux libertés fondamentales, puisqu’il instaure une présomption de culpabilité avec fichage illimité pour toute personne engagée dans la vie publique et pour certains mineurs soupçonnés d’appartenir à des «bandes».
Le prétexte de ce fichage massif est l’affrontement de deux bandes rivales dans le 19e arrondissement de Paris, le 21 juin, laissant un blessé grave sur le trottoir, victime en outre d’insultes antisémites. Rachida Dati avait immédiatement annoncé qu’elle allait créer un fichier des «bandes». Et elle en profite pour l’étendre aux bandes… de militants politiques ou syndicaux.
Comme d’habitude, on se saisit d’un fait divers malheureusement banal pour donner à la police des pouvoirs disproportionnés : des dizaines d’affaires identiques sont jugées à Paris chaque année, des jeunes de 14 à 20 ans s’affrontant à coup de démonte-pneus et de gazeuses, au motif qu’ils n’habitent pas la même cité, alors qu’ils vivent le même désarroi social et les mêmes discriminations raciales. Le phénomène n’est pas nouveau, il existait déjà dans les années 1960, avec les «blousons noirs». Mais depuis 2002, l’UMP s’est employée à répondre en termes exclusivement sécuritaires à ces violences qui expriment avant tout une déliaison collective, une décomposition du tissu social liée au chômage de masse des jeunes des cités.
Chaque fait divers a été l’occasion pour Nicolas Sarkozy de faire voter un nouveau texte répressif, dont l’objectif est toujours le même. Stigmatiser comme délinquante une partie de la population considérée comme inintégrable, inemployable, et dangereuse : les jeunes des banlieues, les SDF, les prostituées, les malades mentaux, les étrangers sans papiers…, et maintenant les citoyens engagés, les ficher, et les punir.
Comme d’habitude, on claironne une nouvelle mesure répressive, alors que la police et la justice sont déjà parfaitement armées, et même bien trop, sur le plan du fichage. Ainsi seize lois sécuritaires ont été votées depuis 2002 [Voici la liste des seize lois sécuritaires votées depuis 2002, auxquelles il faut ajouter deux autres textes pénaux de caractère technique sur les juges de proximité et l’équilibre de la procédure pénale : Loi programmation de la justice du 3 août 2002 / Loi Perben I du 9 septembre 2002 / Loi Sarkozy du 18 mars 2003 sur la «sécurité intérieure» / Loi sur l’immigration du 26 novembre 2003 / Loi sur l’asile 10 décembre 2003 / Loi Perben II, «criminalité organisée» du 9 mars 2004 / Loi 26 janvier 2005 sur les juges proximité / Loi 18 novembre 2005 sur la déclaration de l’état d’urgence / Loi 12 décembre 2005 sur la récidive / Loi 23 janvier 2006 contre le terrorisme / Loi 31 mars 2006 «égalité des chances» / Loi immigration 26 juillet 2006 «immigration choisie» / Loi prévention délinquance 15 mars 2007 / Loi récidive 10 août 2007 / Loi Hortefeux 20 novembre 07 sur les étrangers (tests ADN) / Loi rétention de sûreté du 25 février 2008], afin de donner toujours plus de pouvoirs à la police pour contrôler les identités, placer en garde à vue [Le nombre de gardes à vue a doublé depuis 2000 : 562.000 personnes ont été gardées à vue en 2007. Ce sont surtout les étrangers en situation irrégulière qui sont concernés par cette augmentation exponentielle des gardes à vue (ils représentent le quart des gardes à vue) et les usagers de stupéfiants, cannabis et crack surtout (43.000 en 2007 !)], effectuer des perquisitions, poser des écoutes téléphoniques et des caméras de video-surveillance.
De très nombreux fichiers policiers ont été créés, dont le STIC [Système de traitement des infractions constatées ; il est consulté 30.000 fois par jour (Le Monde 2007)], qui contient 7,5 millions de fiches de «mis en cause», conservées pendant 20 ans, et le FNAEG [Fichier national automatisé des empreintes génétiques, créé par la loi Vaillant du 15 novembre 2001, dite «sécurité quotidienne», et étendu par la loi sécurité intérieure du 18 mars 2003. Il contient déjà 500.000 ADN.], qui n’est absolument pas un fichier spécialisé pour les délinquants sexuels, puisqu’y figurent pendant 25 ans les personnes interpellées pour vols, recel, dégradations et violences volontaires, outrages et rébellion… C’est ce fichier FNAEG qui vaut à des nombreux militants le recueil de leurs empreintes ADN, sous peine d’être condamnés à un an d’emprisonnement.
Le point commun de tous ces fichiers de police est de contenir des fiches de mineurs et de personnes simplement soupçonnées par la police, dont beaucoup n’ont jamais été condamnées.
Ainsi, s’agissant des bandes, il existait déjà, avant l’annonce de la création d’un fichier spécial, la possibilité de retrouver les mineurs ou les majeurs membres de groupes violents avec le STIC, le FNAEG… et le fichier CANONGE, fichier policier légalisé par la loi 12 décembre 2005. Il permet à tout service de police judiciaire de classer par caractéristiques les personnes interpellées dans les années précédentes ; sur un simple clic d’ordinateur, la police peut retrouver une personne déjà connue, correspondant à un critère précis. Par exemple, si une victime a remarqué que son agresseur portait des lunettes, ou la barbe, ou avait une tâche sur le visage, ou telle couleur de peau, la police fait défiler sur l’écran des dizaines de photographies comportant ce signe particulier, avec une légende concernant les antécédents de la personne.
Évidemment, le critère d'appartenance à une «bande» peut être lui aussi être entré dans le fichier Canonge, comme tous les autres critères, et sélectionné en cas de bagarres pour rechercher les auteurs. Si tant est, d’ailleurs, que ce critère ait un sens, alors qu’un adolescent peut très bien fréquenter des copains de son quartier sans pour autant être dans une bande organisée !
C’est ce que n’avaient pas vraiment compris les Renseignements Généraux [Les Renseignements généraux ont fusionné avec la DST, au sein de la nouvelle DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), depuis le 1er juillet 2008. On peut d’ailleurs se demander si le fichier Edvige n’est pas créé afin de donner un puissant outil de surveillance à ce nouveau service concentrant deux polices politiques jusqu’ici concurrentes.], qui avaient tiré de fumeuses explications «ethniques» des émeutes des banlieues en 2005, dans un rapport qui leur valu une plainte de SOS racisme.
C’est ainsi des principes tels que la présomption d’innocence, le droit à la protection de ses données personnelles, le droit à la sûreté [La Déclaration des Droits de l’Homme de 1789 n’a jamais proclamé le droit à la sécurité, mais le droit à la sûreté, c’est-à-dire le droit de ne pas subir l’arbitraire de l’État, ce qui est bien différent] sont déjà fortement mis à mal par l’existence d’innombrables fichiers de police [33 fichiers de police et de gendarmerie ont été recensés en 2006 par Alain Bauer, président de Observatoire national de la délinquance], au nom de la «sécurité».
Pourquoi donc créer ce nouveau fichier Edvige, si ce n’est pour permettre à la garde des Sceaux, Rachida Dati, de réoccuper l’espace médiatique qu’elle a perdu, en faisant d’une pierre deux coups : le fichage des mineurs des cités et celui des militants ?
L’utilisation politique de la sécurité et de l’idéologie victimaire est un ressort constant de ce gouvernement, dès qu’il s’agit de masquer le tragique échec des promesses présidentielles en matière de chômage et de pouvoir d’achat.
Le populisme pénal permet depuis six ans à l’UMP de remplacer l’antagonisme dominants/dominés, par le clivage coupables/victimes. Même les grèves donnent lieu à cette analyse, les usagers étant les otages-victimes et les grévistes étant les coupables.
Chacun est ainsi renvoyé à sa faute et à sa responsabilité individuelle, qu’il s’agisse de problèmes de délinquance, de santé publique, d’éducation, d’immigration ou d’emploi.
Le véritable objet des lois sécuritaires est bien là : il ne s’agit pas de lutter réellement contre la délinquance. Les chiffres calamiteux de la hausse des violences contre les personnes attestent d’ailleurs de l’inefficacité totale de la politique de tolérance zéro du gouvernement [Les violences contre les personnes ont augmentées de 14,1% depuis 2005 (sur la Seine-Saint-Denis la délinquance a augmenté de 7,6% depuis janvier 2006), chiffres de l’Observatoire national de la délinquance].
Le bénéfice idéologique recherché de cette idéologie sécuritaire est bien de masquer les réelles inégalités économiques et sociales de ce pays, la police étant utilisée comme le bras armé de la substitution de l’état pénal à l’état social.
Évelyne Sire-Marin, magistrat, Fondation Copernic.
Ces analyses sont développées dans un livre collectif à paraître chez Syllepse en septembre 2008 L’indigent et le délinquant, punir les pauvres.
Sur le même fichier :
À qui profite la Cnil ?
Où s’arrêtera ce gouvernement liberticide ?
La vie des autres
Pétain revient
Signer la pétition «L’honneur perdu d’Edwige»