Délit d'aide au séjour irrégulier
Une garantie pour les travailleurs sociaux mais pas pour le travail social
Suite au retentissement de ces différentes affaires, Valérie Létard, secrétaire d’État à la solidarité, a saisi la commission «éthique et déontologie» du CSTS [Conseil supérieur du travail social. Il s’agit d’une instance composée de 68 membres représentants les ministères concernés, les organisations syndicales, les centres de formations, des associations à caractère social, d’usagers… chargée de mener une réflexion sur les évolutions du secteur social.] afin qu’une réflexion soit engagée sur le sujet et puisse déboucher sur un cadre juridique garantissant aux travailleurs sociaux de pouvoir intervenir librement auprès des populations migrantes sans être sommés par la police de collaborer à l’interpellation et à l’expulsion des étrangers.
Ainsi, le CSTS a rendu début juin son avis qui constate la multiplication d’opérations visant à interpeller les personnes sans papiers au sein des établissements à caractère social et à se procurer des dossiers et fichiers nominatifs. Elle précise en outre que ces méthodes «témoignent d’une forme de méconnaissance de la finalité du travail social et portent atteinte à l’exercice de ce dernier».
Au final, le CSTS conclut qu’il y a «un besoin urgent de clarification entre les diverses réglementations» et prône l’élaboration d’un cadre juridique permettant de préserver le travail social des incursions sécuritaires et répressives qui tendent à se banaliser ces derniers temps. Une circulaire devrait donc voir le jour sous l’égide d’une commission interministérielle regroupant les Affaires sociales, la Justice et l’Intérieur.
Dans le contexte actuel, on pourrait être tenté de se réjouir de la parution d’un tel texte, destiné à garantir aux travailleurs sociaux une sécurité dans l’exercice de leur fonction. Cependant, il ne s’agit en définitive que de rappeler en quoi consiste le travail social et de redéfinir son rôle dans un contexte précis. La nécessité de raffirmer, notamment par une circulaire, ce qui fait le fondement du travail social n’en dit-elle pas long sur l’état de santé de ce dernier et sur la confusion qui s’installe sur la nature de ses missions ?
L’instrumentalisation des travailleurs sociaux qui est opérée par l’État, dans son obsession répressive, en vient à gommer peu à peu la frontière qui délimite — dans le système actuel — ce qui relève du social et ce qui relève de la police. Et lorsqu’on en vient à devoir protéger les travailleurs sociaux des méthodes policières, on dispose d’un sérieux indicateur sur l’état de la société dans laquelle on vit…
Éclairage sur le délit d’aide au séjour irrégulier
La loi sur l’entrée et le séjour des étrangers du 26 novembre 2003 instaure le délit «d’aide au séjour irrégulier». Toute personne permettant à un étranger en situation «irrégulière» de se maintenir sur le territoire devient donc passible de poursuites en justice pouvant se traduire par une peine d’emprisonnement et une amende conséquente.
Cependant, une disposition précise que quiconque «agit afin de répondre à un danger grave ou imminent menaçant la vie ou l’intégrité physique de l’éranger ne peut être condamnée pour aide au séjour irrégulier». Ainsi, les travailleurs sociaux ne sont pas a priori concernés par le délit «d’aide au séjour irrégulier» dans la mesure où par le biais de l’accès à un hébergement, des soins… leur intervention répond pleinement à cette disposition. Dans ce cas de figure, s’ils sont tenus de répondre tout de même aux convocations de la police, ils ne peuvent être poursuivis pour ce motif et ne peuvent être contraints de livrer des informations confidentielles sauf en cas de péril pour la personne.
Mais il faut bien constater qu’il s’agit là d’une vision quelque peu restrictive du travail social dont la raison d’être semble se résumer, pour les tenanciers de l’ordre et de la sécurité, au simple maintien en vie des individus, surtout s’ils sont étrangers. Quid de toute action sociale ou éducative qui n’aurait pas nécessairement pour but d’aider un étranger à survivre mais simplement à vivre ? Ici, il semble que seul le danger de mort rende légitime le travail social. Au delà, il devient un délit.
Nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de relayer dans les colonnes de La Griffe du Social des situations où des travailleurs sociaux se trouvaient tourmentés par la police et la justice par rapport à leur action — dans le cadre de leurs fonctions — envers des personnes sans papiers [Voir les numéros 8 et 10 de La Griffe]. Dans la plupart de ces cas, c’est l’accusation «d’aide au séjour irrégulier» qui était retenue contre ces professionnels qui n’imaginaient pas un instant que le respect de l’éthique du travail social puisse les conduire en garde à vue, voire devant un juge.
Suite au retentissement de ces différentes affaires, Valérie Létard, secrétaire d’État à la solidarité, a saisi la commission «éthique et déontologie» du CSTS [Conseil supérieur du travail social. Il s’agit d’une instance composée de 68 membres représentants les ministères concernés, les organisations syndicales, les centres de formations, des associations à caractère social, d’usagers… chargée de mener une réflexion sur les évolutions du secteur social.] afin qu’une réflexion soit engagée sur le sujet et puisse déboucher sur un cadre juridique garantissant aux travailleurs sociaux de pouvoir intervenir librement auprès des populations migrantes sans être sommés par la police de collaborer à l’interpellation et à l’expulsion des étrangers.
Ainsi, le CSTS a rendu début juin son avis qui constate la multiplication d’opérations visant à interpeller les personnes sans papiers au sein des établissements à caractère social et à se procurer des dossiers et fichiers nominatifs. Elle précise en outre que ces méthodes «témoignent d’une forme de méconnaissance de la finalité du travail social et portent atteinte à l’exercice de ce dernier».
Au final, le CSTS conclut qu’il y a «un besoin urgent de clarification entre les diverses réglementations» et prône l’élaboration d’un cadre juridique permettant de préserver le travail social des incursions sécuritaires et répressives qui tendent à se banaliser ces derniers temps. Une circulaire devrait donc voir le jour sous l’égide d’une commission interministérielle regroupant les Affaires sociales, la Justice et l’Intérieur.
Dans le contexte actuel, on pourrait être tenté de se réjouir de la parution d’un tel texte, destiné à garantir aux travailleurs sociaux une sécurité dans l’exercice de leur fonction. Cependant, il ne s’agit en définitive que de rappeler en quoi consiste le travail social et de redéfinir son rôle dans un contexte précis. La nécessité de raffirmer, notamment par une circulaire, ce qui fait le fondement du travail social n’en dit-elle pas long sur l’état de santé de ce dernier et sur la confusion qui s’installe sur la nature de ses missions ?
L’instrumentalisation des travailleurs sociaux qui est opérée par l’État, dans son obsession répressive, en vient à gommer peu à peu la frontière qui délimite — dans le système actuel — ce qui relève du social et ce qui relève de la police. Et lorsqu’on en vient à devoir protéger les travailleurs sociaux des méthodes policières, on dispose d’un sérieux indicateur sur l’état de la société dans laquelle on vit…
C’est donc au quotidien, dans nos pratiques et dans nos structures, qu’il convient d’affirmer et de défendre l’idée d’un travail social tourné vers la personne, en marge des préoccupations politiques au goût du jour. Pour la CNT, la meilleure garantie face aux pressions et à la répression dont font l’objet à l’heure actuelle les travailleurs sociaux reste l’action collective, la solidarité et la riposte syndicale.
Éclairage sur le délit d’aide au séjour irrégulier
La loi sur l’entrée et le séjour des étrangers du 26 novembre 2003 instaure le délit «d’aide au séjour irrégulier». Toute personne permettant à un étranger en situation «irrégulière» de se maintenir sur le territoire devient donc passible de poursuites en justice pouvant se traduire par une peine d’emprisonnement et une amende conséquente.
Cependant, une disposition précise que quiconque «agit afin de répondre à un danger grave ou imminent menaçant la vie ou l’intégrité physique de l’éranger ne peut être condamnée pour aide au séjour irrégulier». Ainsi, les travailleurs sociaux ne sont pas a priori concernés par le délit «d’aide au séjour irrégulier» dans la mesure où par le biais de l’accès à un hébergement, des soins… leur intervention répond pleinement à cette disposition. Dans ce cas de figure, s’ils sont tenus de répondre tout de même aux convocations de la police, ils ne peuvent être poursuivis pour ce motif et ne peuvent être contraints de livrer des informations confidentielles sauf en cas de péril pour la personne.
Mais il faut bien constater qu’il s’agit là d’une vision quelque peu restrictive du travail social dont la raison d’être semble se résumer, pour les tenanciers de l’ordre et de la sécurité, au simple maintien en vie des individus, surtout s’ils sont étrangers. Quid de toute action sociale ou éducative qui n’aurait pas nécessairement pour but d’aider un étranger à survivre mais simplement à vivre ? Ici, il semble que seul le danger de mort rende légitime le travail social. Au delà, il devient un délit.
La Griffe du Social no 14, juin 2008
Bulletin mensuel des travailleurs sociaux du syndicat CNT
santé social & collectivités territoriales de la région parisienne.