Ces glaneurs qui écument les poubelles des fins de marchés

Publié le par la Rédaction


Hommes ou femmes, retraités ou étudiants, salariés ou chômeurs, ils récupèrent les marchandises invendues pour manger gratis.

Pour Thierry et ses «collègues», le marché commence à l’heure où il se termine pour les autres. À quarante et un ans, ce Rmiste a l’air d’un Monsieur Toutlemonde avec son jean et son blouson noir. Mais dans son sac de courses, des pommes golden déjà passées, des courgettes ou des salades abîmées dont personne ne veut. Et ils sont une dizaine, comme Thierry, à fouiller les poubelles du marché de la place Jacquard.

Alors que les camionnettes des marchands se garent sur la place pour débarrasser les étalages, les glaneurs se regroupent devant les poubelles. Thierry vient de Firminy, et cela lui revient de plus en plus cher en carburant. Puis un autre arrive en moto de Saint-Maurice-en-Gourgeois. Ce sont des habitués. Ils se saluent comme des collègues de travail. Les primeurs les connaissent bien également et les laissent ramasser et fouiller à leur guise. Un sac de carottes a même été mis en évidence devant les poubelles. «Je préfère qu’ils les récupèrent dans un sac, plutôt qu’ils les ramassent par terre», explique un marchand. Thierry en choisit quelques unes et tend le sac encore bien rempli à ses camarades. «Je les épluche soigneusement, et les râpe. Et elles sont aussi bonnes que les autres !» Thierry glane depuis plus de dix ans, et observe qu’ils sont de plus en plus nombreux à le faire. «Samedi encore, des nouvelles sont arrivées, et elles comptent bien revenir», confirment Fatma et Anaïs. «Ambassadrices du tri», elles veillent à la propreté de la place les jours de marché. Le phénomène n’est pas nouveau. Placier depuis huit ans, Éric en a toujours vus.

En revanche, «si l’on rencontre des marginaux, il y a aussi des étudiants ou des retraités, des gens qui travaillent, qui “font propre sur eux” mais qui n’ont pas trouvé d’autres moyens pour faire des économies».

Certains disent glaner pour leurs animaux. Selon Anaïs, «il faut arrêter de faire comme si de rien n’était. Quand on ramasse des courgettes, ce n’est pas pour ses lapins, c’est pour vivre.» Car Thierry ne récupère pas uniquement de quoi se nourrir mais «tout ce qui peut servir», dit-il en montrant une boîte à chaussures. À 13 heures 30, tous les marchands sont partis, les clients aussi. Les déchets sont triés pour faciliter le travail des services propreté de la ville. La place est vide. Thierry et les autres jettent un dernier coup d’œil aux poubelles, au cas où ils auraient oublié une tête de salade. Ils repartent, le sac à dos rempli de fruits et légumes. Ils espèrent bien en ramener autant la semaine prochaine. «Ça n’ira pas en s’améliorant avec l’augmentation des prix. Il n’y a pas de honte à vouloir manger. Mais si on glane, c’est vraiment par nécessité.»

Marielle Bastide

La grande distribution poubellise ou donne aux associations

Les glaneurs ramassent partout où ils le peuvent. Les marchés restent l’endroit où la récupération est la plus facile. «Je faisais parfois les poubelles des magasins. J’avais trouvé dix saucissons ! Mais c’est beaucoup plus difficile maintenant», remarque Thierry.

Au Marché Plus de la rue Gérentet à Saint-Étienne, comme dans beaucoup d’autres commerces de proximité, tous les invendus sont javellisés. Ainsi, les produits alimentaires ne sont plus consommables. «Malgré tout, nous voyons des personnes qui fouillent les poubelles régulièrement», regrettent les gérants de la supérette Gilles et Fabienne Koroloff. Dans les grandes surfaces, les produits périmés sont détruits au sein même du magasin. Les poubelles ne sortent pas et sont donc inaccessibles. «Il est arrivé que des poubelles soient renversées par les glaneurs. Du coup, les magasins préfèrent utiliser des conteneurs qu’on ne peut plus ouvrir», explique Thierry.

Mais les grandes surfaces jouent le jeu. Elles travaillent en effet beaucoup avec la Banque alimentaire et les associations.

Chaque jour, ou une à deux fois par semaine selon les enseignes, la Banque alimentaire de la Loire récupère fruits, légumes, viandes et produits laitiers invendus qui arrivent en fin de date aux grandes surfaces telles que Auchan, Casino ou Leclerc. «Nous sommes les grossistes de tous les produits frais. Nous redistribuons ces denrées à trente-deux associations du département. Celles-ci les donnent ensuite à ceux qui en ont besoin. 14.000 personnes sont ainsi aidées chaque mois, ce qui correspond à deux millions de repas par an», explique Anne Bilancetti, déléguée générale de la Banque alimentaire de la Loire. La récupération de ces produits est très réglementée. Celle des matériaux devient plus difficile également car ils sont «mieux triés avant d’être envoyés dans les déchetteries».


Presse bourgeoise :
Le Progrès (édition de la Loire), 21 juin 2008.
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