De la légalisation des cabanes, yourtes, roulottes...

Publié le par la Rédaction


Foyers pour des SDF pris en tenailles par des services sociaux avilissants, HLM entassés les uns sur les autres dans des zones périphériques ghettos, location d’appartements insalubres, endettements sur plusieurs décennies pour construire des blocs de parpaings sans vie dans quelque zone pavillonaire… à chacun-e son toit, à chacun-e sa place… !
Plutôt que de se tenir cantonné-e-s bien sagement dans l’une ou l’autre de ces cases imposées, certain-e-s font appel à leur imagination et à leur capacité d’auto-organisation pour élire domicile dans des habitats qui prennent multiples formes mais se heurtent rapidement aux normes, aux lois et aux intérêts de la société marchande et aseptisée…

Les problèmes d’accès au logement risquant d’accroître le «phénomène de cabanisation», l’État cherche à faire le ménage et menace nos habitats, en s’appuyant sur un cadre réglementaire qui nous empêche de plus en plus de concrétiser nos rêves et nos choix de vie. Il en est ainsi de la charte anticabanisation : elle a permis de nettoyer la région PACA des logements indésirables et est désormais en vigueur en Languedoc-Roussillon où elle sera d’abord testée sur les départements de l’Hérault et des Pyrénées-Orientales…

Il est dès lors urgent de nous organiser pour apporter une réponse collective à ces attaques, plutôt que de nous contenter d’obéir à la justice en organisant des fêtes pour démonter nos yourtes ou nos cabanes…

Mais il convient d’abord de s’entendre sur la forme que cette réponse doit prendre !
— S’agit-il de se contenter d’organiser quelque rassemblement devant les succursales de l’État et de sa justice en attendant que celui-ci nous dicte la démarche à suivre ?
— S’agit-il d’organiser des tables rondes et autres rencontres alternatives pour discuter, entre habitants ou voisins, d’habitats légers et mobiles, en espérant la présence d’élus et autres représentants de l’autorité de l’État pour leur proposer une évolution de la réglementation ?
— Ou s’agit-il, au contraire, de construire un véritable rapport de force, basé sur des pratiques et actions concrètes, collectives et autogérées, qui nous permettra de défendre durablement nos habitats et de nous opposer au meilleur des mondes qu’on nous fabrique et qu’on nous vend… ?
La «légalisation» des cabanes, yourtes, tipis, roulottes et autres casbah…, souhaitée par certaines structures associatives sensées représenter les habitants de ces logements, risque de devenir une nouvelle forme de la normalisation-karchérisation mise en oeuvre par le pouvoir.

La création de zones «légales» d’installation d’habitats légers ou mobiles conduira à une ghettoïsation de leurs habitants qui ne pourront plus, dès lors, échapper au contrôle de l’État. Elle est également la porte ouverte à la destruction de toutes les cabanes et autres habitats précaires, bâtis en dehors de ces zones ou qui ne correspondent pas aux critères de propreté et d’esthétique qui seront forcément imposés par toute nouvelle loi.

Ce parcage peut également prendre la forme d’une folklorisation, la cabane devenant image de carte postale, acceptée en tant que telle car liée à la volonté de développement touristique, tout ce qui fait tâche ne pouvant dès lors subsister dans ce décor…

Cette «légalisation» est également une revendication, sans nul doute, portée par ceux qui y voient un filon économique juteux à travers la location, la conception et la vente d’un certain type d’habitat se rapprochant de celui dont il est ici question. Multitudes d’entreprises, à travers Internet notamment, proposent d’ores et déjà aux touristes en mal d’aventure, de passer par exemple de folles nuits dans des cabanes perchées dans les arbres pour la maudique somme de 111€ la nuit pour deux personnes…

S’insurger contre la répression des habitats légers ou mobiles, précaires, car émanant plus d’une nécessité que d’un véritable choix, ne peut être porteur d’émancipation que si cela s’inscrit dans un véritable rapport de force contre la propriété privée, l’État et le capital. Demander leur «légalisation», c’est demander au pouvoir d’intégrer cette forme d’habitat dans sa logique, c’est lui demander de nouvelles normes, de nouveaux ghettos et faire en sorte que la répression s’abatte encore plus sur ceux qui veulent véritablement en sortir.

Pour que nos campements et nos logements ne soient pas véritablements éphémères, il est temps de prendre conscience que l’heure n’est pas à la négociation et à la mise en place de chartes ou de lois, mais bien, à un refus catégorique de la mainmise du monde marchand et de l’État sur nos vies et nos habitats.

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