L'affaire Guglielmi

Publié le par la Rédaction

«La presse française annonce aujourd’hui le scandale fait à Milan par Nunzio Guglielmi. Vous devez savoir plus que nous sur cette affaire. Il est possible que Guglielmi soit vraiment un idiot. Mais, a priori, je ne crois pas. Vous vous souvenez du scandale fait à Notre-Dame à Pâques 1950. À ce moment-là on a aussi essayé de faire enfermer nos amis, pour toute leur vie, comme fous. C’est la protestation des artistes et des intellectuels qui a seule empêché la police et l’Église de réussir ce coup contre eux.

Il me semble que l’acte de Guglielmi, nous avons intérêt, et aussi le devoir de le défendre. C’est tout à fait dans nos idées, jusque l’attaque contre l’art-dans-les-musées (
cf. les idées de Jorn à ce propos). Ne pensez-vous pas comme moi à ce sujet ?

(Sans s’engager sur ce qu’est réellement cet homme, mais seulement sur une question de principe.)

Pouvez-vous faire immédiatement un petit tract, envoyé aux journaux et aux artistes (y compris même Fontana ou Baj) ? Vous pourriez le faire au verso en français et m’en envoyer ici une centaine d’exemplaires ?

Cela serait bon, entre les expositions de peinture industrielle et au moment où paraît le numéro 1 de notre revue. Bon aussi pour Drouin !

Je vous joins un projet de texte.»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio et Giors Melanotte, 16 juin 1958.

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«Oui, on peut imprimer le tract à Paris, mais seulement si c’est impossible chez vous, parce que ce sera très long ici (deux voyages par la poste, et surtout notre difficile imprimeur…). Or, l’important pour ce tract est d’être diffusé très vite. Si je dois l’imprimer ici, envoie-moi immédiatement le texte italien, et les signatures exactes de la section italienne : il faut le plus possible de noms, mais qui soient tous des gens sûrs. (Écris, si tu peux, la date du scandale de Guglielmi à Milan.)»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 23 juin 1958.

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Difendete la libertà ovunque

Noi situazionisti protestiamo contro l’internamento ipocrita in un manicomio di Nunzio Van Guglielmi, perchè in giugno a Milano è arrivato a scalfire leggermente un mediocre quadro di Rafaello.

Noi constastiamo che il contenuto del manifestino posto da Guglielmi sul quadro di Rafaello : «W la rivoluzione italiana ! Via il governo clericale !», esprime il voto di un grande numero di italiani col quale siammo.

Vogliamo quindi attirare l’attenzione sul fatto che esso sarà un crimine contro la vera scienza psichiatrica di interpretare, col’ aiuto della polizia psichiatrica, un gesto ostile alla chiesa ed al defunto valore culturale dei Musei, come una prova sufficiente di follia.

Sottolineiamo il pericolo che presenta una tale precendenza per tutti gli uomini liberi e per tutto il futuro sviluppo culturale ed artistico.

La libertà consiste sopratutto nel distruggere i falsi idoli.

Il nostro appello è per tutti gli artisti e gli intelletuali d’Italia affinchè agiscano immediatemente per la liberazione di Nunzio Van Guglielmi dalla sua condamne a vita. Van Guglielmi può essere condamnato soltanto dalla legge che prevede l’alienazione dei pubblici beni.
4 luglio 1958
La sezione italiana dell’Internazionale situazionista


Défendez la liberté partout

Nous, situationnistes, protestons contre l’internement hypocrite dans un hôpital psychiatrique de Nunzio Van Guglielmi, parce qu’en juin, à Milan, il a légèrement détérioré un
tableau médiocre de Raphaël.

Nous constatons que le contenu de la petite affiche que Guglielmi a mis sur le tableau de Raphaël — «Vive la révolution italienne ! À bas le gouvernement clérical !» — exprime l’opinion d’un grand nombre d’Italiens, dont nous sommes.

Nous voulons donc attirer votre attention sur le fait que ce serait un crime contre la vraie science psychiatrique d’interpréter, avec l’aide de la police psychiatrique, ce geste hostile à l’Église et à la défunte valeur culturelle des Musées, comme une preuve suffisante de folie.

Nous soulignons le danger qu’un tel précédent représenterait pour tous les hommes libres et pour le développement culturel et artistique futur.

La liberté est surtout de détruire les fausses idoles.

Nous lançons cet appel à tous les artistes et tous les intellectuels d’Italie afin qu’ils agissent immédiatement pour que soit abrogée la 
condamnation à perpétuité de Nunzio Van Guglielmi. Il ne peut être condamné qu’en vertu de la loi sur la dégradation des biens publics.
4 juillet 1958
La section italienne de l’Internationale situationniste
Traduit de l’italien par Flavia Caliro et Vanina Marchetti
Textes et documents situationnistes (1957-1960)
Allia, Paris, 2004


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«Je reçois à l’instant votre lettre. Voici déjà 50 exemplaires du tract envoyé ici par Gallizio et imprimé dans la journée. Il faut distribuer d’abord aux journaux et vers la justice de Milan (à l’avocat de Guglielmi).

Je vais faire autre chose avec le texte de Jorn transmis par vous, qui contient des précisions intéressantes.»
Guy-Ernest Debord, lettre à Luciano Pistoi, 30 juin 1958.

«Sitôt reçu le texte du tract que tu m’envoyais j’ai réussi à le faire imprimer dans la journée. Mais je n’ai pu malheureusement y mettre le cliché (manque de temps et d’argent). Je n’ai pas gardé les signatures proposées parce qu’il est sûrement nécessaire de mettre d’abord en avant dans cette affaire notre section italienne — comme la section belge pour les critiques d’art de Bruxelles.

J’ai envoyé hier au soir 50 tracts à Pistoi.
Aujourd’hui, j’ai envoyé : 100 à Pistoi ; 100 à Asger ; 100 à toi.
Faites une diffusion immédiate organisée vers : a) Les artistes (surtout avant-gardistes, même Fontana ou Baj — mais pas à Ralph Rumney à qui j’ai déjà envoyé le tract) ; b) Les journalistes ;
c) Les hommes de justice de Milan : le juge d’instruction et l’avocat de Guglielmi.
Répartissez-vous le travail de diffusion pour ne pas envoyer (Pistoi, Asger et toi) aux mêmes adresses trois fois.
Ne dispersez pas ce tract à des destinataires où il n’aurait pas d’influence.

Vous devez surtout briser le silence : faire passer dans les journaux la nouvelle que vous avez pris la défense de l’acte de Guglielmi.
Agissez au mieux, et vite : ce n’est pas seulement
intéressant de faire cela. Vous pouvez être la seule chance de Guglielmi (c’est très juste d’écrire qu’il a été déjà “condamné à vie”).

Je viens de diffuser 50 ou 60 tracts en France et en Europe (excepté l’Italie que je vous laisse).

Pistoi m’a transmis un deuxième texte rédigé par Jorn (sur cette affaire) qui contient des révélations très intéressantes. Je vais essayer de faire éditer maintenant ici un deuxième tract — en français — avec le texte de Jorn.
Peut-être pourrais-je vous en envoyer dans 8 jours.»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 1er juillet 1958.

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Au secours de Van Guglielmi !

L’Internationale situationniste s’associe pleinement à l’appel de sa section italienne en faveur de Nunzio Van Guglielmi. La protestation de nos camarades en Italie est jusqu’à présent seule à dénoncer l’arbitraire de l’internement de Guglielmi, seule à briser le silence fait sur le sens de l’acte de Guglielmi et le sens de sa répression. Encore a-t-elle été retardée jusqu’au 4 juillet par les imprimeurs italiens qui ont refusé de tirer le tract Difendete la libertà ovunque. Les situationnistes ont dû sortir ce tract par leurs propres moyens.

Les raisons de Guglielmi se trouvent au cœur de l’art moderne, à partir du Futurisme jusqu’à nos jours. Aucun juge, aucun psychiatre,
aucun directeur de musée n’est capable de prouver le contraire sans falsification. L’attaque compacte contre Guglielmi est une attaque compacte contre l’esprit moderne ; comme la démonstration de Guglielmi est une attaque contre une fausse idéalisation artistique du passé.

La photo du Raphaël est une falsification officielle envoyée à la presse dans le monde entier. Les dommages réels sur la toile sont si petits qu’ils seraient invisibles sur une reproduction dans un journal. Les lignes qui se voient sur la photo, indiquant une destruction massive de la toile, représentent seulement une vitre cassée posée devant le tableau. Même ces lignes sont sur les photos accentuées artificiellement avec du blanc et du noir pour rendre encore plus grave l’accident. Au contraire le texte du manifeste collé sur la vitre («Vive la révolution italienne ! À bas le gouvernement clérical !») est devenu, par un procédé photographique étrangement réussi, parfaitement illisible dans les journaux italiens.

Ces journaux écrivent : «C’est un dommage matériel… mais bien plus grave se trouve être le dommage moral» (ceci est signé par un nommé Camillo Brambilla). Il est touchant de lire les escrocs officiels qui, dans un tel cas, mesurent la quantité du dommage «moral» pour abattre un jeune artiste par des moyens criminels.

Tous les artistes libres, usant des moyens dont ils disposent pour informer l’opinion publique, peuvent et doivent sauver Guglielmi.
Le 7 juillet 1958
Pour l’I.S. : Asger Jorn
Le mot d’ordre lancé par la section italienne de l’I.S. «Défendez la liberté partout» est d’une actualité particulière dans ce moment de montée du péril réactionnaire en Europe.

Nous apprenons maintenant qu’une partie de l’édition italienne du
Rapport sur la construction des situations de Guy Debord, expédiée en France en juin, a été confisquée par la douane sans même que l’on notifie au destinataire ni à l’expéditeur cette saisie déguisée.

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«Je vous envoie aujourd’hui 300 exemplaires du deuxième tract (en français, celui par lequel l’ensemble de l’I.S. soutient votre courageuse campagne pour Guglielmi).
En même temps j’en expédie 200 à Asger ; 200 à Pistoi ; 100 à Korun.
Je ferai samedi une expédition directe pour la France et les autres pays (à l’exception de l’Italie et de la Belgique).
Il faut envoyer ce deuxième tract : 1°) à toutes les personnes qui ont déjà reçu le tract italien ; 2°) à d’autres, constituant un public plus étendu.

Obtenez, par tous les moyens, la publication dans la presse de votre prise de position. L’essentiel est de briser le silence organisé. Demandez la publication des deux tracts dans “notre” numéro de “Notizie”, au moins à titre de documents soumis à l’appréciation des lecteurs. Essayez d’entraîner des gens comme Garelli à une intervention commune limitée sur ce point précis :
Les preuves de la “folie” de Guglielmi données au public sont toutes, jusqu’ici, inacceptables. Donc il doit être jugé comme responsable d’un acte qui est parfaitement défendable. Si un procès finit par être décidé, proposez de témoigner en sa faveur, pour expliquer ses raisons
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio et Giors Melanotte, 3 juillet 1958.

«Je t’envoie aujourd’hui 200 exemplaires du deuxième tract. En même temps j’en envoie 200 à Pistoi, 300 à Pinot, 100 à Korun. Faites le plus de bruit possible en Italie : c’est là que le problème est brûlant.»
Guy Debord, lettre à Asger Jorn, 3 juillet 1958.

«Je vous adresse en même temps 200 exemplaires de notre deuxième tract sur l’affaire Guglielmi. Jorn et Gallizio en ont reçu 500 autres, et nous ferons hors d’Italie une diffusion très supérieure à celle du précédent.»
Guy-Ernest Debord, lettre à Luciano Pistoi, 3 juillet 1958.

«Je vous envoie aujourd’hui 100 exemplaires, à diffuser au mieux, d’un deuxième tract fait pour soutenir la campagne de notre section italienne dans l’affaire Guglielmi.

Le même procédé policier — l’internement sans procès — avait déjà été employé ici contre les responsables du “scandale de Notre-Dame”, en 1950. Mais beaucoup d’intellectuels protestèrent de sorte que l’on dut les libérer presque aussitôt. En Italie, tout le monde a trouvé normal que l’on soit réputé fou automatiquement dès lors que l’on manifeste contre les conventions artistiques et catholiques. Nos amis doivent briser une conspiration de silence unanime.»
Guy Debord, lettre à Wilma et Walter Korun, 3 juillet 1958.

«J’espère que vous avez bien reçu tous les exemplaires des deux tracts pour Guglielmi. Donne-moi des nouvelles de cette affaire.

Pour la distribution par la poste, il ne faut pas attendre un grand travail d’Asger. Mets-toi d’accord avec Pistoi, par téléphone, pour un certain partage des adresses, et envoyez tous les exemplaires dans le plus bref délai. J’attends des renseignements là-dessus.»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 5 juillet 1958.

«Où en est l’affaire Guglielmi ?
Avez-vous reçu tous les exemplaires annoncés du premier et du deuxième tract ?
(Et pouvez-vous me renvoyer 30 ou 40 exemplaires du tract français — de Jorn — s’il vous en est resté ?)»
Guy Debord, lettre à Gallizio et Melanotte, 7 juillet 1958.

«Où en est l’affaire Guglielmi ? As-tu reçu les envois des deux tracts, modèles ci-joints ?»
Guy Debord, lettre à Asger Jorn, 7 juillet 1958.

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«Pour Guglielmi : trop tard pour reculer. Il faut attaquer encore plus à fond.

Nous n’avons jamais défendu la personnalité de Guglielmi mais un principe : il n’est pas fou à cause du geste qui lui est reproché (peu importe qu’il soit fou réellement pour d’autres. Ceci serait une mauvaise excuse pour laisser faire). Les méthodes employées contre lui (cf. celles que tu révèles, pour les journaux) sont odieuses et prouvent qu’on ne le tient pas pour un fou inoffensif : tout le monde trouve ces méthodes normales, nous sommes seuls à les dénoncer. Et il ne faut pas plus respecter la notion conventionnelle de folie que le catholicisme.»
Guy Debord, lettre à Asger Jorn, 8 juillet 1958.

«Je reçois une lettre d’Asger qui me dit que nos tracts vont faire un drôle d’effet sur la pseudo-“avant-garde” italienne parce que Guglielmi serait “un peintre religieux cinglé”.

Eh bien, tant mieux pour ce qui est de scandaliser l’“avant-garde” italienne !

Et surtout : vous ne défendez pas un homme, mais un principe. Vous n’avez pas dit que Guglielmi était situationniste, ni que son passé était intéressant, ni même qu’il n’était pas fou.
Vous avez dit que la manifestation de folie qui lui est reprochée n’en est pas une.
(Et Michel Mourre, le principal auteur du “scandale de Notre-Dame” était un ancien séminariste.)

Donc, ne reculez pas dans cette affaire. Ce serait une mauvaise attitude (céder au chantage à ce que Baj peut appeler “folie”) et puis, au point où nous en sommes ce serait ridicule (les tracts sont déjà distribués hors d’Italie).
Avanti !»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 8 juillet 1958.

«À propos de Guglielmi, on m’écrit qu’il était probablement un véritable fou. Mais la question n’est pas sur ce terrain. Ce que nous soutenons, c’est que l’on ne peut accepter comme une preuve suffisante de folie l’acte précis pour lequel il se trouve interné.»
G.-E. Debord, lettre à Luciano Pistoi, 12 juillet 1958.

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«Bravo pour toute l’action en faveur de Guglielmi ! Les Américains achèteront sa production : c’est leur rôle. Mais vous avez osé réclamer sa libération, en interprétant son geste comme raisonnable : ceci était notre rôle.»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 17 juillet 1958.

«Tant mieux pour l’effet du tract Guglielmi à Milano. Ceux qui essaient maintenant de te saboter livrent une bataille perdue, et se ridiculisent devant l’Histoire. Prends la position la plus ferme et la plus menaçante tant dans l’affaire Guglielmi que dans toute autre discussion qui se présente autour de ton exposition de Milano. Dans une dizaine de jours Asger et moi serons en Italie pour te soutenir.»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 19 juillet 1958.

«La liberté de Guglielmi (hors de l’asile) est une grande victoire, et d’abord pour toi qui avais rejoué sur ce coup — à quitte ou double — toute la “réputation” gagnée déjà avec la peinture industrielle. Maintenant, on saura, à Alba, que tu n’es pas fou, et que tu sais si les autres le sont ou non.»
Guy Debord, lettre à Pinot Gallizio, 29 juillet 1958.

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«À la fin du mois de juin un jeune peintre milanais, par ailleurs complètement inintéressant, Nunzio Van Guglielmi, dans le but d’attirer l’attention sur sa personne avait légèrement endommagé un tableau de Raphaël (“Le couronnement de la Vierge”) en collant sur le verre qui le protégeait une pancarte manuscrite où l’on pouvait lire : “Vive la révolution italienne ! Dehors, le gouvernement clérical !” Arrêté sur place, il était aussitôt déclaré fou, sans contestation possible et pour ce seul geste, et interné à l’asile de Milan.

La section italienne de l’Internationale situationniste fut seule à protester par le tract Difendete la libertà ovunque, paru le 4 juillet seulement, plusieurs imprimeurs italiens ayant par prudence refusé de le tirer.
“Nous constatons, disait ce tract, que le contenu de l’écriteau posé par Guglielmi sur le tableau de Raphaël… exprime l’opinion d’un grand nombre d’Italiens, dont nous sommes.
Nous voulons attirer l’attention sur le fait que l’on interprète… un geste hostile à l’Église et aux valeurs culturelles mortes des musées comme une preuve suffisante de folie.
Nous soulignons le péril que constitue un tel précédent pour tous les hommes libres et pour tout le développement culturel et artistique à venir.
La liberté est d’abord dans la destruction des idoles.
Notre appel s’adresse à tous les artistes et les intellectuels d’Italie, pour qu’ils agissent immédiatement en vue de libérer Guglielmi de sa condamnation à vie. Guglielmi peut seulemnt être condamné aux termes de la loi qui prévoit l’aliénation des biens publics.”
Dans un deuxième tract Au secours de Van Guglielmi !, publié en français le 7 juillet, Asger Jorn, au nom de l’I.S., appuyait l’action entreprise :
“Les raisons de Guglielmi se trouvent au cœur de l’art moderne, à partir du Futurisme jusqu’à nos jours. Aucun juge, aucun psychiatre, aucun directeur de musée n’est capable de prouver le contraire sans falsification…
La photo du Raphaël est une falsification officielle envoyée à la presse dans le monde entier. Les dommages réels sur la toile sont si petits qu’ils seraient invisibles sur une reproduction dans un journal. Les lignes qui se voient sur la photo, indiquant une destruction massive de la toile représentent seulement une vitre cassée posée devant le tableau. Même ces lignes sont sur les photos accentuées artificiellement avec du blanc et du noir pour rendre encore plus grave l’accident. Au contraire le texte du manifeste collé sur la vitre est devenu, par un procédé étrangement réussi, parfaitement illisible dans les journaux italiens.”
Le lendemain précisément s’ouvrait l’exposition de Milan. Notre section italienne, renforcée par les autres situationnistes qui se trouvaient en Italie (Maurice Wyckaert, de la section belge, Jorn), distribua ces tracts à Milan dans l’hostilité générale. Une revue alla jusqu’à publier une reproduction de Raphaël en regard d’une reproduction de la peinture des fous qui voulaient détruire Raphaël. Cependant le 19 juillet, à la stupéfaction de tous, Guglielmi était reconnu parfaitement sain d’esprit par le directeur de l’asile de Milan, et libéré.

La conclusion de cet incident est très instructive : Guglielmi, qui avait eu bien peur, accepta, pour obtenir son pardon, de se faire photographier à genoux et priant devant la vierge de Raphaël, adorant ainsi d’un seul coup l’art et la religion qu’il avait malmenés précédemment. Et la juste position de la section italienne dans cette affaire pourtant d’un bout à l’autre bien rationnelle, a contribué à augmenter son isolement parmi la canaille intellectuelle d’Italie, dont certains éléments nauséabonds (tel le mercanti Pistoi, directeur de la revue Notizie), après avoir frauduleusement tourné autour des situationnistes, ont compris et clairement révélé où était leur vrai camp : Michel Tapié, le néo-fascisme français d’exportation, les curés qu’ils ne peuvent oublier.»
«L’activité de la section italienne», I.S. no 2, décembre 1958.

Publié dans Debordiana

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