Les pêcheurs ne veulent pas se noyer dans le bassin d'emploi
Drôles de types ces pêcheurs.
On leur propose 140 millions d’euros et ils répondent à Sarkozy «Nous ne voulons pas être des assistés.»
Drôle de France. Le Président de la valeur Travail confronté à des travailleurs qui veulent travailler plus.
Et si le Président était l’ennemi du travail ?
Que propose Sarkozy aux pêcheurs ? D’aller en mer, de remonter des filets pleins de poisson, puis d’en rejeter la moitié à la mer, parce qu’il y a les quotas.
Les poissons rejetés à la mer flotteront morts à la surface le lendemain : la pêche au filet les tue de toute façon.
Les quotas ne peuvent protéger les poissons, mais on fait comme si.
Les poissons pêchés seront revendus à la grande distribution, à un prix tellement bas qu’il ne permet pas au pêcheur de vivre. Ce qui lui permettra de survivre, ce sera l’aide de l’État. Le pêcheur, à ce compte là pourrait aussi bien rester chez lui, ce n’est pas la vente de sa force de travail qui remplit son assiette. Mais il faut faire comme si, se lever à quatre heures pour rejeter des poissons morts à la mer.
Pour faire comme si, il faut acheter de l’essence. Qui est chère, parce que la demande est forte, parait-il.
Le poisson aussi est cher. Pas quand la grande distribution l’achète au pêcheur, mais quand elle le vend au supermarché. D’ailleurs il y a beaucoup d’invendus, et une partie des poissons morts finit javellisée dans les poubelles du supermarché. Les pêcheurs travaillent assez pour nourrir tout le monde, mais il faut faire comme si ce n’était pas le cas, sinon la grande distribution ne fait pas de profits. Et licencie les employés payés à jeter le poisson à la poubelle. Si mal payés qu’ils ne peuvent pas s’acheter de poisson.
Le travail de pêcheur, c’est aller pêcher du poisson pour que d’autres puissent s’en nourrir.
L’emploi de pêcheur c’est faire des gestes absurdes, au milieu d’une mer de poissons morts et de marées noires. C’est devoir utiliser des filets pour être compétitif sur le marché mais rejeter des cadavres à la mer.
C’est devoir aller faire le con en mer pour des queues de cerise, regarder les milliers de poissons morts flotter sur l’océan, ou compter les piécettes après avoir vendu la part autorisée à la grande distribution. Et se taper le soir les reportages à la télé sur le poisson trop cher, les émeutes de la faim et la pénurie de bouffe aux restos du Cœur.
Pêcheur dans la France d’après, c’est un emploi valable, comme employé de supermarché, mais c’est un travail de cochon.
D’ailleurs hier des paysans ont rejoint les pêcheurs.
Parce que la mer est pleine de poissons morts, le monde plein de gens qui ont faim : mais aussi leur têtes pleines de souvenirs de millions de litres de lait déversés dans les poubelles juste après des heures de traite éreintantes.
Le travail de paysan, c’est peut-être éreintant, mais c’est faire pousser des légumes ou traire des vaches pour que d’autres gens puissent boire du lait.
L’emploi de paysan, aujourd’hui, c'est s’épuiser et vendre les légumes et la viande pour rien à la grande distribution.
Sur les étals des supermarchés, les légumes à prix cassés se sont transformés en or vert, et les fils de paysans devenus conditionneurs de choux fleur en barquette vapeur n’ont pas les moyens d’en bouffer.
Ni les uns, ni les autres ne peuvent refuser ces emplois. Ce sont des emplois valables, et celui qui refuse de faire conditionneur de choux fleur en barquette, perdra ses quelques centaines d’euros de salaire ou d’allocation. Et le paysan doit continuer de se lever à cinq heures pour traire les vaches pour toucher une aide de l’État, et en utiliser la plus grande partie pour acheter de l’essence et de nouvelles machines à traire, mais pas de poisson, c’est trop cher et il ne lui reste pas assez de fric.
Ces derniers jours, des pêcheurs, des paysans ont décidé de reprendre leur travail.
En bloquant les dépots d’essence, les ports, ils bloquent une machine qui les condamne, eux et tant d’autres à des emplois inutiles, nuisibles et dénués de sens.
Certains, ensemble ont repris des tonnes de viande et de poisson à la grande distribution, et les ont distribués. Un tas de gens ont enfin pu profiter du travail bien fait des pêcheurs et des paysans.
La valeur travail profitera à tous le jour où l’emploi sera détruit.
Les pêcheurs l’ont compris et passent à l’action, contre les quelques-uns qui s’enrichissent et nous condamnent à nous épuiser, à détruire la planète en n’étant même plus sûrs de bouffer à notre faim en échange d’une vie qui a perdu tout son sens.