Grenoble mon amour

Publié le par la Rédaction

22 mai de l’an de grâce 2008 : bataille à Cularo (ancien nom de Grenoble) : Liégeois, Saint-Denis !

Au matin du 22 mai de l’an de grâce 2008, nous partîmes 22.000 place de la Gare et arrivâmes 2000 face aux porcs, place de Verdun ; suite à ce que les félons de la CGT eurent préférer aller se goinfrer au parc Paul Mistral.

Bien quil manquait les habituels troubadours repeignant les vitraux, une ambiance festoyante régnait dans notre troupe, des ménestrels tapant sur des tambours.

Arrivés sur la place, face aux mécréants aux ordres du Roy, nous nous empressâmes denfiler nos chasubles (diverses étoffes, tricots, lainages, soieries) et de caillasser au mieux les impies. Toutes sortes de choses volèrent, des lites aux bâtons fumants en passant pas des pots de fleurs. La place résonnait de cris : «Sus aux infidèles», «Bande de marauds», «Faquins», «Par le sang du Christ», «Nique ta mère», «Bâtards». Certains tentèrent même denflammer les tourelles de lhabitat durable, sans succès.

Malheureusement, nous ne parvînmes point à les achever, et les faquins répondirent en lançant moult fumées larmoyantes sur la troupe plébéienne. Fuyant devant tant de couardise, nous ne tardîmes pas à revenir.

Une scène à peu près identique se reproduisit par deux fois. Bien heureux, nous avions pensé à remplir de citronnade nos gourdasses et de gouttes pour les yeux nos besaces ; et ne subîment donc point trop ces viles attaques.

Lorsque soudain, par le Sud, des cris sélevèrent et nous vîmes arriver en renfort le Clan du Sud accompagné de quelques braves portant des écussons grenats et ors aux armes du seigneur de Besancenot. Ils fîrent leur entrée sur la place sous les vivats de la plèbe revigorée, un manant brandissant même fièrement un bâton fumant et rougeoyant. Les merguez de la CGT nétant point saignantes et comme il manquait de bartavelles, dortolans, et de perdreaux ; ils avaient en effet décidé de venir grossir la foule des braves.

Ceci nempêcha pas le commandant Liégois (Saint-Denis) dordonner à ses hommes dinonder la place de fumées larmoyantes. Au bout dun moment, lassé de tant de pleutrerie, nous décidâmes de partir en croisade sauvage par la rue du Duc de Lesdiguères. De preux chevaliers en profitèrent pour briser courageusement quelques vitraux du sieur JC Decaux et de ses alliés nantis possédants de coffre-forts.

Arrivé place Félix Poulat, juste à côté de la taverne Mac Donalds, les marauds aux ordres du Roy, dirigés par le connétable Jean-Claude Borel-Garin, nous empêchèrent de nous mouvoir davantage.

Il faut savoir quen plus de ceux portant armures, baïonnettes, boucliers, et arbalètes, nous devions faire face à des miliciens sans armures, plus hargneux encore, munis de mousquets à balle caoutchouc. Particulièrement mobiles, ils se déplaçaient prestement à laide de charrettes du diable toutes ferrées, sans bœufs pour les tirer.

Sen suivirent plusieurs heures de caillassages et promenades déclamatoires sauvages, entre la place de Verdun et la Porte de France. Les scènes de violence rappelaient la bataille de Hastings, en lan 1006. À un moment, létendard du Roy prit feu, il fallut le jeter tout entier dans les douves de lIsère.

Une fort belle journée, pleine dallant et dentrain, malgré quelques orions et ecchymoses. Malheureusement certains des nôtres sont dans les geôles de lennemi. Mais nous ne tarderons pas à les libérer, fusse-t-il assiéger le Donjon de la maréchaussée.

Tout ceci nous donne lespoir dune probable jacquerie prochaine.

«Mais, dites-moi, cest une révolte ?
— Non, Sire, cest une jacquerie.»

Indymédia Grenoble, 22 mai 2008



Darcos Vador V (22 mai 2008)
Film de Patrice Jamet




Manifestation - incidents
68 grenades lacrymogènes utilisées !

Place de Verdun puis rue Félix-Poulat, les face-à-face entre manifestants et forces de l’ordre se sont terminés hier par lutilisation de gaz lacrymogènes. Une réponse des policiers de la section dintervention et des gendarmes mobiles aux jets de divers projectiles — bouteilles dacide, canettes, pierres, morceaux de bois — dont ils étaient la cible.
Vers 11h30, la manifestation partie de la gare sest scindée en deux, les syndicalistes se rendant au Palais des Sports, les plus jeunes protestataires préférant prendre la direction de la place de Verdun. En route, place Paul-Vallier, une commissaire de police stagiaire a été blessée par lexplosion d'une bouteille. Elle a été prise en charge par les sapeurs-pompiers jusquà lhôpital. Place de Verdun, vers 11h45, un ouvrier travaillant à linstallation de la Biennale de lhabitat durable a, lui, été blessé à larcade sourcilière. Quelques manifestants ont tenté dincendier les installations de la Biennale obligeant les sapeurs-pompiers à intervenir.
Vers midi, la tension est montée dun cran. Les premières grenades lacrymogènes ont été tirées vers 12h15 devant la préfecture malgré larrivée de syndicalistes pour tenter dapaiser latmosphère. Le millier de manifestants sest alors dispersé quelques minutes, le temps que le vent chasse les gaz. Un nouveau face-à-face sest ensuite engagé. Il sest terminé de la même manière une quinzaine de minutes plus tard. Un gendarme mobile et une manifestante ont été blessés par le jet de bouteilles dacide.
Des incidents ont ensuite éclaté rue Félix-Poulat. Et là encore, pour refouler les 2000 manifestants et mettre fin aux divers jets de projectiles, les forces de lordre ont fait usage de grenades lacrymogènes. À 13h30, la majeure partie des manifestants se dispersait.
Au total, hier, neuf personnes ont été légèrement blessées, les forces de lordre ont utilisé 68 grenades lacrymogènes et procédé à une douzaine dinterpellations. Trois personnes ont notamment été arrêtées pour vol. Les policiers les soupçonnent davoir profité du passage du cortège en centre-ville pour pénétrer en bande dans des boutiques afin de voler de la marchandise.
Matthieu Estrangin - Le Daubé, 23 mai 2008




Nous, on veut vivre

Mouvement lycéen printemps 2008 - Grenoble

Jeudi 15 mai 2008, Grenoble : le centre-ville est le théâtre de plusieurs heures daffrontements entre quelques milliers de manifestants et les forces de lordre. Manifestations sauvages à répétition, lancer de canettes, de pommes pourries, ou de caillasses dun côté, contre flashballs et grenades lacrymogènes à outrance (plus de 250 tirées dans la journée) de lautre. Lénergie, lentêtement et lendurance des manifestants ont marqué les esprits et notamment ceux des tenants de lordre établi, quils soient policiers, journalistes ou syndicalistes. Et de sindigner plus ou moins ouvertement contre «ces pratiques qui ne mènent à rien», cette «routine des affrontements», de stigmatiser des «militants anarcho-libertaires manipulateurs». Avec, au bout, toujours les même questions : «Mais pourquoi vous faites ça ?» ; «Quest-ce que vous voulez ?»

Ce quon veut ?

Nous, on veut pas finir policier.

Lors de la dernière manif lycéenne, Jean-Claude Borel-Garin, directeur départemental de la Sécurité publique et commissaire central de Grenoble, a fait la morale aux manifestants pour leur expliquer comment réaliser une manif «réussie». Cest normal, il sy connaît : cest un homme qui a tout «réussi». Ancien numéro 2 du Raid, il vient dêtre nommé «contrôleur général», un des plus hauts grades de la Police. Ayant grandi dans la cité ouvrière et populaire de Jean Macé, parmi les pauvres ; il est maintenant bien installé parmi les dominants, habitant une maison chic dans les hauteurs embourgeoisées de Corenc. On comprend donc tout lintérêt quil a à ce que les manifs soient «réussies», cest-à-dire inoffensives pour les dominants.

Sans doute un modèle pour Amin Boutaghane, directeur des Renseignements Généraux de lIsère et chevalier de la Légion dhonneur, ou Dorothée Celard, 26 ans et commissaire-adjoint de Sécurité-proximité de Grenoble à la tête de 400 policiers.

Ces différents exemples de «réussite» nous font vomir. Une vie passée à la défense de lordre établi, de l’État et des dominants. Une vie à ficher, interpeller, réprimer les pauvres, les fouilles-merdes, les pas normaux, les engagées, les enragés. Merci, très peu pour nous.

Nous, on ne veut ni de piscine à Meylan, ni de Légion dhonneur, ni de salaires mirobolants. Nous ne cherchons pas à avoir une vie «réussie» mais à réfléchir à comment la vie pourrait valoir le coup dêtre vécue.

Nous, on veut pas finir au Daubé (ni à Libé).

Le Daubé, qui ajoute ses notes au concert médiatique nauséabond sur les «évènements» de mai 68, mais qui dénigre la page daprès les manifestations de colère actuelles.

Le Daubé qui ne manque jamais denthousiasme et dentrain pour relater telle inauguration, tel match de rugby, tel débat chiant à mourir. Mais qui à propos des manifestations sauvages parle, avec dédain, de «routine».

Non, ce nest pas ça la routine. La routine, cest le travail quotidien des Denis Masliah ou Vanessa Laime, «journalistes» au Daubé en faits divers. Être obligé de se torturer lesprit pour trouver quelques traits dhumour afin dagrémenter les informations brutes — jamais vérifiées — de la Police ; voilà bien un triste métier. On comprend dès lors quils méprisent celles et ceux qui tentent de sortir dune routine, de vivre intensément.

La routine, cest aussi «Grenews», dernier rejeton du Daubé, qui court après les «jeunes qui bougent» quils soient footeux, artistes ou contestataires pour tenter de grappiller de nouveaux lecteurs et ainsi satisfaire les publicitaires. Vendre du temps de cerveau disponible à Ikea, Renault, ou au Summum, voilà toute lambition politique du Daubé.

La routine, cest linverse de ce que devraient faire des journalistes. Un travail denquêtes et dinvestigations pétri desprit critique bien loin de la production de lèche-cul-des-autorités du Daubé.

Nous, on a soif de véritables informations. On veut comprendre le monde dans lequel on vit. Pas celui des élites, le vrai.

Nous, on veut pas finir à la CGT.

Quelle tristesse que le spectacle de ces cortèges mous, transpirant la certitude dêtre en train de tout perdre. Quelle désolation que de sapercevoir que les intérêts du pouvoir et des responsables syndicaux sont liés ; et quils sentendent très bien pour ne pas faire déborder les luttes des cadres établis, pour quelles ne remettent pas trop en cause le système. Quelle consternation que de voir les ex-responsables syndicaux lycéens ou étudiants rejoindre les structures du pouvoir (par exemple, au niveau local, Laure Masson et Hélène Vincent, anciennes responsables de lUnef, aujourdhui adjointes au maire de Grenoble).

Nous, on veut pas, dans 20 ans, se retrouver à défiler pour sindigner contre le passage à 53 années et demi de cotisations, puis remballer nos autocollants et banderoles deux manifs plus tard, après que nos dirigeants aient obtenu des «garanties» du gouvernement. Nous, si lon sort dans la rue, cest parce que lon étouffe dans les règles et normes de cette société ; et quon veut la changer, ici et maintenant.

«Discours, merguez et traditions. Elle est pour quand, la révolution ?»

Nen déplaise à ceux qui aimeraient bien nous catégoriser («jeunes radicaux», «révolutionnaires», «anarcho-libertaires», «ultra-gauchistes», «casseurs», «adolescents attardés», «totos»…), nous ne rentrons pas dans des cases. Différents, multiples, non réductibles à une appellation, nous sommes unis par le refus de la fatalité et la volonté dessayer douvrir des possibles, loin des trottoirs battus.

Pas naïfs pour autant, nous sommes bien conscients que coincés entre la BAC et le Bac, ce mouvement-ci va peut-être mourir petit-à-petit. Mais ce sera pour mieux revenir plus tard. «Back dans les bacs.»

Avec toujours la même volonté de relancer léconomiste le plus loin possible et de libérer nos vies du culte du fric, de la marchandise, et de la nouvelle-réalité-mondiale-à-laquelle-il-faut-sadapter.

Avec toujours la même volonté de résister avant que les dernières «innovations» technologiques (vidéosurveillance, biométrie, puces implantables sous la peau, drônes…) rendent suicidaire toute opposition au pouvoir.


Nous on a des rêves
De grèves sans trêves où l
on trouve du groove
D
instants intenses dépassant les interdits installés
Face à la morne mélancolie, on veut remplir nos vies de poésie
Même dans les tracts et pouvoir aux bas mots
Casser la barack, comme Obama.


Nous avons toute la vie pour ne pas nous contenter de notre sort
Nous aurons toute la mort pour ne pas avoir de remords.


Nous, on veut vivre.

Premiers signataires : association «Place de Verdun : Jy suis, jy reste» ; groupe «La Rue Kinousappartient» ; À lAttac 38 ; Solidarité Bande de Gazage ; union «Touche pas à ma rue» ; Comité pour un gazage sans OGM ; mouvement «Guerre sociale et amour fou» ; comité «Passe sur la BAC dabord» ; club «GF 38» (Gaz vs Fumigènes 38) ; Michel et Olivier (Derniers Poilus de la Bataille de Verdun) ; parti NPA (Noix et Pommes Avariées) ; Michael Scofield de Prison Break ; union syndicale CRS (Citron, Rage et Sérum phy) ; groupe-Facebook «Salut, ça gaze ?» ; collectif unitaire «Un jour, jirai au Rectorat avec toi…» ; Ligue des Droits des Pommes ; association «Arrêté, crie ton nom» (ACTN) ; réseau FTC (Fous Ta Cagoule) ; FIDL Gastro ; Front de Libération des Rues ; fan-club de Magali Coppere...

Indymédia Grenoble, 19 mai 2008



Publié dans Éducation

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