China Blues

Publié le par la Rédaction


Hsi Hsuan-wou et Charles Reeve, China Blues, voyage au pays de l’harmonie précaire, Verticales, sortie fin mai 2008, 22 euros, 288 pp.

Avec le récent tremblement de terre, une fois de plus, le peuple chinois paye chèrement les conséquences de l’organisation sociale, les choix de classe du «socialisme de marché». À Pékin, le parti-État stalino-libéral se veut rassurant, le barrage des Trois Gorges a bien résisté aux secousses, ainsi que les centrales nucléaires… La confiance doit régner, c
est un ordre ! Mieux, les gigantesques ouvrages construits pour les Jeux olympiques par des groupes capitalistes occidentaux seraient intacts, prêts à recevoir la nouvelle classe moyenne chinoise dopée au nationalisme sportif. Pendant ce temps-là, des villes entières ont été rayées de la carte, des centaines de milliers de constructions de fortune bâties par les pauvres ont été réduites en poussière et autant dimmeubles édifiés à la hâte par les mafias du bâtiment se sont effondrés sur leurs habitants. Des dizaines de milliers de travailleurs sont morts sous les décombres de leurs usines, des écoliers et des malades ont été ensevelis sous les décombres décoles et dhôpitaux. La pauvreté et la misère vont encore faire un «grand bond en avant», des centaines de milliers de travailleurs vont prendre la route et viendront sajouter à ceux qui survivent déjà dans les grandes villes de lEst.

Depuis quelque temps le Tibet est l
arbre qui nous cache une forêt en feu. La situation au Tibet sapparente certes à celle dune colonie : exploitation des matières premières, déplacements de populations, effacement de la culture traditionnelle, peuplement chinois massif.

Mais cette situation ne peut être séparée de la nature oppressive du régime chinois et des objectifs qu
il poursuit. LOccident sest ému que les «droits de l’Homme» soient bafoués au Tibet. Mais de quels droits et de quels hommes parle-t-on ? Pendant quon parle de «droits de l’Homme», les autres aspects de la question sociale passent à la trappe : les émeutes paysannes contre des expropriations de terres, la découverte dun vaste réseau dexploitation denfants esclaves dans la région de Liangshan, au Sichuan, les grèves et les révoltes récurrentes dans les bagnes industriels et les mines, les catastrophes à répétition qui sabattent sur les couches les plus défavorisées de la population, létendue du système concentrationnaire.

Alors que le pouvoir orchestre le compte à rebours des glorieux Jeux olympiques, dans les quartiers populaires de Pékin la police spéciale (entraînée par des experts français) se fait plus présente, les prix s
envolent (+ 48% pour la viande, + 68% pour le porc), et cela au cours du seul mois davril 2008 ! Pendant le même mois, lexcédent commercial sest élevé à 16,7 milliards de dollars, la camelote chinoise remplit les rayons des supermarchés occidentaux et fait le bonheur des multinationales.

China Blues, voyage au pays de lharmonie précaire est un recueil de témoignages qui rappelle que la Chine daujourdhui nest pas un monde séparé, mais la caricature bureaucratique du modèle libéral présenté ici comme notre avenir indépassable. Composé dune série dentretiens sur le vif et de documents originaux traduits du chinois, le livre brosse un tableau saisissant du nouvel «atelier du monde» et montre le vrai visage de la «société harmonieuse» avec sa «croissance à deux chiffres» que nous vantent les dirigeants chinois. On y découvrira ainsi certains aspects peu connus du pays de la répression concentrationnaire, des ONG pseudo-écologistes et de la surexploitation généralisée qui accable les millions de paysans déracinés, travailleurs précaires des zones franches et autres victimes de la pollution durable. La Chine pose la question sociale à léchelle de lhumanité entière.

A-infos, 19 mai 2008

Publié dans Internationalisme

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