EPM de Porcheville : une nouvelle chance d'aller en prison !
L’établissement pour mineurs de Porcheville a ouvert le 14 avril 2008. C’est le sixième établissement de ce type à ouvrir en France et le premier en Île de France. L’État arrive à la fin de son programme d’implantation de ces nouvelles prisons qui seront au nombre de sept si nous ne pouvons empêcher l’ouverture du deuxième EPM d’Île de France qui est prévu à Chauconin (77). Dès le 15 avril les quatre premiers enfants détenus en provenance du quartier mineurs de Bois d’Arcy (78) ont été transférés. C’est ainsi que vont s’échelonner les transferts en alternance entre les quartiers mineurs de Bois d’Arcy et d’Osny (95) «pour ceux qui le méritent» puisque les quartiers mineurs semblent désormais réservés aux «inadaptés» de ces prisons de la nouvelle chance.
Une prise sur son environnement
Rappelons que lors de la présentation de ce programme carcéral, outre le leurre éducatif, était aussi annoncée une prise en compte de l’environnement. On peut penser que pour Porcheville, la tête pensante locale — en matière de répression — en la personne de Pierre Bédier a usé de perversion pour choisir le lieu de construction de cette prison.
L’EPM se situe dans une zone complètement isolée et presque inaccessible pour les familles qui ne disposent pas de véhicule. Pourtant le travail avec les familles a été annoncé comme une priorité par l’administration. D’après les premiers retours de l’EPM de Lavaur, cette priorité est restée aux portes du pénitencier (voir article dans la Griffe de décembre 2007).
Par ailleurs, le site choisi est classé Seveso (site à risque avec dangers d’intoxications et d’explosions comme à Toulouse en 2001) et est communément appelé dans la région «la vallée des déchets». Peut-être que dans sa démarche environnementale, l’État considère les jeunes comme des déchets parmi d’autres, que l’on doit trier et retraiter.
Le choix de tuer
Alors que l’administration communique sur le choix d’éduquer qu’elle prétend défendre, on constate que le ministre de la Justice fait peu cas des derniers événements survenus à Meyzieu. En l’espace de deux mois, un jeune a été tué par le système carcéral et un autre a tenté de mettre fin à sa vie. La réponse de la ministre a été de soutenir le personnel et d’affirmer que dans sept ans on verrait les premiers résultats positifs. Mme Irma est bien sûre d’elle, à moins que les résultats positifs soient synonymes d’un taux de remplissage élevé. Auquel cas, il faudra peut-être penser à démarrer un nouveau programme car construire des prisons, c’est aussi bon pour la croissance et l’emploi ! Et pour celles et ceux qui n’ont pas d’emploi, il n’y a qu’à les mettre en prison !
Pendant que l’État fait le choix de la mort, de la répression, de la soumission et du tri social, faisons celui de la vie, de la solidarité, de l’émancipation et de la fraternité.
N’enfermons pas la jeunesse, aidons-la à s’émanciper !
La Griffe du Social no 13, avril-mai 2008
Bulletin mensuel des travailleurs sociaux
du Syndicat CNT santé social & FTP région parisienne
Bulletin mensuel des travailleurs sociaux
du Syndicat CNT santé social & FTP région parisienne
Les derniers mois de l’ordonnance du 2 février 45Le 15 avril 2008, jour de l’arrivée des premiers détenus à l’EPM de Porcheville, la ministre de la Justice a nommé une commission chargée de travailler sur la «refondation» de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. Tout un symbole !Les enfants ne sont plus à protéger !
Si l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante n’était pas révolutionnaire — car comme toute loi, elle venait d’abord servir les intérêts de l’État sans remettre en cause l’incarcération des enfants par exemple — elle a tout de même affirmé comme principe de privilégier l’action éducative sur la répression. Les enfants de cette époque qui ne passaient pas moins à l’acte qu’aujourd’hui étaient considérés comme des enfants à protéger et certainement utiles à la reconstruction de la nation.
Cette ordonnance a été modifiée de nombreuses fois au cours de ces dix dernières années avec l’accélération d’une tendance répressive depuis 2002. Ces différentes modifications ont vidé le texte de tout son sens au point de privilégier la répression sur l’action éducative. En effet, entre l’abaissement de l’âge pénal à dix ans, l’introduction de mesures de plus en plus contraignantes et calquées sur les majeurs, il devient difficile de trouver dans l’ordonnance un sens à la priorité de l’éducation.
De réformes à «refondation»
La commission nommée par la ministre de la Justice est dans la suite logique des précédentes réformes. Les modifications ayant leurs limites on parle désormais de «refondation». Ce changement sémantique n’est pas anodin. Il signifie clairement que les fondements qui ont préexisté à l’ordonnance du 2 février 1945 vont être balayés d’un revers de loi. Fini l’éducation !
Au regard de la composition de la commission, on a peu de doutes sur les conclusions qu’elle remettra à la ministre. Rachida Dati qui souhaite «mettre au cœur de la justice pénale des mineurs la notion de parcours individuel. Un parcours compréhensible pour le jeune, adapté à sa situation et lisible pour son environnement» a nommé comme président de la commission André Varinard qui souhaite pour sa part «remettre les plus jeunes dans le droit chemin». On y trouve aussi le directeur de l’école nationale de la protection judiciaire de la jeunesse, M. Daumas, qui a déjà planché sur le projet des établissements pénitentiaires pour mineurs pour lesquels la priorité était aussi le choix d’éduquer et qui sont très lisibles pour l’environnement.
On peut penser qu’au vu des attaques répétées envers les juges des enfants qui seraient laxistes, leur disparition est à l’ordre du jour et que l’excuse de minorité dans les procédures des moins de dix huit ans deviendra une exception. On peut donc craindre une justice calquée sur celle des majeurs et l’introduction de la possibilité d’incarcérer les enfants de moins de 13 ans.
Ces orientations viennent nous rappeler que cette justice est une justice de classe. En matière de délits financiers, tout le monde ou presque peut s’accorder sur le laxisme des magistrats mais le gouvernement a préféré opter pour la dépénalisation du droit des affaires.