Atenco : son histoire, sa vie, sa lutte victorieuse...

Publié le par la Rédaction


Une petite carte postale, sous la forme d’un long article, qui essaie dinformer largement sur le processus de la lutte du Front de Défense de la Terre de San Salvador de Atenco au Mexique, deux ans après la monstreuse répression de l’État…

Nhésitez pas à me demander des précisions ou autres informations si envie !

Un envoyé informel, qui vous remercie davance pour vos critiques et embrasse «Le Fléo» pour ses photos…

San Salvador de Atenco, petit-Bourg rural et populaire de 16.000 habitants, faisant partie du municipe [
Municipe («Municipio») est le regroupement politique, social et administratif de différents villages et/ou communautés au Mexique. La plupart des municipes du pays dépendent de partis politiques «institutionnels» (PRI, PAN, PRD, PP…) ; certains sont autonomes fonctionnant sur les us et coutumes de peuples indigènes (communautés zapatistes au Chiapas, certains villages dans la Sierra Norte de Oaxaca, communautés au Guerrero) ; et d’autres sont mixtes : c’est le cas d’Atenco.] d’Atenco (40.000 habitant-es)… situé dans l’État de Mexico à une trentaine de kilomètres de la surdimensionnée et surpolluée capitale Mexico du District Fédéral (D.F.) et sa métropole de 18 millions d’habitants la nuit et 25 millions les journées de travaux urbains… s’est fait tristement connaître pour beaucoup en France et internationalement, il y a deux ans, par de sauvages brutalités orchestrées par 2500 membres de différents corps de police gouvernementaux. En effet, les 3 et 4 mai 2006, une répression d’une violence sans limite a été mandatée par le gouverneur de l’État de Mexico, Enrique Peña Nieto, et le président de la République du Mexique, Vicente Fox, entre autres. La Police fédérale Préventive (PFP) [Police Fédérale Préventive (PFP) est un corps de police dépendant de l’État fédéral comme son nom l’indique, mais qui connaît un entraînement militaire, et est connu pour ses formes d’intervention radicales et violentes. C’est le corps policier de prédilection pour les interventions contre les mouvements sociaux et indigènes. Vous avez dit «préventive» ?], entre autres, a ainsi perpétué multiples tabassages et tortures de plusieurs centaines de personnes du village (intégrant-es du FPDT : Front Populaire de défense de la Terre, et habitant-es) ; arrêté presque 200 personnes ; violé 36 femmes ; et tué deux personnes : un jeune de 14 ans, Francisco Javier Cortés ; et un étudiant de 21 ans : Ollín Alexis Benhumea.

Ces évènements ont permis de faire connaître la lutte des membres du FPDT composés de 3500 à 4000 personnes, c’est-à-dire plus ou moins 10% de la population du municipe d’Atenco, s’opposant depuis 2001 au projet de construction d’un aéroport, annexe à celui de la capitale, sur leurs terres communautaires «ejidales» [Ejidales : terres communautaires issues de la révolution mexicaine (1910-1919) qui obtinrent un statut de propriété d’usage reconnue par l’État de «terres appartenant à ceux qui l’occupent et la travaillent», et qui ne pouvaient servir à d’autres fins que des exploitations agricoles. Ce dernier fait légal a été aboli par le président en place en 92, Carlos Salinas de Gortari, qui donna les droits d’utiliser les terres à d’autres fins (industrielles, commerciales…) sous réserve qu’il y ait consensus des propriétaires sur la vente des terres à ces fins.]. Ils et elles ont obtenu, entre autre, l’annulation d’un acte d’expropriation de leurs terres en 2002 par le président Vicente Fox, fait unique depuis la révolution mexicaine. Jusqu’à aujourd’hui, les terres sont toujours en leur possession ; on peut réellement parler d’une lutte victorieuse entamée il y a 7 ans.
(Vous pouvez écouter librement, mais attentivement, une émission de Radio Zinzine sur la lutte d’Atenco de 02 à 07 «San Salvador de Atenco : l’histoire d’une vengeance d’État».)
Il me paraissait très intéressant de connaître et partager les suites du processus de construction ou non de l’aéroport. J’ai pu partager avec quelques camarades du FPDT la suite du projet et de leur lutte autour du festival de soutien que le Front a organisé en faveur des prisonnier-es politiques le 14 mars 08.


Ce festival qui a eu lieu sur «las canchas» (le terrain) de football à Atenco sous la forme d’un marathon de concerts où jouèrent 12 groupes de 11 heures à 22 heures, avec en point de mire les stars militantes mexicaines de Los De Abájo et Panteón Rococó. À la musique se mêlèrent quelques projections de films de la lutte contre l’expropriation des terres en 01-02 ; quelques distributions subversives de brochures, CD et vidéos ; et la dégustation des traditionnels «sopes» (tortillas grillées agrémentées de purée d’haricots, oignons, salade et évidemment la sauce chili) et «tortas» (sandwich avec agréments locaux à choix et son piment rouge, vert ou jaune). Une folie punk agrémenta aussi quelques concerts de l’après-midi, folie qui consiste dans la mise en marche sportive du public qui se met à courir ensemble dos à la scène, après un bref signal du chanteur, provoquant une marée humaine impressionnante, et pour l’occasion un nuage de poussière et de sable rendant l’horizon pour un temps plus que nuageux. Certainement un entraînement local de contre-attaque collective contre un potentiel assaut d’un groupe policier quelconque… ¿ Quien sabe ?

À la fin de journée, quelques camarades du FPDT prirent la parole sur scène, machettes en main, devenues la représentation la plus probante de leur lutte. Quelques discours furent effectuées par trois femmes du FPDT, qui font partie des personnes les plus engagées ; à noter que la présence des femmes est très importante au sein du Front, chose de plus en plus commune et courante dans les luttes politiques et populaires au Mexique, a fortiori celles issues des peuples indigènes. Les paroles insufflées furent autour de l’évènement du festival en soutien aux personnes toujours prisonnières politiques depuis mai 06, au nombre de 13, et des frais afférents pour payer les frais de justice et les avocats qui se battent pour obtenir leur libération contre leur injuste enfermement. Quelques paroles furent prononcées sur la lutte de San Salvador de Atenco depuis 01, et la poursuite de la lutte contre de potentiels nouvelles attaques gouvernementales pour subtiliser leurs terres.


À savoir que quand ils et elles furent criminalisé-es comme paysan-nes en lutte avec des armes par le gouvernement et les médias institutionnels ces dernières années, ils et elles n’ont cessé-es de revendiquer que ce n’était qu’un outil pour travailler leurs terres. Certes, je ne remettrais pas en doute leur dires, mais je ne peux cacher que quand on est témoin (réel ou vidéo) de leur face à face avec les «granaderos» (police anti-émeute) ou la PFP lors de «marchas» (manifestations suivant des kilomètres de marche), c’est assez impressionnant l’affront qu’ils sont capables d’assurer machette contre bouclier et matraque. Il me semble vraiment que leur «outil de travail» influence un changement de rapport de forces et de position de pouvoir qu’arpentent les flics généralement en manifestations au Mexique comme en France ou ailleurs ; même si, c’est certain, les armes policières restent davantage perfectionnées et «efficaces» lors d’un affrontement armé.

Un parmi tant d’autres dudit «outil» fut offert aux musiciens de Panteón Rococó, défendant la lutte des camarades d’Atenco ; à savoir si c’était une invitation à cultiver les champs de maïs, de «frijol» (haricots rouges) et de courges ou un symbole d’intégration à leur «lutte armée», je vous laisse juges autonomes populaires. (cf. les photos offertes par «Le Fléo» en annexe.)

Au niveau de la justice précisément, enfin plus réalistement nous devrions parler d’outil pénal et répressif corrompu contrôlé par les nantis mexicain-es…

Suite à la libération de dix personnes sorties de prison lors de ces deux derniers mois, respectivement sept le 25 janvier et trois le 7 mars (César del Valle Ramírez, Georgina Edith Rosales González y Rufino Gonzáles Rosas) ; il reste à présent treize personnes détenu-es, dix dans la prison de «Molino de flores» (Moulin de fleurs) à Texcoco (à 7 kilomètres d’Atenco) et trois dans la prison dite de «haute sécurité» de Santiaguito à Toluca (à une centaine de kilomètres à l’ouest du village). Ces trois personnes avaient reçues un jugement (le seul à ce jour concernant les prisonnier-es) qui les avait condamnées en mai 07 à 67 ans et demi de prison pour, entre autres, des charges de séquestration ; à savoir que dans les textes de la loi fédérale, ces délits ne peuvent pas engendrer des peines au-delà de 40 ans d’enfermement.

C’est certain les caciques, maîtres de l’instance judiciaire au Mexique, possèdent un goût prononcé pour la précision des peines, mais pas vraiment celui du respect légitime des droits humains (reconnue aussi légalement par leurs outils corrompus) ni même de leur propre législation. Que ce pseudo-jugement fut une criminalisation politique des présumés leaders (inexistants puisque le mouvement est autogéré depuis une base populaire) du FPDT en lutte, et donc leur châtiment par les décideurs de l’État, je me fais juge autoritaire cette fois pour affirmer qu’il n’en fait aucun doute !

Les personnes tout récemment sorties de prison l’ont été par des prononciations de jugements d’«amparo» au niveau de l’État de Mexico. Ces «amparos» sont des jugements particuliers au Mexique, qui protège une personne si le ou la Procureur-e Général-e de Justice reconnaît qu’il n’y a pas de mobiles ou de preuves suffisants pour l’accusation de cette personne, ou simplement juge une mise en danger de celle-ci ; ce jugement suspend toutes les poursuites judiciaires la concernant.

Ces libérations ont pu être obtenues par le travail énorme des avocat-es (et c’est pas rien de se battre contre un système de Justice totalement mafieux) ; et aussi par la pression et le travail au niveau du respect de droits humains et procédures légales de la CIODH (Comission Internationale d’Observation des Droits Humains), créée en 97 lors des massacres d’Acteal au Chiapas, est qui était présente en février de cette année à Atenco.

Des succès d’amparo ont été aussi prononcés pour la majeure partie des personnes qui avaient des mandats d’arrêt contre elles, à l’exception de trois, accusées de séquestration, charge pour laquelle un «amparo» ne peut être prononcé. Ces batailles juridiques n’ont pas été simples, plusieurs personnes devant s’expatrier pour un temps afin de ne pas risquer une probable détention.

Les défenses juridiques et avocat-es mobilisé-es par le FPDT sont différentes selon les cas : une avocate défend les trois prisonniers en «haute sécurité» ; des avocat-es militant-es de l’Autre campagne, et quelques avocats individuels pour les autres. La Justice n’étant toujours pas reconnue d’utilité publique, toutes ces luttes juridiques pour libérer les lutteureuses sociales continuent de posséder un coût économique, assez important (6000 pesos cad 400€ par mois pour uniquement les trois prisonniers dans le pénitencier à Toluca). Le festival ayant été déficitaire, malgré les 2500-3000 personnes présentes ; un peu étonnant cette supra organisation alors que le FPDT n’a pas de liquidités, mais il apparaît depuis quelques temps déjà qu’aucun obstacle ne les arrête tant qu’ils et elles sont accompagné-es de leurs machettes.

Un appel est fait par les gens du FPDT pour un soutien économique plus que nécessaire envers les gens et collectifs qui le pourraient et le souhaiteraient (cf. contacts pour les dons à la fin de l’article).

En outre, une centaine de personnes ont vendu des terres «ejidales» communautaires, ce qui est interdit par le consensus des commissions agraires (mi populaires mi institutionnelles) des paysan-nes du municipe d’Atenco. Une seule personne a eu des problèmes avec la justice au niveau fiscal sous l’argumentaire dialectique policier : «Vous allez aller en prison ! Pourquoi ? Parce que prison ! Mais quel est le délit ? Prison.» Une seule personne jugée, pour exemple certainement, laissant la liberté à tous et toutes les autres, vu que les ventes des terres arrangent bien l’État et les investisseurs privés engagés dans le projet de l’aéroport… C’est un point de vue comme un autre, mais désolé j’en vois pas d’autre, toute objectivité gardée.

Pour terminer sur ce terrain glissant judiciaire, je vous fais part de quelques dires d’un «compañero» du FPDT : «Tout est jeu politique. On (le FPDT, les décideurs de la justice et les membres des partis politiques) n’est pas du même monde. Il y a un grand besoin de faire comprendre aux gens que la réalité n’est pas celle donnée par les médias officiels (TV Azteca et Televisa —TV commerciales— en tête), même à Atenco» ; ce qui n’est pas simple car «La TV est comme un Dieu, tout le monde croit ses dires et informations. En outre, des personnes sont payées par le parti politique du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) pour assurer sa propagande dans le municipe.»


En ce qui concerne le processus du projet de l’État et de plusieurs transnationales de récupération des terres et la construction de l’aéroport, cent zones «ejidales» ont été achetées pour ce faire depuis deux ans, surtout dans les zones urbaines du municipe d’Atenco qui s’industrialisent de plus en plus, à Santa Isabel Ixtapan et à Nexquipavac.

À présent, l’idée du projet serait d’effectuer la construction sur 20% des terres appartenant à la République du Mexique, ce qui tirerait à 5 kilomètres de l’aéroport actuel de Mexico ; ce qui paraît assez peu «efficient» par rapport au projet initial, qui comportait tout un corridor de constructions de zones industrielles, commerciales et touristiques sur une trentaine de kilomètres entre la capitale et le municipe. En parallèle, l’amplification de l’utilisation de l’aéroport international à Toluca, déjà existant, est aussi envisagée ; ou, de manière beaucoup plus incertaine, l’utilisation de la zone «Parque del pueblo  (Parc du peuple) au Sud d’Atenco, qui est aussi la propriété de l’État, exceptée une partie qui à été rachetée par Carlos Slim
[Carlos Slim : propriétaire de Tel-Mex (entreprise détenant le monopole de la téléphonie au Mexique), devenue première fortune du monde en 06 ; mais qui a perdu son titre face à Bill Gates l’année passée. Bon ben, à croire qu’il l’a cherché ou qu’il ne pouvait pas assumer son pouvoir de leader, car le rachat d’une partie de la réserve naturelle «Parque del pueblo», et une parcelle du «Centró historicó» de Mexico DF, c’est certain que ça lui a coûté des points économiques fatals.] qui a le projet de faire un centre de retraitement des déchets durable et charitable. Voilà quelque chose de bien original par nos temps modernes, une industrialisation des terres d’un parc naturel pour l’intérêt communautaire… d’un entrepreneur sans frontière et ses copains, copines !


Plusieurs personnes intégrantes du FPDT parlent de lutte victorieuse (annulation de l’ordre d’expropriation en 02, fait quasi unique à Mexico ; la non construction de l’aéroport sur les terres communautaires jusqu’à aujourd’hui) face au gouvernement et son méga-projet grâce à «la force de la lutte d’une minorité sur la volonté d’imposition par une majorité»… mais quelle force populaire déterminée ! En ce sens, je me souviens d’un de ces échanges certainement anecdotique mais si parlant, un parmi les nombreux quand on prend plaisir à fleurer les rues si vivantes de paroles et de générosité des habitant-es de San Salvador Atenco…

Un fleuriste de Texcoco d’une soixantaine d’années me comptait ainsi très naturellement son engagement en tant que vendeurs de fleurs ambulants, et la répression en mai 06, lors de laquelle il avait pris plusieurs coups par des policiers en pleine rue, puis subit des tortures en prison avant d’être relâché quelques jours plus tard. Il me confirmait qu’«il avait lutté à cette époque, et continuait de lutter solidairement avec les autres compagnons» ; et juste que son problème actuel était que la mairie ne voulait pas lui procurer sa nouvelle carte d’électeur, la raison étant ses «problèmes juridiques d’il y a deux ans». À savoir qu’au Mexique, une personne peut se voir suspendre, ou annuler ses droits civiques et électoraux, voire être virée des listes officielles (apparaissant ainsi comme mort), si elle est en procédure judiciaire, même si aucun jugement n’a encore été délivré. Légalement, la personne doit retrouver ses droits au moment où les poursuites judiciaires tombent, dans le cas où elle n’est pas condamnée «bien évidemment»… bon bien sûr ça s’est la théorie, vous aurez compris, à présent, que le Code pénal mexicain est plus utile, et donc plus utilisé, aux WC que dans une cour de Justice… Quelques personnes en tête du gouvernement sont capables de mandater des assassinats et viols par pure vengeance du non aboutissement d’un projet ; alors, il paraît presque anecdotique de ne pas rendre une carte d’électeur à un citoyen tabassé lors d’émeutes policières.

À mon sens, tout ce processus de lutte qui a abouti à une victoire probante sur l’État et ses acolytes financiers, à l’initiative d’un projet qui est énorme au niveau économique, donne un espoir vital pour l’accentuation des luttes de territoire déjà engagées, et qui risquent de se décupler dans les temps à venir, entre grandes organisations sociales populaires et répression militaire d’État : la création d’un État de non-droit en somme. Ceci en partie pour la construction du «Plan Puebla-Panama»
[Plan Puebla Panama (PPP) : énorme création de corridor indutrialo-commercialo-touristique s’étalant de la ville de Puebla (centre du Mexique) jusqu’à la ville de Panama (capitale du même pays). En ce sens, les subtilisations de terres et exploitations forcenées des ressources naturelles risquent de s’intensifier sans limite ; les peuples indigènes sont les plus directement affectés par ce «réaménagement territorial».] et «grâce à» l’entrée en vigueur du TLC (Traité de libre commerce entre États-Unis, Mexique et Canada) au 01 janvier 08.

Une réénergisation des forces sociales par une telle victoire populaire fait donc le plus grand bien dans ce climat de répression généralisée.

De plus, des convergences de luttes intéressantes ont été aussi développées entre le FPDT et le syndicat de la coopérative ouvrière «Boing» (jus de fruits) ; l’entreprise appuyant la lutte d’Atenco avec le don de produits lors d’évènements et par l’appui économique mensuel. Des échanges existent aussi avec une coopérative de vêtements. Le Front s’est enfin lié à la lutte des prostituées du centre de Mexico, que le gouvernement voulait virer il y a quelques années, lutte victorieuse également.

Mais ces victoires ne peuvent pas nous faire oublier les troubles humains qu’a essaimé cette lutte. Outre les violences physiques et arrestations déjà évoquées, des troubles psychologiques très importants ont aussi été perpétués par les outils répressifs policiers. En effet, pas mal de gens continuent de se remémorer des choses horribles, bien détaillées, de la répression de mai 06. Des soutiens psychologiques ont été mis en place par le FPDT mais ce n’est pas forcément efficace car la plupart des personnes ne veulent pas recevoir d’appui : un homme est resté chez lui sans sortir pendant plusieurs mois après la répression ; une habitante n’a pas vu d’autres horizons que sa maison quasi depuis deux ans ; un membre du FPDT se remémore des coups portés par la PFP le 4 mai 06 : les blessures physiques sont surpassées, mais les douleurs psychologiques restent ; des femmes violées qui ne parlent pas car elles considèrent plus «urgent et important» de s’occuper des prisonnier-es politiques. Une parano a aussi envahi, un temps, certains paysan-es en lutte, se soupçonnant les un-es les autres d’être indicateurs ou indicatrices servant le PRI, parti politique du gouverneur de Mexico.

Pour pimenter la pression sécuritaire, les hélicoptères de la police estatale et fédérale tournent quasi en permanence depuis 01 dans les cieux d’Atenco, exceptés les jours de trêve lors d’une présence dérangeante comme celle de la CIODH en février dernier.


Et comme toute histoire de mouvement social qui se veut «légendaire», celle d’Atenco possède ses non-dits ou bêtisier… Voici donc quelques anecdotes croustillantes, certaines drôles et d’autres moins riantes, pour prouver que la société du spectacle n’a pas de frontière…

* Le FPDT a reçu un prix de «Droits humains» le 10 décembre 07 aux Asturias en Espagne, peu d’argent pour l’État selon un membre : 6000 €, «ce qui doit être équivalent au coût journalier de nettoyage des rues du centre ville des Asturias qui brillent plus que le sol de ma cuisine» ; mais qui a eu l’intérêt non négligeable d’une reconnaissance par une institution du gouvernement espagnol. Pas vraiment que cela les intéresse et importe cette reconnaissance d’État, mais ça met en lumière les violations de droits humains à Atenco, outre-frontières, et met ainsi une certaine pression sur «l’image» des États-Unis du Mexique» et pousse les regards sur les agissements du gouvernement mexicain.

Lors de cette inauguration très officielle, un représentant du gouvernement des Asturias s’est permis des envolées lyriques et dénonciatrices des violations de droits humains de la part de l’Etat mexicain, et de faire l’apologie de la « démocratie parfaite » en leur territoire (il avait dû oublier son livre d’histoire basque à la maison !). Sans imaginer les complots de tous horizons, ça fleure presque la récupération, voir l’instrumentalisation de la lutte des membres du FPDT. L’autre anecdote rigolote fut la prise de parole de la représentante du PP (Parti Populaire, «à la droite de l’UMP») qui s’est mise à improviser un texte… «Eh bien, en fait je vous félicite pour votre lutte, et tout ce que je viens d’entendre ou plutôt apprendre, mais sincèrement je ne connais pas du tout votre engagement ni les évènements, j’ai été envoyée par mon parti, mais je vous souhaite plein de courage pour la suite» ; elle a ensuite complètement été effrayée quand les deux membres du FPDT ont sorti leurs machettes avant leur discours !

Qui osera encore diffamer que les personnes politiques ne sont pas sincères et n’ont pas d’humour ?

L’argent recu a permis d’aider une personne victime de blessures assez graves à une jambe due aux évènements de 06, avec pour conséquences des incapacités de travail ; blessures qu’il n’avait pas déclarées par peur de la répression qu’il pourrait subir, étant affilié au Front ; mais comme on ne peut rien cacher au FPDT et ses services secrets d’investigations, il a été retrouvé et «forcé» de se soigner. En outre cela a permis l’achat d’un vidéo-projecteur et d’un ordinateur qui leur permettent un peu plus de moyens et d’autonomie pour leurs productions médiatiques (DVD surtout).

** La nouvelle carte géographique officielle des écoles «primaria» et «secundaria» (primaires ou secondaires) situe toujours San Salvador de Atenco, mais étrangement plus éloignée de Mexico que la distance réelle, d’autres villages venant s’intercaler entre les deux (pour médiation de projet ?)… Erreur hasardeuse ou aménagement territorial des cerveaux des élèves ? À vous de juger, mais en connaissance de cause…

Une personne dépendant du Ministère, secteur Éducation, régi par le président de la République, Felipe Calderon, du parti politique du PAN (Parti d’Action Nationale — à droite de la droite sarkozyste) donne des cours avec des entreprises pour impliquer l’idée que les gens doivent «vivre au présent» et donc de faire valoir l’utilité unique d’inculquer la culture sociale et économique actuelle dans les écoles, sans aucune notion d’histoire du pays et sa culture des siècles passés… cultures et luttes indigènes, entre autres, à la poubelle en sorte ! Ceci s’implique dans le projet de modernisme d’annihiler complètement l’histoire de l’Éducation Nationale, ce qui est déjà en partie effectif depuis environ un an à l’école primaire.

Pour finir, et avant de prendre congé, pour un temps, de ces riches histoires mexicaines… quelques besoins de soutiens formulées par les camarades du FPDT :
* L’information, en dehors du Mexique, est primordiale (même si parfois on a l’impression que ce n’est qu’un mince appui) ; ils et elles ont peu de canaux alternatifs de diffusion propres : «Radio Atenco» est seulement ponctuel sur des évènements ; leur media s’effectue via quelques communiqués écrits et films.
* Tissage de liens avec l’extérieur pour une solidarité intra-Mexique et internationale. Le FPDT a été très touché par les accueils et la solidarité outre atlantique, pouvant ainsi venir parler de leur lutte et échanger avec des personnes en Europe, sans aucun besoin d’argent.
* Intérêt de la stratégie de pressions sur les Commissions de droits humains et autres instances et organisations institutionnelles.
* Un grand besoin de ressources économiques, surtout pour les processus juridiques en cours, et un peu de besoin de matériel assurant leur autonomie.
Voici, comme promis plus haut, les références bancaires si vous voulez appuyer le Front Populaire de Défense de la Terre : CAJASTUR 2048-0135-01-3404000042. Un membre se porte garant sur le fait que vous pouvez être certain-es qu’il se fera une bonne utilisation des fonds reçus.

À bientôt pour d’autres contes, plus violent et sanguinaire la prochaine fois, ou comment militariser tout un pays pour en assurer sa dictature, et contrôler la guerre civile qui en découlera assurément… En attendant, faites de beaux rêves!

Un abraso y un saludo desde les terres de Calderon… oups de Zapata !

Ian
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