Chanson du Conseil pour le maintien des occupations
(Paroles d’Alice Becker-Ho, mai 1968
Sur l’air de Nos soldats à La Rochelle, chanté par Jacques Douai)
Sur l’air de Nos soldats à La Rochelle, chanté par Jacques Douai)
Rue Gay-Lussac, les rebelles
N’ont qu’les voitur’s à brûler.
Que vouliez-vous donc, la belle,
Qu’est-ce donc que vous vouliez ?Refrain :Dites-moi comment s’appelle
Des canons, par centaines.
Des fusils, par milliers.
Des canons, des fusils,
Par centaines et par milliers.
Ce jeu-là que vous jouiez ?
La règle en paraît nouvelle :
Quel jeu, quel jeu singulier !La révolution, la belle,Au refrain
Est le jeu que vous disiez.
Ell’ se joue dans les ruelles,
Ell’ se joue grâce aux pavés.Au refrainLe vieux monde et ses séquelles,
Nous voulons les balayer.
Il s’agit d’être cruels ;
Mort aux flics et aux curés.Au refrainIls nous lancent comme grêle
Grenades et gaz chlorés.
Nous ne trouvons que des pelles
Et couteaux pour nous armer.Au refrainMes pauvres enfants, dit-elle,
Mes jolis barricadiers,
Mon cœur, mon cœur en chancelle,
Je n’ai rien à vous donner.Au refrainSi j’ai foi en ma querelle
Je n’crains pas les policiers.
Mais il faut qu’ell’ devienn’ celle
Des camarad’s ouvriers.Au refrainLe gaullisme est un bordel,
Personne n’en peut plus douter.
Les bureaucrat’s aux poubelles :
Sans eux on aurait gagné.Au refrainRue Gay-Lussac, les rebelles
N’ont qu’les voitur’s à brûler.
Que vouliez-vous donc, la belle,
Qu’est-ce donc que vous vouliez ?Au refrain
Reproduction populaire de la chanson du CMDO (On notera la confusion :
Jacques Douai n’a, bien sûr, pas chanté cette chanson.)
Jacques Douai n’a, bien sûr, pas chanté cette chanson.)
«Au carrefour de la rue des Écoles et du boulevard Saint-Michel, un chanteur anonyme tient cercle. Il a affiché sur un mur le texte d’une chanson spécialement écrite sur les événements récents. “Des fusils par centaines, des canons par milliers” dit le refrain. Comme d’autres événements plus tragiques, tout cela finira-t-il par des chansons chantées à chaque carrefour ?»
France-Soir, 15 juin 1968.
ÉCOUTER & TÉLÉCHARGER LA CHANSON :
Par Les Barricadiers
Par Vanessa Hachloum, pseudonyme de Jacqueline Danno
sur le disque Pour en finir avec le travail,
chansons du prolétariat révolutionnaire
paru en septembre 1974 .mp3 / .ogg
Par Les Barricadiers
Par Vanessa Hachloum, pseudonyme de Jacqueline Danno
sur le disque Pour en finir avec le travail,
chansons du prolétariat révolutionnaire
paru en septembre 1974 .mp3 / .ogg
En mai 1968, c’est une nouvelle époque qui s’ouvre pour la révolution, non seulement en France, mais dans le monde entier. Le courant le plus extrémiste, et le plus représentatif sans doute du nouveau mouvement prolétarien qui prend forme dès ce moment-là, est constitué par les Enragés de Nanterre, l’Internationale situationniste et d’autres travailleurs conseillistes, qui ensemble, dominent l’espèce de soviet de la Sorbonne et appellent à l’occupation de toutes les entreprises et à l’expropriation du capital privé et bureaucratique. Cette avant-garde, réunie dans le Conseil pour le maintien des occupations, se battra sur tous les terrains jusqu’au recul provisoire du mouvement. La Chanson du C.M.D.O., contrairement à la très grande majorité des chansons révolutionnaires, écrites plus ou moins longtemps après les événements qui les inspirent, date des jours qui suivent la bataille sur les barricades de la rue Gay-Lussac, et a été efectivement chantée par les groupes d’intervention du C.M.D.O. dans les combats de rue immédiatement ultérieurs, reproduite sur-le-champ et popularisée par ce baptême du feu. Dans cette chanson on voit apparaître le nouvel ennemi historique du prolétariat, les bureaucrates ; qui désormais seront évoqués dans presque toutes les chansons suivantes. Il est intéressant de noter que des historiens ont pu relever, au moins en ce qui concerne un des couplets, une nette parenté de cette chanson avec celle des spartakistes écrasés à Berlin, en janvier 1919, par les troupes du social-démocrate Noske (La Chanson de Büxenstein). Ce n’est pas sans émotion que peuvent l’entendre ceux qui se sont battus rue Gay-Lussac.