L'occupation de la Sorbonne (1)
Dossier Mai 68
Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations
I. Le retour de la révolution sociale
II. Les origines de l’agitation en France
III. La lutte dans la rue
IV. L’occupation de la Sorbonne (2 & 3)
V. La grève générale sauvage
VI. Profondeur & limites de la crise révolutionnaire (suite)
VII. Le point culminant
VIII. Le CMDO & les tendances conseillistes
IX. Le rétablissement de l’État
X. La perspective de la révolution mondiale…
Chapitre IV
L’occupation de la Sorbonne
L’occupation de la Sorbonne
«C’est le lieu où les conditions objectives de la conscience historique sont réunies ; la réalisation de la communication directe active, où finissent la spécialisation, la hiérarchie et la séparation, où les conditions existantes ont été transformées “en conditions d’unité” … Là seulement la négation spectaculaire de la vie est niée à son tour. L’apparition des Conseils fut la réalité la plus haute du mouvement prolétarien dans le premier quart du siècle, réalité qui resta inaperçue ou travestie parce qu’elle disparaissait avec le reste du mouvement que l’ensemble de l’expérience historique d’alors démentait et éliminait. Dans le nouveau moment de la citique prolétarienne, ce résultat revient comme le seul point invaincu du mouvement vaincu. La conscience historique qui sait qu’elle a en lui son seul milieu d’existence peut le reconnaître maintenant, non plus à la périphérie de ce qui reflue, mais au centre de ce qui monte.»
DEBORD, La Société du spectacle.
La nuit de bataille autour de la rue Gay-Lussac causa dans tout le pays de la stupeur. L’indignation qui, pour une grande partie de la population, s’y mêla bientôt, ne se tourna pas contre les émeutiers, malgré l’ampleur des destructions qu’ils avaient commises, mais contre les violences excessives des forces de l’ordre. La radio avait, toute la nuit, décrit instant par instant les conditions dans lesquelles le camp retranché s’était défendu et avait été emporté. On savait, notamment, qu’un grand nombre de blessés gravement atteints n’avaient pu être soignés pendant des heures parce que les assiégeants interdisaient leur évacuation. On leur reprochait aussi d’avoir fait grand usage d’un gaz nouveau et redoutable, quoique les autorités responsables aient commencé par démentir son emploi. Enfin la conviction qu’il y avait eu un certain nombre de morts, que la police restée maîtresse du terrain aurait fait disparaître, était généralement répandue [Le fait n’a pas été démontré. La vraisemblance de l’hypothèse découle de deux considérations : d’une part, il est peu probable qu’entre tant de blessés graves, et si peu promptement secourus, personne ne meure ; d’autre part, il est peu probable que le gouvernement se soit résigné au recul considérable, et lourd de risques, qu’il devait tenter le soir même, sans tenir compte d’informations particulières sur la gravité des affrontements. Il est hors de doute que les services d’un État moderne ont la possibilité de dissimuler quelques tués. Non, bien sûr, en les laissant compter parmi des «personnes disparues» mais, par exemple, comme certains l’ont avancé, en les présentant comme victimes d’accidents de la route survenus hors de Paris.].
Dès le samedi 11 mai, toutes les directions syndicales appelèrent à une journée de grève générale, le 13. Il s’agissait pour elles de mettre un point final au mouvement, en tirant le maximum d’une solidarité superficiellement affirmée «contre la répression». Les syndicats devaient aussi faire ce geste parce qu’ils constataient l’impression profonde causée parmi les ouvriers par la lutte directe en cours depuis une semaine. Un tel exemple menaçait déjà leur autorité. Leur grève de récupération ne respecta pas le temps de préavis légal : voilà tout ce qu’elle devait avoir de subversif.
Le gouvernement, qui avait d’abord réagi, tôt le matin, à l’instant de la chute du quartier des barricades, par un communiqué menaçant qui évoquait un complot et des sanctions, devant l’ampleur des protestations, se résolut à une complète volte-face. Le Premier ministre Pompidou, rentré samedi soir d’Afghanistan, joua en hâte la carte de l’apaisement. Il annonça, passant outre à tout ménagement hypocrite quant à l’indépendance de principe de la magistrature, que les étudiants condamnés allaient être libérés après un nouveau procès immédiat ; ce qui arriva effectivement. Il octroya les locaux de l’annexe Censier de la Faculté des Lettres, dès le dimanche, pour que s’y tînt légalement le sit-in déjà revendiqué, concernant une réforme de l’Université ; cette discussion y commença incontinent, et pendant plusieurs jours l’atmosphère, studieuse et modérée, de Censier se ressentit de la tare originelle de sa naissance. Enfin, Pompidou promit de retirer, dès lundi, toutes les forces de police du quartier Latin, et par conséquent les barrages qui gardaient la Sorbonne. Au matin du 13 mai, la police avait décampé, et la Sorbonne était donc à prendre.
Pendant la journée du 13 le mot d’ordre de grève générale fut largement suivi. Dans un défilé pacifique, près d’un million de travailleurs, avec les étudiants et les professeurs, traversèrent Paris, de la République à Denfert-Rochereau, rencontrant sur leur parcours la sympathie générale. Les slogans portaient sur la solidarité des ouvriers et des étudiants, et réclamaient, pour le dixième anniversaire de sa venue au pouvoir, le départ de de Gaulle. Plus de cent drapeaux noirs étaient mêlés à la multitude de drapeaux rouges, réalisant pour la première fois cette conjonction des deux drapeaux qui allait bientôt devenir la marque du courant le plus radical du mouvement des occupations, non tant comme affirmation d’une présence anarchiste autonome que comme signe de la démocratie ouvrière.
Les syndicalistes obtinrent aisément la dispersion à Denfert ; quelques milliers de manifestants, étudiants pour la plupart, repartirent jusqu’au Champ-de-Mars où un meeting s’improvisa. Pendant ce temps, un certain nombre d’autres avaient commencé l’occupation de la Sorbonne. C’est là que se produisit spontanément un phénomène d’une importance décisive : tous ceux qui étaient présents décidèrent d’ouvrir la Sorbonne aux travailleurs. C’était prendre au mot le slogan abstrait de la manifestation : la solidarité ouvriers-étudiants. Ce passage était favorisé par la rencontre effective d’ouvriers ce jour-là, et surtout par le dialogue direct engagé entre les étudiants et des ouvriers avancés, venus de la manifestation pour dire qu’ils avaient été en accord, dès le premier jour, avec la lutte des étudiants ; et pour dénoncer le sale travail des staliniens. Un certain ouvriérisme, cultivé par les spécialistes sous-bureaucratiques du révolutionnarisme, n’était certainement pas absent dans les motivations de cette décision. Mais ce que ces leaders avaient dit, sans vraiment y croire, et sans en mesurer les conséquences, prit un sens révolutionnaire à cause de l’atmosphère de liberté totale du débat ouvert dans la Sorbonne, qui annula complètement le paternalisme implicite de leur projet. En fait, peu d’ouvriers vinrent dans la Sorbonne. Mais, parce que la Sorbonne avait été déclarée ouverte à la population, les limites du problème étudiant et du public concerné avaient été brisées. Et parce que la Sorbonne commençait à réaliser une discussion démocratique qui mettait tout en question et considérait comme exécutoires les décisions prises, elle devint un phare pour les ouvriers dans tout le pays : elle leur montra leurs propres possibilités.
La complète liberté d’expression se manifesta dans la prise de possession des murs aussi bien que par la libre discussion dans toutes les assemblées. Les affiches de toutes les tendances, jusqu’aux maoïstes, cohabitaient sur les murs sans être lacérées ni recouvertes : les staliniens du P.C.F. seuls préféraient s’abstenir. Les inscriptions à la peinture n’apparurent qu’un peu plus tard. Ce premier soir, la première inscription révolutionnaire apposée, sous forme de phylactère, sur une des fresques, — la fameuse formule «L’humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste» — souleva quelques remous. Après un débat public, la majorité décida de l’effacer. Ce qui fut fait [L’auteur de cet ouvrage se flatte d’avoir lui-même tracé cette inscription, controversée sur le moment, mais qui ouvrit la voie à une si fertile activité. (Voir à ce sujet la revue Internationale Situationniste no 11, page 32 et passim.)].
Le 14 mai fut fondé le Comité Enragés-Internationale situationniste [Les contacts entre l’I.S. et les Enragés avaient pris forme au lendemain du tract publié le 21 février par ceux-ci. Ayant prouvé leur autonomie, les Enragés pouvaient justement s’entendre avec l’I.S., qui avait toujours fait d’une telle autonomie le préalable de tout accord. À la fin de la période des occupations, le Comité Enragés-I.S. convint de poursuivre cette unité dans l’I.S.]. Il commença aussitôt à apposer sur les murs de la Sorbonne quelques affiches qui disaient bien ce qu’elles voulaient dire. L’une mettait en garde contre l’illusion d’une démocratie directe cantonnée dans la Sorbonne. Une autre appelait à la vigilance : «Les récupérateurs sont parmi nous !» Une autre encore se prononçait contre «toute survie de l’art» et «le règne de la séparation». Une enfin — «Déchristianisons immédiatement la Sorbonne» — s’indignait de la tolérance coupable manifestée par les occupants à propos de la chapelle qui était encore préservée : «Déterrons, disait-elle, et renvoyons à l’Élysée et au Vatican les restes de l’immonde Richelieu, homme d’État et cardinal.» Il est à noter que cette affiche se trouva être la première dans la Sorbonne subrepticement lacérée par des personnes qui désapprouvaient son contenu. Par ailleurs la «Commission Culture et Créativité» du «22 mars» jeta ce jour-là ses derniers feux en affichant sur l’édifice un certain nombre de citations de l’I.S., notamment du livre de Vaneigem.
C’est aussi le 14 mai que se tînt la première assemblée générale des occupants, affirmant son statut de seul pouvoir dans la Sorbonne, et organisant le fonctionnement de l’occupation. Le débat fit apparaître trois tendances : une partie assez considérable de l’assistance, s’exprimant peu mais révélant sa modération en applaudissant certains discours débiles, voulait simplement une réforme de l’Université, un accommodement sur les examens, une sorte de front universitaire avec la gauche du corps professoral. Un courant plus fort, réunissant tous les groupes gauchistes et leur clientèle, voulait poursuivre la lutte jusqu’à la chute du gaullisme, voire celle du capitalisme. Une troisième position, très minoritaire mais entendue, exigeait l’abolition des classes, du salariat, du spectacle et de la survie. Elle fut clairement exprimée par une déclaration de René Riesel, au nom des Enragés. Il dit que la question universitaire était désormais dépassée, et que «les examens avaient été annulés par les barricades». Il demanda à l’assemblée de se prononcer pour la libération de tous les émeutiers, y compris les pillards arrêtés le 6 mai. Il montra que le seul avenir pour le mouvement était avec les travailleurs, non «à leur service» mais à leurs côtés ; et que les travailleurs, ce n’étaient aucunement leurs organisations bureaucratiques. Il affirma que l’on ne pouvait combattre l’aliénation présente en négligeant celles du passé — «plus de chapelle !» —, ni celles qui se préparent pour demain : «les sociologues et les psychologues sont d’autres flics !». Il dénonça une autorité policière de même nature dans les rapports hiérarchiques avec les professeurs. Il mit en garde contre la récupération du mouvement par les leaders gauchistes, et sa liquidation prévisible par les staliniens. Il conclut en faveur du pouvoir des Conseils ouvriers. Cette intervention suscita des mouvements divers. La proposition sur les pillards fut beaucoup plus huée qu’applaudie. L’attaque contre les professeurs choqua. La première dénonciation ouverte des staliniens étonna. Cependant, quand un peu plus tard l’assemblée procéda à l’élection du premier «Comité d’occupation», son organe exécutif, Riesel y fut nommé. Seul à avoir indiqué son appartenance, il fut aussi le seul à définir un programme : reprenant pour cela la parole, il précisa qu’il défendrait «la démocratie directe dans la Sorbonne», et la perspective du pouvoir international des Conseils ouvriers.
L’occupation des facultés et écoles d’enseignement supérieur avait commencé à Paris : Beaux-Arts, Nanterre, Conservatoire d’Art dramatique, Médecine. Toutes devaient suivre.
À la fin de la même journée du 14 mai, les ouvriers de Sud-Aviation, à Nantes, occupèrent leur usine et s’y barricadèrent, après avoir enfermé le directeur Duvochel, et des gens de l’administration, dans des bureaux dont ils soudèrent les portes. Outre l’exemple de l’occupation de la Sorbonne, les ouvriers avaient pu tirer la leçon des incidents survenus la veille à Nantes. À l’appel du bureau nantais de l’U.N.E.F. qui, comme on l’a vu plus haut, était tenu par des révolutionnaires, les étudiants ne se contentèrent pas de défiler avec les syndicalistes. Ils marchèrent sur la préfecture, pour exiger l’annulation des poursuites précédemment engagées contre eux, et la restitution d’une subvention annuelle de 10.000 F qui leur avait été supprimée, comme on pense, depuis leurs prises de position radicales. Ils édifièrent deux barricades, que les C.R.S. essayèrent de reprendre. Des universitaires s’étant offerts comme intermédiaires, une trêve se fit, dont le préfet profita pour recevoir une délégation. Il céda sur toute la ligne : le recteur retirant sa plainte et payant. Nombre d’ouvriers de la ville avaient participé à ce combat. Ils purent constater l’efficacité de cette forme de revendication. Ceux de Sud-Aviation devaient s’en souvenir le lendemain. Les étudiants de Nantes vinrent aussitôt soutenir les piquets de grève.
Connue le 15 mai, l’occupation de Sud-Aviation fut partout comprise comme un acte d’une importance capitale : si d’autres usines suivaient la grève sauvage, le mouvement deviendrait irréversiblement cette crise historique qui était attendue par les plus lucides. En fin de matinée, le Comité d’occupation de la Sorbonne adressait au Comité de grève un télégramme de soutien, «de Sorbonne occupée à Sud-Aviation occupée».
Ce fut la seule activité dont le Comité d’occupation se trouva capable pendant la plus grande partie de la journée, encore en était-on redevable à Riesel. En effet, dès la première réunion du Comité, était apparu un stupéfiant contraste entre la fonction qu’il assumait en principe par délégation expresse de l’assemblée générale, et les conditions réelles qui lui étaient faites. Le Comité d’occupation était composé de quinze membres élus et révoquables chaque jour par l’assemblée générale, responsables devant elle seule, et chargés d’organiser et maintenir l’occupation de la Sorbonne. Tous les services improvisés, ou qui devraient être mis en place, pour le fonctionnement et la défense du bâtiment et de ce qui s’y faisait, étaient placés sous son contrôle. Il s’agissait de rendre possible en permanence la discussion libre, et d’assurer et faciliter la continuation des activités en cours — ceci allant de la distribution des salles à l’organisation du ravitaillement ; de la diffusion démocratique, écrite et orale, des informations au maintien de la sécurité. La réalité était tout autre : des bureaucrates U.N.E.F. en faillite, le vieux tandem Kravetz et Peninou resurgi de l’oubli qui l’avait justement englouti, s’étaient glissés dans les couloirs qu’ils connaissaient bien pour s’installer dans quelque cave, d’où ils s’employaient à ressaisir tous les fils du pouvoir réel, à coordonner l’action de toutes sortes de techniciens bénévoles qui se trouvaient être de leurs amis. C’était le cas d’un «Comité de coordination», qui s’était élu lui-même. Le «Comité de liaison inter-facultés» travaillait pour son propre compte. Le service d’ordre, parfaitement autonome, n’obéissait qu’à son chef, brave garçon au demeurant, qui s’était désigné tout seul et entendait ne discuter qu’à partir de cette position de force. Le «Comité de presse», composé de jeunes ou de futurs journalistes, n’était pas à la disposition de la Sorbonne, mais de la presse française dans son ensemble. Quant à la sonorisation, elle était tout simplement tenue par des éléments de droite, mais spécialistes de la radio.
Fenêtres de la salle Jules-Bonnot, côté rue de la Sorbonne
Dans ce contexte surprenant, le Comité d’occupation éprouvait même quelque difficulté à disposer d’une salle : chaque féodalité déjà installée avait des prétentions sur la totalité des locaux. Sans doute découragés, la plupart des membres disparurent pour s’introduire, en désespoir de cause, dans les différents comités subordonnés mais insoumis, parce qu’ils leur reconnaissaient le mérite d’exister. Il apparaissait à l’évidence que les manipulateurs cités plus haut avaient pensé éterniser leur pouvoir en plaçant dans une position décorative de simples potiches le seul comité élu [Quelque temps après, Peninou consterné ne se gênait pas pour exhaler ses plaintes devant témoin : «On était tous d’accord, gémissait-il, pour qu’aucun groupe ne participe au Comité d’occupation. On avait l’accord de la F.E.R., de la J.C.R., des “Chinois”, etc. On avait oublié les situationnistes !»]. Les manipulateurs devaient être satisfaits du résultat de leurs manœuvres pour la journée du 15 car, à l’assemblée générale qui se réunit le soir, ils proposèrent la reconduction en bloc, pour vingt-quatre heures, du fantômatique Comité d’occupation. Les huit membres du «Comité de coordination» furent aussi confirmés, comme simples auxiliaires du Comité d’occupation. Déjà fort des mécanismes pratiques qu’il avait en main, le Comité de coordination pensa achever sa prise du pouvoir en signifiant directement au Comité d’occupation qu’il n’existait plus. Presque tous les membres de ce dernier, qui venaient justement de réapparaître pour s’entendre réélire par l’assemblée générale, pour le coup se résignèrent à se disperser. Seuls deux membres du Comité d’occupation allèrent en appeler à la base, en dénonçant la manière scandaleuse dont le pouvoir de l’assemblée générale était bafoué. Riesel s’adressa, dans la cour, aux occupants, pour les ramener dans l’assemblée générale, afin qu’elle tranche entre les bureaucrates et ses délégués. Quelques minutes après, la tribune était envahie, et les bureaucrates sommés de s’expliquer publiquement. En butte à l’indignation générale, ils se rétractèrent honteusement. Ce qui restait du Comité d’occupation, appuyé par les éléments qui s’étaient tout de suite ralliés à lui, commença d’exister réellement.
Pendant la même journée du 15, les ouvriers de l’usine Renault de Cléon, en Seine-Maritime, se mettaient en grève et décidaient d’occuper leur usine, en y enfermant eux aussi les directeurs. Les usines Lockheed à Beauvais et Unulec à Orléans débrayèrent aussi. À la fin de la soirée, deux ou trois cents personnes se portèrent sur l’«Odéon-Théâtre de France» à l’heure de la sortie des spectateurs, et s’y installèrent comme occupants. Si le contenu de cette «libération» resta toujours limité — dominé par les gens et les problèmes de la culture — le fait même de s’emparer d’un bâtiment extérieur à tout alibi universitaire n’en signifiait pas moins un élargissement du mouvement : c’était une mise en scène bouffonne de la décomposition du pouvoir étatique. Dans la nuit qui suivit, les plus belles inscriptions de l’époque surgirent partout dans la Sorbonne.
Dossier Mai 68
Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations
I. Le retour de la révolution sociale
II. Les origines de l’agitation en France
III. La lutte dans la rue
IV. L’occupation de la Sorbonne (2 & 3)
V. La grève générale sauvage
VI. Profondeur & limites de la crise révolutionnaire (suite)
VII. Le point culminant
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