Plus on s'écrasera, plus ils nous écraseront...
«Dire qu’il ne peut y avoir trois classes (ou plus) ne signifie pas cependant qu’il y en ait toujours deux. Il peut n’y en avoir aucune, même si cela est rare et transitoire. Il peut y en avoir une, et cela est le plus commun. Il peut y en avoir deux, et cela est le plus explosif.»
E. Wallerstein, Le système mondial moderne.
Offensive antisociale
La bourgeoisie et son gouvernement sont à l’offensive. Un peu comme après l’élection de Chirac en 2002, les «réformes» (comprendre des tours de vis supplémentaires pour les prolétaires) se succèdent en rafales. Les attaques sont multiples : maintien des salaires à un bas niveau, accroissement des possibilités d’exploitation de la main d’œuvre salariée à travers la détaxation des heures sups pour les patrons et à travers les projets de refonte du contrat de travail qui cherchent à rendre plus faciles les licenciements, cadeaux fiscaux pour les plus riches, rognage du salaire indirect à travers la hausse des franchises médicales (qui passe de 1 à 4 euros), la baisse des taux de remboursements de la sécu, le flicage et les radiations des chômeurs, le démantèlement des régimes spéciaux de retraites au nom de «l’égalité» (par le bas), rognage du droit de grève dans le secteur hautement stratégique des transports…
À cela s’ajoutent les politiques étatiques de privatisations, de réductions des déficits publics à travers les compressions d’effectifs dans la fonction publique (particulièrement, mais pas uniquement, dans l’Éducation Nationale), les restrictions budgétaires, la casse des services publics…
L’effet recherché par cette avalanche incessante de réformes et de projets, appuyée par un matraquage médiatique, est clair : désorienter et assommer la population laborieuse sous une pluie de coups afin que les capitalistes puissent continuer à s’accaparer les richesses produites.
Quelques chiffres
Dans ce contexte, il nous paraît nécessaire de rappeler quelques chiffres face à la propagande patronale et étatique qui veut nous faire croire que le système de protection sociale (retraite, santé, chômage…) est au bord du gouffre.
L’exonération de charges sociales sur les heures sups devrait coûter entre 2 et 5 milliards d’euros (suivant le «succès» de la mesure et le niveau d’exonération) en manque à gagner pour la sécu. Autant d’argent qui va rester dans les poches du patronat.
En tout, le «paquet fiscal» du gouvernement Sarkozy qui consiste essentiellement en exonérations d’impôts pour les plus riches, devrait représenter un manque à gagner de 11 à 15 milliards d’euros pour le budget de l’État. Autant d’argent qui là encore va rester en majeure partie dans les grandes poches de la bourgeoisie.
Les capitalistes ont touché 65 milliards d’euros en 2005 sous forme de subventions, d’aides diverses, d’exonérations de charges…
La productivité moyenne des salariéEs de France est parmi les plus fortes au monde. Le temps de travail moyen en France est parmi les plus élevés d’Europe.
Les régimes spéciaux de retraite (les parlementaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat bénéficient d’un régime spécial. Le gouvernement y mettra-t-il fin au nom de «l’Égalité» ?) coûtent 4,5 milliards par an à la collectivité. Dans le même temps, 8 milliards d’euros en actions sont distribués aux dirigeants d’entreprises sous forme de «stock options», qui ne sont pas taxés comme des revenus, ce qui représente déjà environ 3 milliards d’euros de manque à gagner pour les finances de l’État (le gouvernement prétend vouloir les taxer prochainement…).
Les impayés du patronat à la sécu représentent chaque année environ 2 milliards d’euros et les ¾ de cette somme n’est jamais récupérée.
Entre 1980 et 2000, la répartition de la richesse nationale produite en une année (le Produit Intérieur Brut) a fortement évolué en faveur du capital. Celui-ci s’accaparait 30% de la richesse produite en 1980. En 2000, il en rafle 40%. 10% de l’ensemble de la richesse produite en France en un an, cela représente une somme colossale (au moins 150 milliards d’euros apparemment) qui pourrait très largement couvrir le trou de la Sécurité Sociale, que ce soit au niveau de la santé, des retraites ou de l’assurance chômage (et il resterait encore plein de pognon après). D’ici 2040, le nombre de retraités va doubler mais la richesse produite en France chaque année devrait elle aussi doubler.
Entre 1998 et 2005, une étude de l’École d’Économie de Paris établit que le revenu moyen des Français a augmenté de 5,9% mais la donne est différente pour les plus riches. Les 1% des foyers les plus riches (ce qui représente environ 350.000 foyers) ont vu leur revenus augmenter de 19%. Les 35.000 foyers les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 32%. Les 3500 foyers les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 42%.
Tous ces chiffres reflètent bien le rapport de force actuel dans la lutte des classes. Il s’agit pour les capitalistes de nous faire payer et bosser toujours plus afin qu’ils puissent préserver et accroître leurs profits et malheureusement, pour l’instant, ils arrivent souvent à leurs fins.
Nous devons changer !
Le temps des élections est passé. Désormais, ça se sent, tôt ou tard, c’est dans la rue que les comptes vont se régler ! Le gouvernement sait qu’il est assis sur un baril de poudre.
Tous les secteurs de la population qu’il attaque (des cheminots aux profs en passant par les étudiants, les chômeurs et précaires…) vont tenter de résister. Ce que le gouvernement espère, c’est que, face à ses attaques globales, nous résistions de manière séparée, isolés chacun dans notre petit secteur, afin qu’il puisse nous écraser les uns après les autres sans trop de dommages.
Nous devons absolument comprendre que c’est en luttant tous ensemble, au coude à coude, de manière solidaire et simultanée qu’on arrivera peut-être à stopper le MEDEF et le gouvernement.
Nous devons aller les uns vers les autres, refuser les divisions entre salariés du public et du privé, salariés et chômeurs, Français et immigrés… La solidarité ne se décrète pas. Elle se construit dans et par la lutte. Nous pouvons la créer à la base, de manière autonome, dans nos AG souveraines, dans les rues, dans les actions communes.
Nous devons également absolument comprendre que les petites grèves passives de 24 heures et les manifs «traîne-savates» dans lesquelles les institutions syndicales veulent nous maintenir ne suffiront pas à faire reculer le gouvernement.
Lutter, ce n’est pas que protester, c’est aussi riposter par l’action : bloquer partout les voies de communications, occuper massivement les bâtiments officiels, désorganiser l’économie, saboter les profits…
Le mouvement anti-CPE a exploré avec succès ces pistes d’actions. Il les a exploré parce qu’il avait compris qu’aujourd’hui ce sont les seuls moyens efficaces pour défendre ses droits.
La lutte doit être pensée, organisée, coordonnée, déterminée mais aujourd’hui elle doit aussi redevenir sauvage. Lutter aujourd’hui c’est aussi apprendre à enfreindre collectivement la légalité bourgeoise, c’est assumer de se retrouver tôt ou tard face à la répression de l’État…
Nous savons que ce discours effraie beaucoup de gens, nous savons que la résignation existe, nous connaissons la peur qui rode dans les têtes et les cœurs quand finalement il faut se dresser, refuser, s’engager, passer à l’acte, inventer, créer, manquer d’argent parce qu’on fait grève, se retrouver dans la rue face à la police qui intervient… quand finalement il faut désobéir et se révolter contre le pouvoir.
Nous pensons qu’il est également nécessaire de faire surgir dans les AG et les rues une parole libérée, une critique de fond de la société actuelle (travail, hiérarchies, inégalités sociales, autoritarisme, consommation…), des revendications élargies qui dépassent la simple «défense des acquis» et prennent en compte l’ensemble de nos besoins sociaux et humains…
Cette journée du 18 octobre n’est qu’un premier pas. Dans les semaines qui viennent, partout où nous sommes, dans les quartiers, les facs, les administrations, les établissements scolaires, les centres de tri, les gares, nous pouvons discuter, nous préparer, nous rencontrer, nous organiser, commencer à créer les conditions d’une lutte généralisée et prolongée.
Plus on s’écrasera, plus ils nous écraseront.
Alors allons-y ! Allons-y progressivement !
Donnons-nous le temps de nous organiser
et de nous coordonner entre nous,
là où nous travaillons, vivons ou étudions…
Mais allons-y !
Alors allons-y ! Allons-y progressivement !
Donnons-nous le temps de nous organiser
et de nous coordonner entre nous,
là où nous travaillons, vivons ou étudions…
Mais allons-y !
Ce tract du SIA a été diffusé à 800 exemplaires,
à Caen, durant la manif du 18 octobre.
Solidarité no 30, novembre 2007
à Caen, durant la manif du 18 octobre.
Solidarité no 30, novembre 2007
Journal trimestriel du Syndicat intercorporatif anarchosyndicaliste (SIA)